Titre original: | Old Boy |
Réalisateur: | Spike Lee |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 104 minutes |
Date: | 01 janvier 2014 |
Note: |
En 1993, Joe Doucett est un ivrogne qui préfère draguer l’épouse de son client, plutôt que d’assister à la fête d’anniversaire de sa fille de trois ans, Mia. Après une nuit de beuverie, il est enlevé et séquestré pendant vingt ans dans une chambre d’hôtel. Pendant ce temps, il apprend avec horreur que son ex-femme a été assassinée devant les yeux de Mia et qu’il est le principal suspect. Une fois libéré comme par miracle, Joe jure de se venger et de prouver à sa fille son amour et son innocence. Alors qu’il réussit à retrouver la trace de ses geôliers, il reste impuissant face à la question essentielle du pourquoi de sa captivité.
Ces Américains et leur satanée manie de tout refaire ! Il y a en effet une bonne dose de condescendance culturelle et commerciale dans cette coutume, qui remonte hélas jusqu’aux origines du cinéma, de vouloir adapter tout et n’importe quoi au goût du public américain, quitte à l’aseptiser au point de le rendre méconnaissable. Alors que les productions françaises ont déjà amplement fait les frais de ce recyclage éhonté, il paraît que le tour est désormais au cinéma asiatique, fraîcheur créatrice prête à se faire vampiriser oblige. Il aura fallu une petite dizaine d’années au chef-d’œuvre de Park Chan-wook pour traverser l’océan pacifique. Un délai qui a quelque peu estompé nos souvenirs de ce coup de poing cinématographique, mais qui ne rend pas pour autant plus percutante la version de Spike Lee.
Tandis que l’histoire est au fond restée la même – un homme abject se fait enlever et arrive à s’échapper au bout d’un temps considérable, rien que pour semer la terreur sur son chemin jusqu’au dénouement sous forme de coup de théâtre tonitruant –, sa virtuosité fait sensiblement défaut à cet Old boy-ci. Ce qui fonctionnait très bien autrefois dans un contexte coréen a perdu beaucoup de son intensité sur le sol américain, comme si le vocabulaire filmique de ces deux pays était finalement incompatible. A moins que ce soient carrément l’iconographie des bons et des méchants, ainsi que la nature des peurs et des phobies, qui résistent obstinément au transfert opportuniste. L’implication viscérale d’alors a en tout cas sagement laissé sa place à une mollesse décevante ici, une preuve supplémentaire de l’investissement indécis du réalisateur dans ce projet, qui se situe très loin des préoccupations thématiques de sa période faste dans les années 1990.
Même s’il n’y avait pas eu l’original, qui avait fait date dans les annales du genre, peu de choses mériteraient qu’on s’attarde sur elles dans ce thriller assez médiocre. Il y a certes de rares hommages à la bande dessinée, le support artistique dont l’histoire est initialement issue, comme la séquence de baston épique, infiniment plus jouissive et bestiale chez Park Chan-wook. Et Sharlto Copley campe un maître du jeu plutôt fascinant. Mais dans l’ensemble, ce film atteint au mieux une valeur anecdotique par rapport à un film incontournable, dans le sens qu’il prouve une fois de plus que les rois du remake, presque exclusivement américains, échouent quasiment toujours dans leur entreprise mercantile.
Vu le 1er janvier 2014, au MK2 Bibliothèque, Salle 7, en VO
Note de Tootpadu:
En septembre 2004 sortait sur nos écrans l’excellent film de Park Chan-wook Old boy. Ce film l’imposait comme l’un des plus grands réalisateurs asiatiques actuels. Le film trop asiatique pour le marché américain devait à la base être adapté par Dreamworks et Universal Pictures et réalisé par Steven Spielberg avec Will Smith dans le rôle principal. Suite à un problème de droits lié au manga original de l’éditeur Futabasha, le projet fut définitivement abandonné fin 2009. Ce n’est qu’en juillet 2011 que le projet refait surface par l’intermédiaire de la société de production Mandate Pictures en ayant comme réalisateur Spike Lee. C’est au scénariste Mark David Protosevich (Poseidon (2006), I am Legend (2007)) que revient la lourde tâche d’américaniser ce récit.
Les différences entre les deux films sont nombreuses mais la trame reste identique hormis une fin différente moins réussie et nettement plus morale. L’approche du film également différente fait que ce film permet de revenir sur des faits marquants des Etats-Unis de 1993 à 2013 tel le 11 septembre 2001. C’est malheureusement la réalisation guère inspirée de Spike Lee qui fait que nous préférons de loin le film original. Pourtant, on notera que l’interprétation de Josh Brolin (Joe Doucett) est une nouvelle fois parfaite et que les seconds rôles sont tout autant convaincants tels Samuel L. Jackson (Chaney), Elizabeth Olsen (Marie) et Sharlto Copley (Adrian Pryce).
Josh Brolin se révèle tout aussi à l’aise dans les scènes d’action que dans les scènes dramatiques. Il témoigne une nouvelle fois qu’il est bien l’un des meilleurs comédiens actuels. Il est donc loin le temps où il interprétait un jeune adolescent dans le film culte Goonies. En pratiquement trente années de carrière, il a pu témoigner qu’il était un comédien aussi à l’aise dans un thriller, un film fantastique, ou encore un drame poignant. Sa présence dans ce film permet de faire passer un manque de rythme et une réalisation trop fade. On pourrait presque voir dans ce thriller d’un pessimisme rare un épisode long de la série culte de la quatrième dimension. Cet ivrogne séquestré pendant vingt années malgré sa volonté va se transformer en véritable machine à tuer, en une arme fatale qui va commettre l’irréparable malgré lui. C’est cette dimension dramatique parfaitement rendue par le comédien Josh Brolin qui en fait un remake réussi à défaut de surpasser l’original.
Si on ne connaît pas le film original, celui-ci pourrait presque apparaître comme un « revenge movie » d’une efficacité redoutable. Pourtant on aurait réellement apprécié que le scénariste prenne un plus grand recul par rapport au manga et au film de Park Chan-wook car la comparaison entre les deux films révèle que Spike Lee n’est guère à l’aise dans ce film de commande assez lointaine de son œuvre. Un bon thriller nécessite un réalisateur suffisamment en accord avec ce genre pour laisser son empreinte. A ce titre, on se doute que si le film était resté entre les mains de Steven Spielberg nous aurions obtenu tout simplement un grand film d’auteur et d’un lyrisme rare.
Vu le 02 mai 2014 en DVD et en VO
Note de Mulder: