Titre original: | Un été à Osage County |
Réalisateur: | John Wells |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 121 minutes |
Date: | 26 février 2014 |
Note: |
La vie est trop longue pour Beverly Weston. Cet ancien professeur alcoolique, qui vit au fin fond de l’Oklahoma avec sa femme Violet, atteinte d’un cancer et dépendante de toutes sortes de pilules, disparaît du jour au lendemain. Paniquée, Violet alerte la famille entière, dispersée aux quatre coins des Etats-Unis, qui accourt pour la réconforter. Parmi ses trois filles, elle cherche avant tout la compagnie de Barbara, la seule à avoir hérité son caractère bien trempé. Mais au lieu de souder les liens familiaux, cette réunion impromptue mène à la catastrophe.
Le coloris local de l’auteur Tennessee Williams est passé de mode depuis longtemps. Au milieu du siècle dernier, ses pièces de théâtre poisseuses, où des familles du sud profond s’entre-déchiraient avec délectation, faisaient scandale, alors que de nos jours pareille excentricité grandiloquente fait plutôt sourire. Après des débuts infiniment plus prometteurs et naturels, le deuxième film de John Wells tente en vain d’imiter ce style lourd de sens et de conflits. Hélas, ce qui sonnait tragique en Louisiane ne l’est plus du tout en Oklahoma, puisque Un été à Osage County souffre d’un ton péniblement affecté.
En effet, les origines théâtrales de l’intrigue ne se font jamais oublier au fil de ce qui n’est guère plus qu’un enchaînement de numéros d’acteurs. Pire encore, les répliques s’évertuent à être des caricatures criardes d’un affrontement familial gigantesque, cumulant des lieux communs à une vitesse agaçante. Derrière un tel écran de fumée d’irruptions verbeuses, le sort des personnages fortement stéréotypés nous reste complètement indifférent. Chacun d’entre eux a certes son quart d’heure de gloire, mais ce déplacement de l’attention narrative ne sert essentiellement qu’à rajouter une couche d’engueulades et autres révélations d’inceste.
La mise en scène est assez impuissante lorsqu’il s’agit d’endiguer les excès d’un scénario apparemment ravi d’entasser les clichés familiaux. La séquence du grand affrontement autour du repas est symptomatique d’une faiblesse préjudiciable en termes de rythme dans l’orchestration de ce moment décisif, où chacune des harpies a ses quatre vérités à dire. Mieux vaut ne pas s’imaginer ce qu’un maître de ce genre de prestation d’ensemble comme Robert Altman aurait pu tirer de ce choc des tempéraments, qui finit en empoignade.
Au moins, les interprétations savent se soustraire tant soit peu à la surcharge d’affectation dont souffre chacun des rôles, sans exception. Ce ne sont alors pas tant les tirades de Meryl Streep et de Julia Roberts qui réussissent à nous interpeller, mais des instants de dignité presque trop bien cachés de la part des personnages secondaires. Grâce à eux, ce film, qui se prend trop au sérieux pour passer pour une satire ou une parodie, retient un minimum d’humanité, dans un univers autrement peuplé de monstres, accablés de tous les mauvais traits de caractère imaginables.
Vu le 27 janvier 2014, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu:
C’est une vision bien folle de la famille, valeur sacrée aux Etats-Unis, que nous offre John Wells dans cette adaptation d’une pièce à succès de Tracy Letts. Il aura fallu attendre le suicide d’un père alcoolique, ancien professeur et poète, pour que se réunisse enfin au grand complet la famille Weston. Malheureusement, ce tragique évènement ne va pas être l’occasion d’émouvantes retrouvailles, mais plutôt de disputes et de révélations plus tragiques encore. C’est pratiquement en huis clos, dans cette vieille et triste maison où le soleil de l’Oklahoma ne pénètre presque plus, que les multiples déchirements prennent place. Violet, la veuve accro aux médicaments de toute sorte campée par Meryl Streep, ne trouve guère de réconfort auprès de ses trois filles, qui ont amené avec elles leurs proches mais surtout leur lot de problèmes et de secrets. Divorce, adultères et inceste sont en effet au rendez-vous, et cette succession d’engueulades sur fond de drames familiaux trouve son climax dans la scène plutôt réussie du repas funèbre.
Toutefois, cet étalage de misère sait éviter le pathétisme avec justesse. Ici, pas de surdramatisation à base d’abus de gros plans, un choix du réalisateur qui se révèle particulièrement judicieux. Mais c’est surtout l’humour des dialogues et des situations, grinçant et pessimiste comme celui de Violet, qui permet au film de ne pas se prendre trop au sérieux. Bien souvent, il place le spectateur dans une position quelque peu délicate : doit-il vraiment rire lorsqu’il découvre la vérité sur la relation incestueuse qu’entretiennent deux des personnages ? En réalité, c’est justement cette sorte de surenchère de tragique qui, mise aux côtés de cet humour noir qui imprègne le verbe des acteurs, provoque le rire. Par contre, lorsque le film tente de se prendre plus au sérieux, cela ne prend plus. Ainsi, les quelques tentatives d’émouvoir le public par le caractère dramatique des situations auxquelles sont confrontés les personnages n’atteignent pas leur objectif. Peut-être aurait-il donc fallu totalement assumer l’aspect dérisoire du film, plutôt que de vouloir en faire une véritable tragédie à certains moments.
Evidemment, le talent des acteurs est l’atout principal d’Un été à Osage County. Meryl Streep, plus que brillante dans ce rôle de matriarche tyrannique qui crache sans cesse son venin, mérite amplement sa nomination aux Oscars. On pourrait lui reprocher sa façon de jouer peut-être trop exagérée, mais c’est sans doute justement ce qui fait le charme de ce personnage extravagant. Les autres membres de la famille sont tous incarnés avec brio par cette brochette d’acteurs qui a déjà su faire ses preuves à de nombreuses reprises. Néanmoins, on peut regretter que la confrontation du duo d’actrices Meryl Streep/Julia Roberts soit parfois trop mise en avant, au détriment de personnages plus secondaires qui auraient mérité d’avoir davantage d’importance. On pense notamment à Ewan McGregor.
Finalement, même si Un été à Osage County peine à devenir autre chose qu’un simple film d’acteurs tant le film prend des allures purement théâtrales, on se laisse aisément séduire par ce portrait de famille toxique dont les déchirements provoquent notre plus grand plaisir.
Vu le 27 janvier 2014, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Noodles: