Titre original: | Un week-end à Paris |
Réalisateur: | Roger Michell |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 93 minutes |
Date: | 05 mars 2014 |
Note: |
Le professeur Nick Burrows et sa femme Meg partent en voyage à Paris, afin d’y célébrer leur trente ans de mariage. Ils s’y étaient déjà rendus pour leur lune de miel. Depuis, les choses ont bien changé. Exécrée par l’exiguïté et la couleur des murs de leur hôtel d’autrefois où son mari a réservé une chambre, Meg décide sur un coup de tête de s’installer dans un palace près des Champs-Elysées. Mais le cadre luxueux de ces vacances romantiques cache mal l’état d’usure avancé du couple.
Sur l’histoire d’un vieux couple d’enseignants britanniques (de Birmingham) venant à Paris pour fêter leurs trente ans de mariage, nous avons le plaisir de redécouvrir avec eux notre belle ville . Nick et Lindsay Burrows après être arrivés en Eurostar d’Angleterre vont ainsi profiter de leur escapade pour partager des moments fantaisistes mais également régler leur compte. Le film réalisé par Roger Michell (Coup de foudre à Notting Hill (1998), Dérapages incontrôlés (2002), Délire d’amour (2004), Morning glory (2010)) s’apparente à un film mineur dans sa filmographie dans laquelle sa collaboration fut jalonnée de stars mondiales Julia Roberts, Daniel Craig, Ben Affleck, Pete O’Toole, Harrison Ford….
Loin d’un Paris reconstitué dans certaines productions américaines en studio, le réalisateur prend un certain plaisir à mettre en scène ce couple atypique ne payant ni leur taxi, ni leurs restaurants et voulant garder leur fils unique qu’ils ont élevé loin de leur coin de maison de Birmingham. Nous sommes donc loin de ces romances américaines avec des personnages caricaturaux créés par un consensus marketing. Pour réussir cette petite production le réalisateur a le plaisir non seulement de retravailler pour la quatrième reprise avec le scénariste Hanif Kureishi (mini-série The Buddha of Suburbia (1993), The mother (2003) et Venus (2006)) et de s’entourer de deux comédiens britanniques Jim Broadbent (saga Harry Potter…), et Lindsay Duncan (série Sherlock, Rome et MI5….) et d’un comédien américain Jeff Goldblum (Jurassic Park 1&2, Independance day..). Les comédiens sont brillants et rendent totalement crédibles leur personnage et leur blessure. La photographie soignée de la directrice de la photographie Nathalie Durand permet de donner un véritable cachet aux lieux historiques de Paris.
Le scénariste Hanif Kureishi explore de nouveau dans ce film des thématiques qui lui tiennent à cœur comme les questions sur l’identité d’un membre d’une famille, d’un environnement social et politique. Sur ce canevas, il dresse ainsi une réflexion sur le mode de vie britannique et américain. Ainsi le personnage américain de Morgan (Jeff Goldblum) apparaît comme le némésis du personnage principal Nick Burrows (Jim Broadbent). Cette opposition est un ingrédient intéressant dans la réussite de ce film d’auteur. Le réalisateur nous livre donc un film personnel loin de ces productions de grands studios ou le réalisateur doit aussi bien rester à l’écoute de son producteur que s’aligner sur une ligne directrice tracée à l’avance. On saisit ainsi toute la subtilité de ce film fait dans une totale indépendance.
Faire un film actuellement sur un couple de retraités est assez audacieux étant donné que les studios aussi bien européens et américains sont nettement plus intéressés par des personnages souvent stéréotypés et pouvant plaire au plus large panel possible. Le réalisateur par sa mise en scène nous présente donc un sujet original et intéressant et nous interrogeant sur notre avenir, nos erreurs et doutes. Les jeux curieux de l’amour auxquels s’exercent ce couple nous intrigue également par cette sensation palpable d’être comme des voyeurs de leur intimité. Cette relation perdure pendant tout le long métrage et nous suivons et écoutons ce vieux couple à la recherche de leur passé. La ville de Paris apparaît donc comme un personnage à part entière dans le film ranimant la flamme amoureuse de ces deux personnes.
Loin de ces comédies américaines calquées sur le même modèle et ces comédies françaises débilitantes, ce film nous permet de retrouver le charme suranné de ces vieilles comédies américaines telles Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner (1989). Le réalisateur semble se délecter du plaisir de faire vivre devant nos yeux ces deux êtres aux préceptes guères enviables. Bien qu’ils soient deux enseignants, ces personnages font tout pour ne jamais payer leurs dettes et semblent vivre avec leur propre code moral. C’est en cela aussi que ces Bonnie and Clyde des temps modernes sont attachants. Le réalisateur semble être en parfaite osmose avec son scénariste et nous livre donc un film sincère et touchant sur le temps perdu et la recherche du bonheur.
Mais c’est surtout la scène du repas dans l’appartement du personnage campé par l’excellent Jeff Goldblum qui remporte aisément notre adhésion et la tirade de ce couple nous touche et nous renverse par une sincérité totale. C’est en cela que le film de Roger Michell est une réussite certes mineure mais à souligner.
Le réalisateur n’oublie cependant pas de rendre un hommage marquant aussi bien au réalisateur François Truffaut qu’à Jean-Luc Godard par cette scène de danses improvisés dans un café de Paris. Nous ne sommes pas non plus très loin par son approche de l’ambiance du film Before Midnight de Richard Linklater (2013) .
Vu le 8 janvier 2014 dans la salle de projection de ARP Sélection, en VO
Note de Mulder:
Pour nous, Ingmar Bergman est le maître incontesté des drames conjugaux. Il lui aura essentiellement suffi d’un film, le magistral Scènes de la vie conjugale, pour faire le tour de tout ce qui peut mener à l’échec, à long terme, d’une union initialement basée sur l’amour et un projet de vie commun. Son disciple temporaire Woody Allen s’essaye par intermittence à la même tâche avec une pincée d’humour en plus, afin d’alléger tant soit peu la gravité du ton bergmanien. Un week-end à Paris a plutôt tendance à s’inspirer de ce mélange doux-amer, qui met en perspective le drame personnel grâce au recul nécessaire pour en déceler les éléments les plus dérisoires. Hélas, Roger Michell ne dispose point de la même aisance dans le maniement de l’outil cinématographique, une lacune préjudiciable qui nous laisse face à un film très inégal.
En effet, on se demande un peu trop souvent si c’est juste la relation entre les deux personnages centraux qui ne fonctionne plus ou bien, si c’est le film dans son ensemble qui peine à trouver le ton adéquat pour tenir compte de leur désamour chancelant. Il y prédomine un mélange pas entièrement maîtrisé entre les injures blessantes et les moments fédérateurs autour d’un « resto basket » par exemple, qui se succèdent à une vitesse que la narration éprouve visiblement du mal à suivre. Au moins, les clichés les plus affligeants sur Paris en tant que destination touristique et sur ces visiteurs britanniques impossibles à satisfaire nous sont épargnés, aussi parce que le scénario de Hanif Kureishi met l’accent sur l’intimité insoutenable du couple. Peu importe l’endroit où ces sexagénaires acariâtres seraient partis, leurs scènes de ménage auraient reflété la même difficulté de se comprendre, voire de s’aimer, au bout de tant de temps passé ensemble.
Et puis, contre toute attente, arrive une séquence à la franchise désarmante qui remet miraculeusement le film sur la bonne voie. Le grand déballage lors du dîner chez l’ami de longue date équivaut en effet à une mise à nu, qui exprime pour une fois ce que le mari et sa femme éprouvent réellement l’un pour l’autre. Toutes les querelles lassantes qui lui ont précédé doivent alors être considérées comme l’expression maladroite du malaise qui empêche cette forme de solidarité de s’épanouir éperdument. Rien que quelques minutes d’un aveu touchant et complètement inadapté au cadre superficiel d’une soirée mondaine, suivi par une assistance moins défaitiste, et le tour est joué pour redonner un deuxième souffle à cette relation qui en avait amplement besoin. Après ce tour de force inespéré, tout ne va pas pour le mieux, mais un équilibre tenable est instauré qui rend possible un dernier moment d’insouciance autour de la danse de Bande à part de Jean-Luc Godard.
Enfin, ce moment de vérité aussi tardif qu’essentiel n’aurait pas été possible sans la rencontre inopinée avec le camarde de cours universitaires de Nick. En passant, le récit s’intéresse alors à un des aléas de la vie qui sont très rarement abordés au cinéma : ces amis perdus de vue et dont on garde un souvenir édifiant, qui, le plus souvent, n’a rien à voir avec leur parcours personnel, dont on ne fait plus partie depuis longtemps.
Vu le 18 mars 2014, au Cinéma des Cinéastes, Salle 3, en VO
Note de Tootpadu: