Canyons (The)

Canyons (The)
Titre original:Canyons (The)
Réalisateur:Paul Schrader
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:19 mars 2014
Note:

Ryan, un jeune acteur qui galère dans des petits boulots alimentaires, a réussi à décrocher le premier rôle dans un film d’horreur, grâce à sa copine Gina, l’assistante du producteur Christian. Pour la remercier, il accepte d’assister à un dîner informel avec Gina, Christian et Tara, la compagne de ce dernier. En fin de repas, Christian se vante des pratiques sexuelles très libres de son couple. Un aveu qui met visiblement mal à l’aise Tara et qui a l’air de choquer Ryan. La principale raison pour son indignation est toutefois qu’il avait eu une relation avec Tara dans le passé et qu’ils ont recommencé à se voir, à l’insu de leurs conjoints.

Critique de Mulder

Souvent les étudiants en cinéma en fin de cycle universitaire ou d’école de cinéma tentent de monter leur premier film avec un budget très réduit afin de se faire connaître et repérer lors de nombreux festivals mondiaux comme celui du film de Sundance aux Etats-Unis (Utah). Le film The Canyons tient malgré la présence de deux comédiens connus et d’un scénariste et réalisateur expérimentés du pari audacieux et d’une réelle volonté de liberté artistique. Paul Schrader avant d’entamer une carrière comme réalisateur est déjà de formation scénariste pour des grands réalisateurs comme Martin Scorsese (Taxi Driver (1976), Raging Bull (1980), Brian de Palma (Obsession (1976)) et Sydney Pollack (Yakuza (1974)). Depuis son premier film en 1978 (Blue Collar), il a pu approcher différents genres avec succès le drame (American  Gigolo ((1980)), le fantastique (La féline (1982)), le thriller (Les amants éternels (1999))…

The Canyons traite donc du milieu du cinéma indépendant de  Los Angeles et présente ainsi deux couples le premier est formé d’un jeune producteur de films (christian) et d’une actrice (Tara) et le second d’un acteur et ex-petit ami de Tara (et amant de celle-ci) et de l’assistante de Christian. Les rapports entre ces deux couples à la vie opposée permettent au scénariste Bret Easton Ellis de nous présenter une nouvelle fois un monde perverti où l’argent, le sexe et les déviances de toutes sortes sont omni-présentes.

Ce film s’apparente ainsi plus à du cinéma d’art et d’essai et sur la trame d’une comédie dramatique permet au réalisateur de donner le premier rôle masculin à James Deen un acteur spécialisé dans les films pour adulte et à une actrice actuellement plus connue pour ses multiples peines de prisons et son emprise à de multiples substances  illégales. Il est donc loin le temps où Lindsay Lohan jouait dans des comédies populaires et tout public. Son personnage dans ce film se confond donc assez facilement avec ce qu’elle est réellement. Le réalisateur en profite donc pour brouiller les pistes et mélanger les genres. Nous passons donc de la comédie romantique au thriller pur et dur.

Le réalisateur Paul Schrader et le scénariste Bret Easton Ellis semblent être en parfaite osmose. Après n’avoir pu monter ensemble un thriller horrifique dans lequel un jeune homme se vengeait en jetant ses victimes à des requins affamés, ils jettent leur dévolu sur un film fait en totale indépendance des studios américains. En soignant aussi bien la forme que le fond, l’équipe sur un budget étriqué de seulement vingt-cinq mille dollars réalise un film guère différent que ses films d’étudiants en école de cinéma. Certes, les décors et les images semblent refléter l’état d’esprit des personnages mais le manque de rebondissement fait que nous n’arrivons pas totalement à rentrer dans ce film. Le film manque cruellement de vie et semble vouloir adopter un ton entre le réel et le rêve. Même si les deux acteurs principaux semblent se démener dans ce film, le résultat final semble s’élever tout au mieux  au niveau d’un direct vidéo. Le réalisateur Paul Schrader qui a pourtant collaboré avec l’un des meilleurs réalisateurs américains Martin Scorsese semble vouloir décalquer et surfer sur le succès mérité du film de Nicholas Winding Refn Drive mais sans pouvoir recréer les plans superbement chorégraphiés  de ce film.

Le concept du film était original et sortait des sentiers battus, le résultat malheureusement n’arrive pas à retenir notre intérêt et semble être une simple parenthèse et exercice de style raté pour un excellent scénariste et réalisateur intéressant.

Vu le 13 janvier 2014 au Club de l’Etoile, en VO

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Une fois par an, la communauté hollywoodienne se met sur son trente et un. Lors de la cérémonie des Oscars, qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci, tout n’est que glamour et célébration enivrante du succès. Le reste du temps, la vie sous le soleil de Californie ne ressemble pas du tout à cette mascarade, où l’amitié hypocrite cache assez mal une concurrence féroce. Car pour chaque conte de fées, il y a des dizaines, voire des centaines de cauchemars, d’illusions brisées qui mènent directement à la déchéance morale sans passer par la scène du Dolby Theatre. Pour épingler cette double vie de Hollywood, on n’aurait pas pu tomber mieux qu’avec la collaboration entre Bret Easton Ellis au scénario et Paul Schrader à la réalisation. Jamais friands de l’idéal américain de la réussite accessible à tous, les deux hommes se font un malin plaisir de montrer la facette inavouable de cette ville bâtie sur la chimère de la célébrité.

The Canyons est par conséquent un film très froid, presque cruel. La lumière y est éclatante, tout comme les décors luxueux qui expriment une certaine aisance matérielle. Mais derrière cette façade brillante, on commence très tôt à apercevoir un malaise profond. Dès la première séquence, un dîner d’affaires en quelque sorte où les deux couples principaux se rencontrent au grand complet pour la première fois, une antipathie palpable se répand à la fois depuis la relation apparemment malsaine entre Christian et Tara et celle à la solidité ennuyeuse entre Ryan et Gina. Evidemment, l’antagonisme ne reste pas aussi basique par la suite, puisque les rapports entre les personnages se brouillent jusqu’à culminer dans une folie meurtrière. Le mensonge de la relation classique s’écroule certes le premier, mais c’est avant tout l’étrange dépendance entre le producteur et sa compagne qui devient symptomatique du climat poisseux qui règne à Hollywood.

En effet, tout y a un prix. Puisque nous nous trouvons en bas de l’échelle de la hiérarchie du marché du cinéma, où il faudra un nombre important de tractations et de coups bas avant de faire démarrer la production d’un petit film d’horreur minable – tournage dont nous ne voyons au demeurant pas le moindre tour de manivelle –, ce prix est tout aussi dérisoire sur le papier. L’état de prostitution permanente laisse cependant des séquelles dans cette petite communauté consanguine, où tout le monde se connaît, soit pour avoir travaillé ensemble, soit pour avoir échangé des services sexuels motivés par une conception très futile de l’amour ou par l’avancement de sa carrière. La dernière séquence du film renvoie ainsi, grâce à sa ressemblance à la première, un reflet décourageant de cet univers, où tout est question de contrôle et d’apparence. Tara a beau s’être sortie à peu près indemne de cette affaire, elle est plus que jamais le fruit d’un monde creux et vain, l’actrice de sa propre existence malheureuse.

La distribution convient parfaitement à ce regard tout à fait désabusé sur l’usine inhumaine du cinéma américain. A commencer par Lindsay Lohan, l’exemple parfait dans la vraie vie de la spirale infernale de drogues et de paparazzi. Son interprétation est magistrale non pas par ce qu’elle exprime, mais par ce qu’elle représente. Cette femme réduite au rôle d’objet des fantasmes de son entourage masculin, sans volonté, ni avenir, elle est le modèle probable et tristement trash de ce qu’attend l’actrice dans un futur plus ou moins proche. A moins qu’elle ne meure avant cette déchéance avérée dans des circonstances pas plus reluisantes. Quant aux autres comédiens, venus du porno ou de la télévision, ils sont, eux aussi, les témoins d’une fortune hollywoodienne qui ne sourit pas à tout le monde, loin s’en faut.

 

Vu le 5 mars 2014, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Paul Schrader semble particulièrement affectionner les provocations adressées au monde peu téméraire qu’est Hollywood. Auteur des scénarios quelque peu polémiques de films comme Taxi Driver (1976) ou encore La Dernière Tentation du Christ (1988) de Martin Scorsese, ce personnage influent du Nouvel Hollywood est également réalisateur de longs-métrages souvent tout aussi osés. En tout cas, son œuvre s’oriente de plus en plus vers une sortie des sentiers battus, un éloignement du mode de fonctionnement des grosses structures qui ont la censure un peu trop facile. The Canyons se présente donc comme critique du carcan hollywoodien tant par le fond que par la forme. En collaborant avec l’écrivain Bret Easton Ellis qui signe ici son premier scénario, Schrader nous livre un film hors du système, qui doit se satisfaire d’un budget assez réduit.

The Canyons s’ouvre par une série de vues sur des cinémas délabrées et des salles obscures désaffectées. Le message est parfaitement clair : Los Angeles, la ville mythique du cinéma américain, n’est plus ce qu’elle était. Tout ceci n’est désormais qu’une vaste et absurde industrie, dont les artisans, qui baignent dans le luxe, ont l’air d’avoir perdu tout lien avec le Septième Art. Les personnages, qui travaillent sur un projet de film d’horreur de petite envergure, consacrent en réalité le plus clair de leur temps à s’envoyer en l’air dans leur villa. On découvre progressivement que l’adultère et le mensonge sont monnaie courante. Là où la manipulation est le maître-mot, les nouvelles technologies détiennent un rôle prépondérant : les réseaux sociaux et les applications de nos smart-phones deviennent des armes avec lesquelles les protagonistes s’espionnent et se dupent. Qui, mieux que Lindsay Lohan, aurait pu interpréter la figure principale de The Canyons ? L’actrice aux nombreux déboires parait incarner son propre rôle. James Deen, acteur pornographique reconnu qui endosse le second rôle, complète un casting totalement en phase avec le sujet du film.

Malheureusement, la réalisation s’avère parfois trop maladroite pour que l’ensemble soit réellement convaincant. Est-ce parce que Schrader est peu habitué à réaliser un film dans des conditions si modestes que celui-ci prend tantôt l’allure d’un projet de fin d’études, tantôt celle d’un téléfilm ? La plus grande déception de The Canyons est sans aucun doute son manque de recherche esthétique. Certaines scènes, comme les ébats de deux couples éclairés par une lampe qui diffuse des points de lumière, ou encore celle du trajet en voiture de Lindsay Lohan dans les rues de L.A. le soir, auraient pu transformer le film en réussite visuelle si elles étaient plus nombreuses et mieux travaillées. Mais il n’en est rien : la photographie, qui se caractérise surtout par une lumière très froide, colle certes à l’état d’esprit du film, mais manque tout de même cruellement de beauté. Il n’est pas chose aisée de faire un tel premier pas dans le cinéma indépendant, Paul Schrader l’aura bien compris. Si le film ne manque pas d’audace, le résultat n’est guère plus que satisfaisant, et en tout cas indigne du reste de l’œuvre d’un cinéaste qui aurait pu nous offrir bien plus ici.

Vu le 5 mars 2014 au Club de l’Etoile, en VO

Note de Noodles: