Titre original: | Crocodile du Botswanga (Le) |
Réalisateur: | Fabrice Eboué, Lionel Steketee |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 89 minutes |
Date: | 19 février 2014 |
Note: |
L’agent Didier accompagne son poulain, le célèbre joueur de foot Leslie Konda, dans son pays d’origine, le Botswanga. Il doit y être décoré et disperser les cendres de sa mère récemment disparue. Rapidement, Didier se rend compte que la vraie raison du voyage était toute autre : le président Bobo rêve de créer une équipe nationale, les Crocodiles du Botswanga, dont la vedette serait Leslie. L’agent ne veut pas en entendre parler. Mais les méthodes très persuasives du dictateur, qui menace autant qu’il cherche à séduire, risquent de le faire changer d’avis.
Pour leur deuxième réalisation en tandem Lionel Steketee et Fabrice Eboué ont corrigé les défauts de narration et scénaristique de leur premier film Case départ (2010). Cette fois-ci Thomas Ngijol délaisse le poste de co-réalisateur et coscénariste qu’il occupait sur ce précédent film. Le film n’en sort que meilleur non seulement au point de vue de la réalisation mais surtout d’une histoire nettement plus originale et remplie d’idées tendant à apporter un ton sarcastique. Nous sommes donc loin de ces comédies françaises ne souhaitant avoir personne à dos. Non seulement les pays dictatoriaux africains en prennent pour leurs grades mais également les anciens colonialistes et les agents sportifs. On reconnaît ainsi ici tout le talent du scénariste, comédien à l’humour décapant Fabrice Eboué. Après avoir fait ses armes dans de nombreux cafés-théâtres, cabarets parisiens, participé à des émissions télévisées (Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier, Jamel), c’est tout naturellement comme beaucoup de comédiens de stand up qu’il fait ses armes au cinéma.
Certes ce film n’est pas une comédie purement originale car de nombreux films ont déjà caricaturé les régimes oppressifs comme l’incontournable film de Charles Chaplin Le Dictateur (1945) mais elle apporte une réelle fraîcheur par sa liberté de ton. Alors que Thomas Ngijol nous livre une parodie en demi-teinte et guère mémorable d’un dictateur entouré de sa cours, c’est plutôt Thomas Ngijol qui semble être la clé de voûte du film. Le changement de ton par rapport à son précédent film s’en ressent à notre plus grand plaisir. Les nombreux dialogues de son personnage sonnent justes et nous permettent de passer un bon moment devant une comédie pas aussi vide de sens que pourrait le faire penser l’affiche. Dans la continuité des crises et mouvements libertaires soufflant actuellement sur l’Afrique ce film arrive au bon moment pour nous divertir et se moquer des anciens colonisateurs de l’Algérie. Dans un cinéma français, la présence d’acteurs comme
Thomas Ngijol, Fabrice Eboué rappelle l’importance d’avoir un cinéma métissé car apporteur de messages importants sur l’insertion sociale et des origines à entretenir. Cette idée est prétexte à une très belle scène où le protégé de l’agent Didier (Fabrice Eboué), Leslie Konda, jeune footballeur français chante la Marseillaise.
Un des passages les plus réussis du film est également cette fausse publicité sur un médicament, sorte de remède miracle contre le sida. Sachant que ce fléau est très répandu en Afrique, cette publicité nous rappelle tout le danger que constitue une mauvaise communication et son impact sur un peuple privé de culture. Le film est ainsi ponctué d’excellentes idées et impose un véritable point de vue d’un acteur co-scénariste et co-réalisateur quitte à se mettre à dos une partie du public. Le cinéma de comédie a pour réelle vocation de faire passer des idées plus facilement auprès d’une large audience. C’est en cela que ce film retient notre attention et s’impose comme une bonne surprise.
Le duo Thomas Ngijol, Fabrice Eboué reste donc efficace même si ce dernier marque le point par sa présence, son tonus ce qui fait de ce film une bonne surprise. On attend donc de retrouver ce nouveau duo dans d’autres comédies. On ne peut qu’encourager ainsi les deux réalisateurs Fabrice Eboué, Lionel Steketee à continuer à dynamiser le cinéma français trop consensuel et manquant par moment d’audace pour livrer des comédies intelligentes
Vu le 26 février 2014 au Gaumont Marignan, Salle 01
Note de Mulder:
L’Afrique est un continent riche et foisonnant, un regroupement géographique de multiples traditions et cultures, qui expriment fièrement un héritage vieux de plusieurs millénaires. L’Afrique, c’est hélas aussi un passé marqué par l’exploitation coloniale sans vergogne, par l’esclavage et un pillage des ressources naturelles qui perdure jusqu’à ce jour. Et puis, dans les mentalités européennes, l’Afrique se résume surtout à un grand corps malade, incapable de se soigner lui-même, et donc constamment obligé d’être secouru par des aides humanitaires ou militaires. Quant au cinéma français, il ne s’intéresse plus trop à ce décor exotique, si ce n’est justement pour mettre en avant ses paysages en guise de carte postale pour des aventures de safari, qui colportent invariablement les mêmes clichés.
En somme, quand les caméras du nord envahissent les pays du sud, cela se traduit le plus souvent par des contes condescendants, sans aucune valeur sociale ou politique. C’est le cas du Crocodile du Botswanga, qui patauge très tôt dans un humour lourd dont il ne cherche nullement à se défaire par la suite. Pendant un certain temps, nous cultivons encore l’espoir que le scénario se ressaisit et que les blagues discriminatoires cessent au profit d’une comédie moins grasse, en vain. Car l’histoire tourne affreusement en rond, avec ces poncifs affligeants qui prennent la place d’une évolution narrative quelconque.
Enfin, cette façon hautaine de regarder un pays imaginaire de l’Afrique, qui devient du coup le modèle peu flatteur pour tout le continent, n’est peut-être même pas l’aspect le plus vexant du film de Fabrice Eboué et Lionel Steketee. Ce qui a fini définitivement par nous en dégoûter, c’est l’idiotie de tous les personnages, sans exception. Quel intérêt d’assister à un spectacle si navrant, dont l’enjeu véritable serait de trouver le plus crétin des participants et non d’interroger l’état actuel de l’Afrique par le biais de la satire inspirée ou d’une critique constructive ? Bref, cette prétendue comédie constitue une occasion tristement ratée pour donner un aperçu de l’Afrique, qui serait pour une fois différent de ces éternels clichés avec lesquels les anciennes puissances coloniales l’accablent depuis des siècles.
Vu le 4 mars 2014, à l’UGC Ciné Cité Paris 19, Salle 11
Note de Tootpadu: