C'est eux les chiens

C'est eux les chiens
Titre original:C'est eux les chiens
Réalisateur:Hicham Lasri
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:05 février 2014
Note:

Une équipe de télévision est en train de tourner les manifestants du Printemps arabe à Casablanca. Insatisfait des réponses de ses interlocuteurs, le journaliste s’acharne sur un vieillard à l’air perdu qui lui rappelle quelqu’un. Il apprend alors que cet homme cherche à rejoindre sa femme et ses enfants. L’équipe abandonne son sujet initial et suit cet individu énigmatique dans un reportage, qui remontera loin dans le passé des insurrections marocaines.

Critique de Tootpadu

Le phénomène REC a laissé une empreinte si indélébile sur la forme du reportage pris sur le vif, qu’il est désormais très difficile de la dissocier du genre du film d’horreur. Cela reflète certes l’impact sur les codes de représentation d’un seul film marquant et de ses suites, qui l’étaient beaucoup moins. Mais en même temps, pareille catégorisation et attente irrésistible d’effets de choc s’avère hélas préjudiciable pour ce film marocain, qui cherche en quelque sorte à ramener le dispositif à ses origines. Ce ne sont pas des zombies que l’équipe de C’est eux les chiens est partie chercher, mais des monstres infiniment plus difficiles à appréhender : les témoins d’une époque révolue, qui en dit pourtant long sur les bouleversements qui agitent toute la région depuis quelques années déjà.

S’il n’y avait pas cette énorme réserve formelle, la mise en abîme aurait pu être prodigieuse. Non seulement, les personnages s’appliquent à l’assemblage d’un puzzle vieux de trente ans, mais en plus, le film lui-même opère un retour plus bref dans le temps sur des événements qui semblaient prometteurs en 2011, avant de se solder par un retour au statu quo grâce à la générosité sans bornes du roi marocain. Le vieillard errant dans la rue, avec constamment cet objet magnifique du stabilisateur pour vélo dans la main telle la roue de l’existence qui ne s’arrête pour personne, il est à la fois le dernier messager d’une Histoire riche en enseignements peu édifiants et le prédécesseur des martyrs et autres persécutés d’aujourd’hui, dont les récits n’intéresseront probablement pas non plus la génération suivante.

Dommage que ce périple à travers une mémoire flanchante ne tienne guère la route du côté formel. Toute la noblesse de l’interprétation de Hassan Badida et une certaine lucidité quant à l’immobilisme au fil du temps des mentalités et des conditions de vie ne suffisent pas pour nous faire oublier l’esthétique agaçante du deuxième film du réalisateur Hicham Lasri. Et le son, et l’image ont en effet tendance à insister lourdement sur la notion de chaos, qui accablait à l’époque le quotidien des Marocains, alors que la perte de repères du personnage principal était déjà assez riche en symboles pour ne pas nous importuner de surcroît avec ce langage filmique, gâché pour longtemps par les excès des contes d’horreur.

 

Vu le 20 janvier 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: