Titre original: | Arrête ou je continue |
Réalisateur: | Sophie Fillières |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 103 minutes |
Date: | 05 mars 2014 |
Note: |
En période de convalescence après une opération, Pomme doit se rendre compte que son couple bat de l’aile. Les rapports avec son mari Pierre sont des plus tendus, puisque l’affection des débuts de leur relation a depuis longtemps laissé la place à une crispation émotionnelle usante. Son fils Romain ne fait rien non plus pour la réconforter. Il l’accuse au contraire de l’étouffer. Pendant l’une de leurs randonnées habituelles dans la forêt, Pomme décide de ne pas rentrer avec Pierre, mais de le quitter là, sans explication, ni volonté de résoudre leurs problèmes.
La fragilité des personnages est sidérante pendant la première partie du cinquième film de Sophie Fillières. Ce sont des êtres à fleur de peau qui s’entre-déchirent, prenant volontairement le risque d’anéantir en même temps les souvenirs heureux d’une relation, qui vit désormais ses ultimes sursauts avant le coup de grâce. Cependant, le ton sur lequel est joué ce dernier acte d’un amour qui s’est abîmé au fil du temps n’est pas marqué par des cris de détresse déprimants, mais plutôt par une désinvolture et une fraîcheur qui auraient facilement pu contredire le drame conjugal qui se déroule devant nos yeux. Pomme et Pierre n’ont plus rien du couple idéal, mais la narration extrêmement délicate de Arrête ou je continue laisse sous-entendre que c’est la complémentarité de leurs caractères qui faisait autrefois leur force. Cette différence de tempérament se retourne cruellement contre eux, maintenant que c’est la reconnaissance de leurs failles respectives qui rythme leur quotidien et plus une complicité affective.
Or, le temps des hésitations n’est pas encore entièrement révolu lorsque nous faisons la connaissance de ces personnages agréablement atypiques. La suspicion et l’égoïsme, ces poisons infaillibles pour détruire toute relation basée sur la confiance, pointent déjà ostentatoirement leur nez, mais les circonstances de ces premières discordances sont encore suffisamment rocambolesques pour laisser planer le doute quant au stade de décomposition du couple. Qualifier ce malaise de comique serait probablement exagéré. Il y a toutefois des indices qui ne trompent pas dans le jeu saisissant de Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric à ce moment-là, qui donnent l’espoir d’une issue heureuse ou au moins d’une reconnaissance lucide de cette routine qui ne pourra plus durer.
Une fois que la séparation est au moins temporairement assumée, la force poétique de la narration a hélas tendance à s’assoupir. Le fait de rompre tout contact, voire d’évoluer dans des conceptions diamétralement opposées de la vie avec la nature d’un côté et la poursuite du train-train quotidien de l’autre, nous fait ressentir que – peut-être depuis le début du film – il n’y avait déjà plus rien qui aurait pu rallumer la flamme entre la femme et son mari. Sauf que la façon de nous l’indiquer, d’ailleurs assez étrange dans l’évocation d’une quiétude en forêt qui est bien sûr un leurre dans un pays comme la France, s’avère moins concluante, cinématographiquement parlant, que le début subjuguant du film. Alors que, à la fin, le couple se dissout définitivement, ce processus était déjà intervenu sensiblement plus tôt dans le contexte du film lui-même : dès que l’interaction entre les deux personnages avait débrayé, au profit d’une quête sans résultat du bonheur ailleurs que dans le couple dysfonctionnel.
Vu le 25 février 2014, au Club Marbeuf
Note de Tootpadu: