Dans l'ombre de Mary La promesse de Walt Disney

Dans l'ombre de Mary La promesse de Walt Disney
Titre original:Dans l'ombre de Mary La promesse de Walt Disney
Réalisateur:John Lee Hancock
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:05 mars 2014
Note:

Depuis vingt ans, le producteur Walt Disney poursuit l’écrivain Pamela Travers, afin d’acquérir les droits pour adapter à l’écran son roman à succès pour enfants « Mary Poppins ». En 1961, Mme Travers accepte enfin de rencontrer Walt à Hollywood, convaincue que le maître de l’animation est indigne de son histoire, mais contrainte par son agent qui lui annonce qu’elle n’aura bientôt plus d’argent. Très à cheval sur ses principes littéraires et sur le sens à donner au film, Mme Travers se met malgré elle au travail avec le scénariste et les compositeurs. Elle éprouve pourtant le plus grand mal à lâcher prise avec ses personnages, surtout parce qu’ils lui rappellent son enfance malheureuse en Australie au début du siècle.

Critique de Tootpadu

Mary Poppins ne compte certainement pas parmi nos productions Disney préférées. Trop longue et passablement datée, cette histoire manque à nos yeux de profondeur et d’une virtuosité narrative à la hauteur de la partition entraînante des frères Sherman. A bien y réfléchir, nous aurions sans doute été davantage charmés par la version plus sombre que l’auteur cherche à préserver contre vents et marées dans Dans l’ombre de Mary La promesse de Walt Disney. Une opinion minoritaire, nous en sommes parfaitement conscients. Car le film de Robert Stevenson jouit à ce jour d’une réputation de grand classique du cinéma pour enfants, voire pour toute la famille. Avant de conquérir le cœur de la plupart des spectateurs, il faisait pourtant l’objet d’une bataille féroce en coulisses, à travers le genre de différent artistique dont le récit est généralement cantonné aux suppléments des éditions vidéo ou aux livres pour lecteurs férus de détails croustillants sur les secrets de fabrication de leur film de chevet.

Au lieu de suivre la trame d’un making-of de luxe, la narration se concentre, au moins partiellement, sur la guéguerre que se livraient Pamela Travers et Walt Disney. Ce choc des titans est assez révélateur des enjeux de tout processus de création collective, où les intérêts et les prérogatives des uns doivent forcément se soumettre à ceux des autres, sans savoir au préalable si l’œuvre finale en bénéficiera ou au contraire en pâtira. Il est ainsi assez jouissif d’observer l’écrivain très coincé se heurter à une culture du divertissement qui accepte pleinement l’enfant qui sommeille en chacun d’entre nous. Entre l’aigreur inhérente à une conception trop adulte et désillusionnée de la vie d’un côté, et une abondance de sucreries qui omet un peu trop facilement les faces cachées de l’empire Disney de l’autre, la partie de ping-pong existentiel s’avère gentiment anecdotique, alors que l’on sait pertinemment qui l’a tristement remportée cinquante ans plus tard.

Néanmoins, une certaine sagesse enjouée émane de cette moitié du film, qui sait s’articuler en tant que leçon légère sur la ténacité des préjugés. Il en va hélas tout autrement de la deuxième partie du scénario, tissée si étroitement dans le fil narratif de la première qu’elle en devient indissociable. Pris séparément, le volet de l’enfance marquée par un père alcoolique et celui de la défense bec et ongles de son héritage littéraire auraient peut-être pu coexister dans deux films ou deux épisodes d’une mini-série. En tout cas, le va-et-vient incessant de la mise en scène de John Lee Hancock, rapidement à court d’idées en termes formels quant aux transitions entre ces deux histoires, ne fait du bien ni à l’un, ni à l’autre. Pire encore, la subtilité toute relative du ton à Hollywood tend à exacerber la lourdeur de celui en Australie. Sans même parler des raccourcis psychologiques qui rabaissent atrocement les ambitions intellectuelles d’un film, qui cherche un peu trop à plaire à tout le monde.

Au moins, l’interprétation est globalement sans faille, avec des mentions spéciales pour Emma Thompson, tant qu’elle ne se laisse pas trop amadouer par les manœuvres de séduction de son adversaire, Colin Farrell, dans un rôle qui risque à chaque instant de basculer dans la représentation clichetonneuse d’un père ivrogne mais qui réussit à maintenir sa dignité de chef de famille imparfait, Jason Schwartzman, d’une bonne humeur constante au piano, et enfin Rachel Griffiths, tout à fait marquante à partir de quelques brèves apparitions en tant que bonne fée plus réaliste et moins complaisante que sa réincarnation édulcorée dans le film produit par Walt Disney.

 

Vu le 12 février 2014, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

 

A ma mère

Petit préambule

Walt Disney occupe une place importante dans la genèse de ce site. C’est en découvrant mon premier film d’animation à trois ans en juin 1977 Les Aventures de Bernard et Bianca que j’ai commencé à avoir cette passion dévorante pour le cinéma aussi bien d’animation que traditionnel. Au fur et à mesure que le temps passait, je dévorais aussi bien les films au cinéma qu’en cassettte vidéo (ancêtre du DVD et Blu-ray). Mes parents m’ont ainsi non seulement transmis leur passion pour le cinéma mais également un goût prononcé pour les voyages lointains. Le cinéma ne connaît aucune frontière. J‘entretiens ainsi un véritable amour pour la ville de Los Angeles au point de visiter les studios à plusieurs reprises de Warner Bros, Sony Pictures et les parcs d’attractions Disneyland et Universal (aussi bien à Orlando qu’aux environs de Los Angeles). Ma grande passion pour l’univers disney me poussa à accepter un job d’étudiant à Disneyland Paris où j’ai rencontré deux autres passionnés de cinéma Tobias et Fabien. De cette rencontre dûe au monde Disney est né notre site il y a maintenant plus de dix ans.

Faire un film sur la genèse de Mary Poppins n’était pas chose facile tellement celle-ci fut longue, difficile et complexe. Ce film qui est le vingt troisième long métrage des Studios Disney fut marquée par une très longue période de tractations difficiles entre l’auteur du livre Pamela Lyndon Travers et Walt Disney. La promesse de Walt Disney faites à ces deux filles d’adapter cet univers dans un film montre l’attachement fort de ce grand visionnaire envers cette œuvre. La production du film dura quatre années (1960-164) et imposa Julie Andrews et confirma le talent immense de l’acteur Dick Van Dyke. Le film fut non seulement un succès public immense mais également critique avec notamment cinq Oscar (meilleure actrice, meilleurs effets visuels, meilleur montage, meilleure musique originale et meilleure chanson originale).

Pour rendre hommage à un tel chef d’œuvre du cinéma, il fallait trouver non seulement un excellent scénario, un casting sans faille et un réalisateur capable de diriger de main de maître ce biopic. Comme si une fée, ou une muse s’était penchée sur la création artistique de ce film le résultat dépasse de très loin nos attentes et s’impose comme un des chefs d’œuvre de cette année 2014. Le scénario de ce film revient à Kelly Marcel (créatrice, productrice déléguée et scénariste de la série Terra Nova) et Sue Smith. L’écriture de ce film découle d’un commentaire intitulé « The shadow of Mary Poppins » et qui traitait de l’auteur de Mary Poppins P.L Travers. Le producteur de ce documentaire de 2002 Ian Collie trouva qu’il y avait de quoi au vu de la qualité des informations de faire un film. Ce projet attira l’attention de BBC Films réputé pour ses productions de qualité (Billy Elliot (2000), The Duchess (2008), Tamara Drewe (2010), Quartet (2012)..). Le scénario fut longtemps classé dans la fameuse blacklist des meilleurs scénarios en production. En novembre 2011, les studios Walt Disney furent informés de l’existence de ce scénario et achetèrent celui-ci. C’est l’immense Tom Hanks qui fut choisi pour interpréter Walt Disney et plus tard Emma Thompson pour le rôle de P.L. Travers. Le réalisateur fut John Lee Hancock, ancien scénariste (Un monde parfait (1993), Bad boys 2 (2003.) et qui avait déjà œuvré sur la réalisation de quelques films non mémorables.

Cette association de talents divers permet de livrer un film non seulement intéressant de bout en bout sur la création et l’adaptation au cinéma d’une œuvre littéraire mais également par une reconstitution parfaite et palpitante du Hollywood des années 60. Cette rencontre d’un écrivain anglais marqué par la perte de son père, des soucis familiaux et d’un patron de Studio est tout simplement palpitante et très bien retranscrite. Le film nous permet également de visiter un studio de cinéma et de découvrir le monde fantastique des studios Disney et de Disneyland Resort à Anaheim. Le plaisir que j’ai pris à travailler dans un tel parc que je connais parfaitement est retranscrit à la perfection dans ce film. Il y a également une scène dans laquelle nous sentons une minutie totale à redonner vie au bureau de Walt Disney. Tous les geeks vont sûrement se reconnaître par la présence de toutes ces figurines exposées sur ce bureau. Nous sentons parfaitement le soin pris par le réalisateur pour redonner vie à ces personnages et à leurs rapports. Non seulement le film est très instructif mais surtout témoigne une nouvelle fois de la qualité du studio BBC Films et Walt Disney Pictures associés pour donner vie à cette réalisation (les studios Essential Media , Ruby Films et Hopscotch Features ont aussi collaboré).

Le film associant flashback relatif à l’enfance de P.L. Travers et de ses rapports avec ses parents Margaret et Travers Robert Goff (magnifiquement campé par Ruth Wilson et Colin Farrell) et une action se déroulant dans les années permet de mieux comprendre les deux personnages principaux. Walt Disney et P.L. Travers doivent leur succès à un travail profond et à la défense de leur création. Si P.L. Travers a eu du mal à lâcher les droits d’adaptation c’est que Mary Poppins est pour elle le témoignage et une marque de son passé.

On ne pourra qu’applaudir l’excellent travail du directeur de la photographie John Schwartzman et du compositeur Thomas Newman pour avoir donné un tel cachet à ce film et observé avec minutie les détails du film Mary Poppins. Non seulement nous assistons à la création de ce film mais la musique et la photo collent par magie à cette découverte magnifiquement orchestrée. Non seulement ce film est profond, divinement interprété mais aussi est le plus beau des hommages que l’on puisse rendre au génie de Walt Disney et à la puissance de la littérature.

Non seulement le film s’impose comme une réussite majeure donnant à Tom Hanks, Emma Thompson et Colin Farrell l’un de leurs meilleurs rôles mais également donne envie de revoir une nouvelle fois le film Mary Poppins. Celui-ci sera disponible pour la première fois en blu-ray le 5 mars jour de la sortie de ce film. La version proposée a profité d’une restauration complète du négatif original. Nous testerons prochainement cette version incontournable.

Vu le 14 janvier 2014 à la Salle Universal, en VO

 

Note de Mulder: