Titre original: | Pièce manquante (La) |
Réalisateur: | Nicolas Birkenstock |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 84 minutes |
Date: | 19 mars 2014 |
Note: |
Le sculpteur André et sa femme Paula sont ensemble depuis seize ans. Ils vivent avec leurs enfants Violette et Pierre dans une grande maison à la campagne. Du jour au lendemain, Paula disparaît sans laisser de trace, autre qu’une lettre sommaire pour expliquer son geste. André ne sait pas quoi dire à ses enfants. Il hésite avant de leur annoncer la mauvaise nouvelle et engage un détective privé pour savoir ce qu’est devenu leur mère.
Ce premier film dégage une quiétude magnifique. L’univers bucolique paraît d’abord intact, sans que le bonheur partagé par André et les siens ne sonne faux. Il s’agit certes d’une famille pas très orthodoxe, grâce au métissage des langues et des races, qui ne devient d’ailleurs à aucun moment une source de conflit ou de distinction. Mais même quand le modèle communautaire perd son équilibre suite au départ de la mère, le calme continue de régner en maître sur ce conte estival. La décision de faire fi de tout effet dramatique, voire tragique, afin d’exprimer le cataclysme affectif que cette action égoïste provoque chez les proches de Paula pourrait relever de la niaiserie ou de la mollesse narrative. A notre avis, elle doit plutôt être comprise en tant que défi très courageux pour un premier film, que le réalisateur Nicolas Birkenstock relève haut la main.
La banalité volontaire du ton laisse le champ libre à l’agissement subjuguant de subtilités en tous genres. Alors que la séquence du repas pendant lequel la mère s’est mise en retrait pour observer si les autres sont capables de se débrouiller sans elle fait figure de générale plutôt explicite avant que ce personnage énigmatique ne franchisse le pas, l’évocation de son absence s’opère d’une manière plus vague dès qu’elle n’est plus là. Peu de plans vides ou contemplatifs qui traduiraient en termes cinématographiques ce que les enfants et le mari abandonnés éprouvent. Les moyens à travers lesquels la mise en scène s’exprime sont sensiblement plus fins, comme des cris de détresse sourds qui n’empêchent pourtant pas la vie de continuer.
La force morale du film provient également de son regard très sobre et juste sur l’impact du départ de la mère en fonction des générations. Chacun réagit en effet différemment à l’annonce néfaste, avec des troubles du comportement qui mettent d’autant plus de temps à se résorber que la communication au sein de la famille est défaillante. La Pièce manquante ne cherche nullement à exagérer – et encore moins à caricaturer – ces réactions propres à l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte. Le récit s’emploie au contraire à persévérer dans un doux optimisme sans fausse note, qui nous rassure de la façon la plus délicate imaginable. Autant écrire que ceci n’est point un film français typique, c’est-à-dire « triste et un peu chiant », mais une exception lumineuse à la règle, qui voudrait que toute séparation mène forcément à une effusion de larmes et à des engueulades mélodramatiques.
Vu le 6 mars 2014, à la Salle Pathé Lincoln
Note de Tootpadu: