Noé

Noé
Titre original:Noé
Réalisateur:Darren Aronofsky
Sortie:Cinéma
Durée:138 minutes
Date:09 avril 2014
Note:

Adam et Eve avaient trois fils : Abel, Caïn et Seth. Après avoir tué son frère cadet, Caïn a dû prendre la fuite. Avec l’aide des Veilleurs, des anges déchus, il prend possession de la terre et l’exténue avec son industrie démesurée. En même temps, les descendants de Seth restent fidèles à la volonté du Créateur et préservent tant qu’ils le peuvent l’environnement. Le dernier de la lignée est Noé, qui a trois fils avec sa femme Naameh. Dans un rêve, le déluge à venir lui est révélé. Noé part vers la montagne de son grand-père Mathusalem, un vieux sage qui saura peut-être comment échapper à la catastrophe.

Critique de Mulder

Dans le paysage cinématographique américain, le nouveau film de Darren Aronofsky tient du miracle et de l’œuvre d’un réalisateur visionnaire. Ce film que le réalisateur surdoué a préparé depuis de longues années est pour lui un sujet qui le fascine depuis son enfance. Avec son collaborateur de longue date Ari Handel (The Fountain (2006), The Wrestler (2008) ils vont dans un premier temps écrire un scénario qui servira de base au roman graphique de Niko Henrichon Noé : Pour la cruauté des hommes publié en octobre 2011. Le scénario sera ensuite retravaillé avec le scénariste John Logan. A bien analyser, à travers la vision de Noé de Darren Aronofsky on peut y voir non seulement un homme guidé par la volonté de Dieu de recréer un meilleur monde mais également la lutte entre ce réalisateur et un studio Hollywoodien pour imposer sa vision quitte à faire quelques minimes concessions.

En seize ans, le réalisateur Darren Aronofsky a construit à travers six films une œuvre qui lui est propre. Dès Son premier film Pi (1998), il s’impose comme un réalisateur témoignant déjà de thématiques que l’on retrouvera dans ses autres films :  la recherche d’un sens à la vie, la place de l’homme dans la société.  Son premier film fut nommé notamment au Grand Prix Spécial de Deauville en 1998. Hormis The Fountain (2006), ses autres films Requiem for a dream (2000), The Wrestler (2008) et surtout Black Swan furent non seulement acclamés par la presse, récompensés lors de différents festivals et rencontrèrent aussi un bon accueil du public. Fort du succès de Black Swan (budget de 13 millions de dollars, box office mondial 330 millions de dollars), Darren Aronofsky peut enfin concrétiser son projet le plus personnel et son premier blockbuster américain. Il retrouve ainsi la comédienne Jennifer Connelly qu’il avait déjà dirigé dans son second film. Nul autre acteur que Russell Crowe ne pouvait réellement donner vie à ce personnage biblique. Certes les comédiens Christian Bale et Michael Fassbender avaient été pressentis.

Loin de ces blockbusters imposants mais sans âme véritable, le réalisateur aborde son film en gardant la même vision que ces films précédents et en donnant une réelle profondeur à ses personnages principaux et en veillant à ce que l’intrigue puisse paraître la plus réaliste possible. Certes les veilleurs (anges déchus) qui épaulent Noé dans la construction de son arche semblent être une des concessions que le réalisateur a dû accorder à son studio tellement ceux-ci ressemblent à des Transformers. C’est peut-être la seule ombre à ce film magnifique. Le réalisateur aborde une nouvelle fois après Black Swan, les thématiques du dépassement de soi, du rapport de l’homme avec la religion. Noé n’est donc pas un simple film controversé rappelant le concept de la création évolutive mais également un constat d’une société qui a perdu ses repères moraux, religieux. Une nouvelle fois, Darren Aronofsky aborde dans Noé plusieurs genres, film catastrophe, film fantastique, drame épique et péplum.

La réussite de ce film tient également à la présence de Russell Crowe qui retrouve enfin un rôle à la mesure de son talent immense. Celui qui fut Maximus Decimus Meridius (Gladiator (2000)),  Robin des Bois (Robin des Bois (2010)) donne au personnage de Noé une démesure à l’image de la volonté sans faille de son personnage d’accomplir la volonté de Dieu. Les nombreux choix difficiles que Noé doit prendre nécessitaient un acteur capable de s’investir sans retenue. On reconnaît donc ici le talent indéniable du réalisateur de donner à ses comédiens un terrain d’expression . Comme Black Swan a donné à Natalie Portman son meilleur rôle, Noé montre à quel point Russel Crowe est l’un des meilleurs comédiens actuels.

Enfin, un film comme Noé n’aurait pu voir le jour que maintenant étant donné que les effets spéciaux permettent enfin actuellement de donner naissance à des images puissantes et réalistes. Cette vision de la fin du monde parait des plus réalistes tant le soin apporté par la société ILM autant pour donner vie à des espèces disparues et à ces trombes d’eau apocalyptiques. Ces effets spéciaux aussi spectaculaires qu’ils sont ne sont présents que pour illustrer par nécessité l’œuvre de ce réalisateur surdoué et visionnaire. C’est en cela que non seulement Noé marque un tournant dans l’évolution du cinéma actuel mais également montre que les machines de guerre hollywoodiennes peuvent avoir une âme, un sens et une volonté de distraire intelligemment le public. On ne peut donc qu’ applaudir et recommander le nouveau et meilleur film à ce jour du réalisateur Darren Aronofsky

Vu le 01 avril 2014 au Gaumont Champs-Elysées Marignan, Salle 01, en VO

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

En dehors des Etats-Unis, la bible ne fait plus recette. Alors que les péplums s’inspiraient jusque dans les années 1960 des deux testaments, ce retour aux sources chrétiennes a été largement abandonné depuis, le film aussi cru que provocateur de Mel Gibson mis à part. La référence à la religion dénote désormais dans un monde séculier, où le mélange des populations venues des quatre coins du monde n’a trouvé rien de mieux que la laïcité pour fédérer ces croyances souvent incompatibles entre elles. Pour remplacer les représentants de la foi d’antan dans la fiction, nous sommes confrontés à un univers riche en légendes et en mythes, comme le montrent parfaitement les trois péplums sortis ce printemps, plus profanes les uns que les autres. Ce n’est que dans les pays où la vocation religieuse fait presque partie de l’identité nationale, comme aux Etats-Unis ou, au contraire, dans la région du Moyen-Orient où ce film-ci a été banni plusieurs fois parce qu’il contredirait la doctrine de l’islam, qu’un public de niche s’extasie encore devant des contes tendancieux et édifiants.

L’envergure de Noé, dont le véritable déluge se situe du côté des effets spéciaux, exclut d’emblée de n’en faire qu’une leçon d’inspiration et de crainte de la volonté divine pour quelques spectateurs illuminés. Pour ratisser large, Darren Aronofsky a visiblement préféré escamoter tout sujet à polémique, tout en conférant un état d’esprit plus contemporain à son épopée. Rien de plus simple en effet que d’y voir un pamphlet environnemental qui va jusqu’à promouvoir le végétarisme. Si l’humanité y court à sa perte, c’est bel et bien à cause d’un style de vie incapable de comprendre et de respecter la nature, cette valeur universelle dans laquelle tout un chacun pourra se reconnaître. Le protagoniste y est le dernier avocat d’une philosophie pure et innocente. Face à lui, les terres brûlées d’Islande servent surtout de rappel que notre plus grand capital de vie se situe du côté de l’équilibre d’une flore et d’une faune, dans laquelle l’ingérence humaine a créé des dégâts irrécupérables.

Ce discours écologique aurait pu nous séduire, s’il ne passait pas par un vocabulaire visuel totalement risible. Le prologue est malheureusement tout à fait représentatif de la grandiloquence formelle avec laquelle le réalisateur aborde cette histoire ancienne. Le ton ramassé sur lequel est évoqué la généalogie de Noé, truffé de symboles atrocement artificiels, ne quitte plus un récit cruellement en panne d’une véritable vocation spirituelle. L’invention des Veilleurs – une sorte de Transformers en pierre qui feront tout le travail pour le concepteur naval – et le glissement progressif vers une mise en cause du fanatisme religieux finissent par rendre complètement bancale cette histoire d’un autre temps. A moins que ce ne soit la mise en scène excessive et laide de Darren Aronofsky qui nous dégoûte définitivement de ce film. Ce dernier se prend tellement au sérieux, avec son emphase curieusement frileuse lorsqu’il s’agit d’aborder les implications religieuses du sujet, qu’il devient bien trop vite sa propre caricature.

Les comédiens y croient dur comme fer et le réalisateur est apparemment convaincu de tourner un monument cinématographique au moins aussi imposant que la légende de son héros. Mais au final, rien n’y sonne juste. La faiblesse de la narration ne fait qu’accroître encore un peu plus les intentions idéologiques fâcheusement vagues de cette histoire essentielle de l’héritage judéo-chrétien, qui ne pouvait pas se permettre d’être simplement un spectacle creux et ennuyeux.

 

Vu le 23 avril 2014, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 24, en VO

Note de Tootpadu: