Belle et la bête (La)

Belle et la bête (La)
Titre original:Belle et la bête (La)
Réalisateur:Christophe Gans
Sortie:Cinéma
Durée:113 minutes
Date:12 février 2014
Note:

Il était une fois un riche marchand qui faisait tout pour gâter ses six enfants. Le naufrage de ses navires l’oblige à s’exiler à la campagne. Alors que ses frères et sœurs exècrent la quiétude provinciale, Belle s’épanouit pleinement dans son potager. Parti en ville dans l’espoir de retrouver sa fortune, le père est pris dans une tempête de neige sur le chemin du retour. Il trouve refuge dans un château abandonné, d’où il emporte des robes pour ses filles et une rose pour Belle. Pris en flagrant délit de vol par la bête, le maître des lieux, le père n’a qu’un jour pour dire adieu aux siens avant de retourner au château afin d’y mourir. Belle prendra sa place et deviendra ainsi la proie de la bête, qui cherche avant tout à la séduire.

Critique de Tootpadu

Les chandeliers tenus par des bras sans corps chez Cocteau et la scène de danse virevoltante chez Disney : autant d’images emblématiques qui condensaient l’essence de ces adaptations précédentes du célèbre conte. Il est sans doute encore trop tôt pour désigner le plan pour lequel on se souviendra de la version de Christophe Gans. Espérons qu’il ne sera pas en rapport avec le déluge d’effets spéciaux – hélas souvent mauvais – qui prend progressivement possession du récit. En effet, depuis que le numérique permet à l’imagination de s’exprimer sans entraves, cette carte blanche n’est pas toujours employée à bon escient dans le cinéma fantastique. Les excès du début du millénaire, quand tout paraissait faisable alors que les moyens techniques n’en étaient qu’à leurs balbutiements, ont beau être derrière nous, La Belle et la bête a une fâcheuse tendance à se saboter lui-même avec des égarements risibles.

Car le début du film dispose de tous les éléments auxquels on s’attend de la part d’une approche à la fois moderne et respectueuse d’un conte de fées au potentiel enchanteur considérable. Le souffle épique et romanesque à la fois s’exerce encore de toutes ses forces sur le prologue, à première vue plus développé que dans les versions précitées. Le ton y est enjoué, même si des présages funestes y font déjà leur apparition. Et puis, au bout d’une vingtaine de minutes, alors que le vieux père se jette sur les gourmandises déployées devant lui, d’étranges créatures font soudainement irruption. Nous ne faisons point allusion à la bête, assez sobre et passablement inquiétante, mais à ces drôles de chiots aux grands yeux attendrissants, plantés là pour conférer une touche susceptible d’intéresser les plus jeunes spectateurs. Le problème avec ces personnages très secondaires est qu’ils introduisent sans cesse une rupture de ton sensible dans un flux narratif guère assez souverain pour absorber pareille fausse note persistante.

Les choses se gâtent encore avec l’apparition d’une biche au pelage doré, qui démontre définitivement les lacunes des effets spéciaux. Malheureusement, à ce moment-là, la grandiloquence s’est d’ores et déjà emparée de la narration, ne laissant dans son sillage que des images artificielles, dignes d’une publicité pour parfums. La dimension féerique du récit a alors largement disparu. Cette capitulation devant la surenchère des effets inadéquats est d’autant plus regrettable qu’elle anéantit en grande partie le côté plus noble et somptueux d’un film en fin de compte très inégal.

 

Vu le 22 janvier 2014, au Gaumont Marignan, Salle 1

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Christophe Gans le savait aussi bien que nous : se lancer dans une nouvelle adaptation deLa Belle et la Bête, l’une des histoires les plus connues au monde, est un pari très risqué. Le conte de Madame de Villeneuve reste en effet très marqué par la version emplie d’onirisme réalisée en 1946 par Jean Cocteau, qui signait alors un véritable chef-d’œuvre du cinéma. Mais aujourd’hui, les enfants connaissent sans doute bien mieux cette éternelle histoire à travers le film d’animation de Disney, dans lequel l’aspect magique et féérique a parfaitement été retranscrit. Quelle est donc la place laissée par ces deux célèbres adaptations à celle de Gans, et surtout qu’est-ce que cette dernière peut-elle bien apporter de plus ?

Ce sont évidemment des questions que l’on peut se poser. La volonté du réalisateur apparait de manière assez claire : ne pas basculer dans une version trop sombre, comme c’est le cas de beaucoup d’adaptations cinématographiques de contes depuis plusieurs années. A première vue, ce choix peut provoquer la déception des spectateurs plus âgés, mais après réflexion on donnera raison à Christophe Gans : la force du conte, c’est justement que celui-ci doit pouvoir plaire aux enfants dans sa forme, tout en possédant d’autres niveaux de lectures qui le feront s’adresser aux adultes. Ici, les éléments susceptibles de séduire le jeune public ne manquent pas, même si le film aurait pu s’en dispenser de quelques-uns. On pense notamment à ces petites créatures canines aux yeux immenses, qui nous agacent plus qu’elles ne nous attendrissent. Elles auraient pu trouver un quelconque intérêt si elles participaient davantage à l’histoire ou si leurs interactions avec la Belle étaient plus nombreuses, mais il n’en est rien.

Peut-être l’un des intérêts de cette nouvelle adaptation réside t-il dans sa dimension visuelle. La photographie retranscrit parfaitement l’atmosphère d’un conte, même si elle souffre parfois d’être un peu trop édulcorée. Les effets spéciaux numériques quant à eux, nous offrent des décors souvent magistraux. Malheureusement, la surabondance de ces effets spéciaux finit par devenir un défaut dans toute la dernière partie du film. Sans doute fallait-il aussi se garder d’utiliser ces quelques ralentis presque ridicules. En se focalisant sur l’aspect spectaculaire de sa réalisation, Gans oublie peut-être le principal : la relation entre Belle et la Bête. Dernier bémol : une direction d’acteurs que l’on sent bien trop peu maîtrisée. Pourtant, le cinéaste a la bonne idée de creuser son scénario dans une direction particulière : les origines de la malédiction qui frappe la Bête, qui sont dévoilées aux spectateurs à travers des séquences de flashback. Cet aspect, totalement absent de l’adaptation de Cocteau, offre une certaine originalité à ce nouveau film. Quant au système de narration qui est celui d’une histoire lue, même s’il est assez peu original, il fonctionne finalement très bien.

Il faudra donc faire abstraction de ses faiblesses pour réellement apprécier le film dans son ensemble. Christophe Gans a en tout cas le mérite de nous prouver qu’un cinéma français de grand spectacle est encore possible.

Vu le 22 janvier 2014, au Gaumont Marignan, Salle 1

Note de Noodles:

Critique de Mulder

Avant d’être adapté aussi bien au cinéma qu’en comédie musicale, l’histoire de la Belle et la bête est un conte très ancien remontant au deuxième siècle (version d'Apulée, Amour et Psyché). Ce conte apparu en France pour la première fois en 1740 dans le recueil de contes de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve. Ce conte d’une grande richesse montre que nous ne devons pas juger une personne sur son apparence physique mais sur ses actions, ses pensées et plus généralement ce qu’il est réellement. De nombreux films ont adapté cette histoire depuis 1899 (La Belle et la Bête, film produit par Pathé Frères). Les deux versions passées  comme étant des classiques sont la version réalisée e 1946 par Jean Cocteau (avec Josette Day et Jean Marais) et la version Disneyenne de Gary Trousdale et Kirk Wise datant de 1991. Christophe Gans réalisateur et co-scénariste avec Sandra Vo-Anh revisite le conte de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve. Dans les rôles principaux on retrouve ainsi Vincent Cassel (la Bête / le Prince), Léa Seydoux (La Belle) et André Dussollier (Le père de la Belle)

Christophe Gans a toujours été un très grand cinéphile au point de participer à la création en 1983 du feu magazine Starfix. C’est sa passion pour le cinéma qui l’a amené à devenir scénariste puis réalisateur. Dès son premier film en 1995 dont il co-écrit le scénario Thierry Cazals Crying Freeman il témoigne qu’il est non seulement un réalisateur plutôt convaincant mais également qu’il sait reproduire une œuvre littéraire pour en faire un film. La belle et la bête lui permet ainsi de revisiter intelligemment un conte connu pour y apporter sa propre empreinte. Certes, le film rend également hommage au chef d’œuvre de Jean Cocteau mais semble également puiser son inspiration dans l’œuvre de Hayao Miyazaki car il cherche à réinventer un mythe. On sent malheureusement que le fait d’avoir recours à un budget très important à pousser le réalisateur à faire de son film une œuvre infantile (les chiens transformés en simili mogwai en témoignent) et cela gâche un peu le plaisir de retrouver l’un de nos meilleurs réalisateurs français actuels.

Certains pourront écrire que ce film a voulu trop infantiliser ce mythe intemporel et à force de vouloir plaire au plus grand nombre a plutôt eu tendance à gommer les traits trop sombres de celui-ci. Certes, ce film est autant ambitieux qu’ imparfait mais derrière ce réalisateur contraint de respecter le cahier des charges d’une œuvre commerciale  se cache un réalisateur talentueux capable de rendre hommage au cinéma qu’il apprécie et tient à remercier en retour en s’en nourrissant. Que le réalisateur revisite le cinéma d’horreur (Silent Hill) ou le cinéma d’aventure (Le Pacte des loups), il réussit à construire un monde qui lui est propre. Quel que soit ces nombreux projets inachevés (Nemo, Rahan, Tarzan, Fantômas..), Christophe Gans continue à se battre pour proposer de grands films français rarement autant maîtrisés. Que ce soit les nombreux décors, la photo, les costumes, les effets spéciaux tout ici sonne comme l’œuvre d’un orfèvre.

Le film La belle et la bête réussit ainsi le pari audacieux de faire un blockbuster français dont les effets spéciaux sont parfaitement maîtrisés. La Bête a ainsi été créée par la technique de performance capture comme dans les films fantastiques américains actuels. De ce fait non seulement le jeu des comédiens est convaincant mais également tout concourt à faire de ce film une oeuvre complexe, intelligente et originale. Ainsi, Christophe Gans nous livre à ce jour son film le plus abouti et réussit à nous livrer une œuvre familiale, attachante et inspirant à la réflexion… On ne peut donc que saluer et défendre une telle œuvre…

Vu le 20 février 2014 au Gaumont Champs-Elysées Marignan, Salle 01

Note de Mulder: