Ryan initiative (The)

Ryan initiative (The)
Titre original:Ryan initiative (The)
Réalisateur:Kenneth Branagh
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:29 janvier 2014
Note:

Suite aux attentats du 11 septembre, l’étudiant en analyse économique Jack Ryan s’engage auprès des Marines. Grièvement blessé en Afghanistan, il ne réapprend à marcher que grâce à la persévérance de sa kinésithérapeute Cathy Muller. Le commandant Harper des services secrets américains s’intéresse lui aussi à ce jeune homme brillant et finit par l’engager dans son unité de surveillance financière. La première mission de l’agent Ryan l’amène à Moscou, où il doit auditer les comptes de Viktor Cherevin. Cet homme d’affaires suspect prétend fructifier les capitaux de ses investisseurs américains, tout en préparant une attaque terroriste majeure.

Critique de Tootpadu

Puisque le contexte géopolitique a considérablement changé depuis que Jack Ryan est apparu une première fois sur grand écran au début des années 1990, cette version plus cérébrale d’un James Bond a bien dû s’adapter à cette nouvelle donne internationale. C’est surtout du côté des moyens techniques mis en œuvre pour empêcher le pire que The Ryan initiative colle peut-être un peu trop près à l’état actuel du progrès informatique. Dans un monde où tout un chacun est relié à l’autre, ne serait-ce que par cet outil de communication désormais vital qu’est internet, il suffirait en effet de quelques pistes de recherche et d’une armée d’ordinateurs pour retrouver la trace d’un agent infiltré sur le sol américain. Et comme la machine parfaitement huilée du mastodonte américain de la surveillance n’aime pas perdre son temps, le tour est joué pendant une traversée de l’Atlantique en avion.

Rien, ni personne n’échappe ainsi à la suprématie de l’efficacité du treizième film du réalisateur Kenneth Branagh. Cette volonté de divertir certes à tout prix le spectateur, mais à partir d’une intrigue qui devra tenir compte du fait que – même au cinéma – la guerre se livre aujourd’hui avec des ordinateurs et de l’argent virtuel, et plus avec des armes et des cascades spectaculaires, mène bizarrement à quelques raccourcis idéologiques douteux. Les vestiges de l’antagonisme est-ouest de la Guerre froide sont recyclés sans trop de complexe ici, puisque le côté russe du spectre des personnages est exclusivement méchant, tandis que les Américains valeureux ne manquent nullement à l’appel. Un tel manichéisme exacerbé pourrait presque faire sourire, si le réalisateur ne l’avait pas sournoisement miné en s’octroyant lui-même le rôle le plus savoureux, en la personne de l’oligarque russe mi-homme de culture, mi-barbare.

Toutes les autres interprétations se soumettent sagement à la recette de l’action hollywoodienne, si amplement éprouvée qu’il faudrait un film plus téméraire que celui-ci pour la mettre en branle. Aucune place n’y est aménagée pour une interrogation sérieuse sur le bien-fondé du patriotisme aveugle du héros, bien que le talon d’Achille du colosse américain en termes de finances mondiales soit au moins effleuré. Le film s’adonne donc principalement à une grande manœuvre de propagande pour rassurer les spectateurs américains sur leur place privilégiée dans le monde. Hélas pour eux, dans la réalité ce ne sont pas quelques bons gars idéalistes et courageux comme Jack Ryan qui empêcheront la lente, mais irrevérsible redistribution des richesses qui s’opère au plus tard depuis la fin de la Guerre froide, voire depuis celle de l’ère coloniale. Le choix du méchant est par conséquent plutôt symptomatique pour un film pas tant vieux jeu, que nostalgique d’une époque où l’ennemi était aussi vite désigné que mis hors d’état de nuire.

 

Vu le 21 janvier 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

"un homme poussé dans ses retranchements lorsqu’il se retrouve dans des situations critiques"
Tom Clancy

Après l’excellent film d’espionnage Skyfall (2012) de Sam Mendes, 23ème long métrage avec l’agent secret britannique le plus connu dans le monde entier, voici le retour du consultant analyste le plus connu de la CIA (13 livres, quatre films) Jack Ryan. Contrairement à James Bond, Jack Ryan s’apparente plus à un Sherlock Holmes des temps modernes utilisant plus ses capacités intellectuelles et d’analyse plus que ses poings et armes à feu. Pour son cinquième film et après avoir été interprété par Alec Baldwin (À la poursuite d'Octobre rouge, (1990), Harrison Ford (Jeux de guerre (1992) et Danger immédiat (1994), Ben Affleck (La somme de toutes les peurs (2002)), c’est au tour de Chris Pine (reboot Star Trek (2009/2013), Unstoppable (2010)) d’endosser le rôle.

Dans un contexte économique actuel où les Etats-Unis et la Russie cohabitent, cette tentative de relancer la saga n’était pas chose aisée. Pourtant le résultat est des plus efficaces pour de multiples raisons. Les scénaristes Adam Cozad et David Koepp ont misé sur une totale refonte du personnage en expliquant notamment que c’est suite à l’évènement terroriste du 11 septembre 2001 contre New York que Jack Ryan décida de rejoindre l’US Marine Corps et suite à un accident très grave d’hélicoptère il a dû passer de longs mois de rééducation à l’hôpital pour remarcher . C’est là qu’il fut contacté par un agent de la CIA expérimenté qui deviendra son mentor William Harper (Kevin Costner) et qu’il rencontra une étudiante en médecine Cathy (Keira Knightley). Le scénario met ainsi un certain temps à décrire la psychologie des personnages afin de les rendre crédibles . Le film s’apparente ainsi plus à un film d’espionnage avec une intrigue pleine de suspense qu’à un énième film d’action cherchant à montrer une multitude de scènes spectaculaires afin de remplir un simple cahier des charges. Ce parti pris risqué est un gage de qualité et permet ainsi à des acteurs de donner une réelle épaisseur à leurs personnages. Une nouvelle fois, Chris Pine témoigne qu’il est aussi à l’aise dans des scènes dramatiques que des scènes d’action (rares mais justifiées uniquement par l’histoire). Sa partenaire Keira Knightley, malheureusement trop rare à l’écran, illumine chaque scène du film par sa présence et son jeu une nouvelle fois très convaincant. De la même manière, Kevin Costner dans un rôle secondaire montre qu’il n’a pas perdu son charisme et habitué du genre (Sens unique (1987), Treize jours (2000)) apporte une certaine touche nostalgique au film.

Certes, la saga Bourne avec Paul Greengrass aux commandes a montré une nouvelle manière d’ancrer de manière convaincante des complots et surtout qu’il fallait de véritables acteurs aussi l’aise dans des scènes spectaculaires qu’ intimistes. De la même manière faire que l’action se passe dans un Moscou reconstitué et aux Etats-Unis permet de faire renaître l’âme de ces grands films d’espionnage. Pour chapoter un tel film, il fallait un réalisateur aussi bien capable de tirer le meilleur de ses acteurs que du scénario et des décors. Kenneth Branagh s’affirme donc comme le choix parfait. Réalisant le film mais également interprétant le rôle d’un banquier privé russe tout puissant et fomentant un complot d’ordre économique mondial. Ce grand méchant digne des meilleurs James Bond comme Jack Ryan a des blessures de guerre. L’affrontement sera donc entre les deux hommes plus tactique que physique. C’est en cela que le film Ryan Initiatives s’apparente à une résurrection réussie de Jack Ryan et devient enfin un bon thriller d’espionnage. On sent dans ce film tout le soin apporté par Kenneth Branagh pour non seulement rendre hommage à un temps du cinéma révolu où l’intelligence prenait le pas sur l’action.

Chris Pine contrairement à Ben Affleck revigore l’image de Jack Ryan et surtout arrive à montrer que son personnage est un analyste hors pair, un grand observateur dont le cerveau et les réflexes seront les meilleures armes pour arriver au bout de sa mission. Le film colle donc parfaitement à l’œuvre de Tom Clancy. On est donc loin de la saga Mission Impossible et de ces scènes les plus spectaculaires les unes que les autres. Pourtant, ce film est le premier qui n’est pas une adaptation d’un de ses romans. Depuis la première adaptation, il y a maintenant vingt-quatre ans, le personnage a pris plusieurs traits et plusieurs âges. Ce film mise donc non seulement sur une réinterprétation moderne mais tient à garder l’âme d’un monde complexe où l’économie mondiale, les guerres ont des incidences colossales. Le spectre de la crise actuelle et mondiale trouve donc parfaitement sa place dans une intrigue à différents niveaux.

Certes certains argueront que Chris Pine n’est peut-être pas le choix parfait pour reprendre un tel rôle et semble donc découler du succès rencontré par la nouvelle saga Star Trek. Pourtant à regarder de plus près, il est parfaitement aussi à l’aise dans une scène dramatique avec l’actrice Keira Knightley que face à Sir Kenneth Branagh. Dans l’œuvre de Tom Clancy, cet acteur a la présence et le physique nécessaires pour faire de son personnage l’équivalent d’un confrère à James Bond et permet ainsi de réorienter cette nouvelle saga (on l’espère) vers un univers crédible.

Ryan Initiatives (The) marque donc la nouvelle naissance parfaitement réussie de Jack Ryan mais aussi s’affirme comme le thriller d’espionnage incontournable de l’année.

Vu le 21 janvier 2014 au Paramount Opéra, Salle 2, en VO

Note de Mulder: