Titre original: | Casse-tête chinois |
Réalisateur: | Cédric Klapisch |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 117 minutes |
Date: | 04 décembre 2013 |
Note: |
Quand il était jeune, la vie paraissait simple à Xavier. Mais maintenant, alors qu’il approche de la quarantaine et qu’il vient de rompre avec Wendy, sa compagne depuis dix ans et la mère de ses deux enfants, il ne sait plus comment mettre de l’ordre dans son existence qui ressemble à un casse-tête chinois. Pour ne pas perdre le contact avec ses gamins, il les suit à New York, où sa meilleure amie Isabelle vient également d’élire domicile aux côtés de sa femme Ju. Une des raisons pour sa rupture avec Wendy est d’ailleurs que Xavier a accepté d’être le père du futur enfant du couple lesbien. Sans travail, sans domicile fixe et sans carte verte, Xavier tente par tous les moyens de rester aux Etats-Unis, afin de ne pas abandonner ses enfants à Wendy.
La crise de la quarantaine frappe avec toute sa force au début de ce troisième volet d’une saga à fin ouverte, qui se poursuivra tant que les comédiens et le réalisateur – sans oublier le public – le voudront bien. A la manière des Before … de Richard Linklater, les personnages que nous avons croisés une première fois il y a plus de onze ans dans L’Auberge espagnole prennent de l’âge avec nous, voire deviennent notre reflet filmique par le plus pur des hasards générationnels. Il est par ailleurs étonnant de constater que, une fois les films sur les trentenaires immatures passés de mode, nous assistons désormais aux gros coups de blues des quarantenaires, qui se demandent où est passé leur jeunesse, tout en se trouvant face à des responsabilités d’adulte auxquelles leur vie préservée d’éternel gamin ne les a nullement préparés. En effet, les premières minutes de Casse-tête chinois sentent fortement la fin de cycle, qui se soldera soit par une dépression profonde, soit par un changement de régime radical.
Même si nous avons loupé certains de ses films au fil du temps, nous savons pertinemment que Cédric Klapisch n’est guère un réalisateur qui affectionne les solutions livrées clef en main. Du début de sa carrière, Chacun cherche son chat peut ainsi faire office de modèle à partir duquel ses histoires successives se conjuguent. Dépassés en permanence par les événements, ses personnages disposent d’un don faramineux d’adaptation aux pires catastrophes, comme aux bonnes surprises. Rien d’anormal alors à ce que Xavier apprenne très progressivement à accepter le chaos qui est sa vie. Il n’y change pas grand-chose, comme ce serait le cas par exemple dans un conte édifiant et volontariste à la sauce américaine, mais il sait transformer tout le poids négatif qui lui pèse en énergie optimiste.
Outre cette courbe ascendante vers la bonne humeur sans écart sentimental, le film nous fascine également par sa capacité de montrer une Amérique à la fois loin des cartes postales et du misérabilisme polarisant. Ce n’est point sur du folklore touristique que la narration s’appuie ici, mais au contraire sur l’intégration nuancée de quelques lieux urbains dans une épopée de l’immigration. Dans toute sa dérision bienveillante, cette dernière sait savamment indiquer les limites du rêve américain pour quiconque y est considéré comme indésirable. Pour cette armée d’exclus, il ne reste alors qu’un quotidien qui sollicite sans cesse leur talent d’improvisation et d’autres stratégies de survie bordéliques, ce qui résume parfaitement l’état d’esprit de cette comédie, qui commence très tristement, mais qui nous donne congé avec le sourire, jusqu’à la prochaine aventure.
Vu le 11 décembre 2013, à l’UGC Ciné Cité Paris 19, Salle 11, en VO
Note de Tootpadu:
L’année 2013 nous aura permis de découvrir deux excellentes comédies françaises parfaitement maîtrisées, audacieuses et portées par des réalisateurs multi-casquettes (scénaristes et comédiens). Que cela soit l’excellent Neuf mois ferme de Albert Dupontel ou Casse-tête chinois de Cédric Klapisch, ces deux films témoignent à quel point l’alchimie entre un excellent scénario, un casting parfait et surtout un réalisateur véritable chef d’orchestre est la clé essentielle pour réaliser des films populaires mais également générationnels. Ces deux réalisateurs influencés par la culture américaine cinématographique réussissent là ou beaucoup de réalisateurs peinent à dépasser la réalisation trop franchouillarde d’un cinéma qui n’ose pas prendre des risques.
Cédric Klapisch en dix films (sans compter les documentaires et films participatifs) a réussi à créer une oeuvre homogène et à s’entourer d’une vraie famille de comédiens. Après avoir lancé la carrière de l’un des meilleurs comédiens français actuels Romain Duris et réalisé un film culte Le péril jeune (1994), il retrouve celui-ci cinq ans plus tard pour le film Peut-être (1999). Mais c’est surtout leur collaboration sur l’Auberge espagnole (2001) qui marquera nos mémoires encore pour longtemps. Ce film s’appuyait sur un scénario très habilement mené de Cédric Klapisch et narrant le parcours d’un étudiant en sciences économiques et futur écrivain. Au vu du succès rencontré et d’une critique l’encensant une suite a vu le jour Les poupées russes (2005) et certes moins réussi permettait aux acteurs de prolonger la vie de leurs personnages. Le public retrouvait ainsi Romain Duris (Xavier Rousseau), Kelly Reilly (Wendy), Audrey Tautou (Martine) et Cécile de France (Isabelle) avec leurs problèmes, leurs amours et leur vie. Huit ans après, Cédric Klapisch nous livre tout simplement le meilleur film de cette trilogie et plante son décor dans un New York insolite.
Ce troisième épisode neuf ans après le premier semble avoir inspiré à Cédric Klapisch une volonté de se renouveler et surtout de rendre hommage au cinéma américain new-yorkais. IL y a ainsi autant une influence du réalisateur Stephen Frears que de Woody Allen qui plane autour de ce film. Le scénariste réalisateur soigne ainsi autant sa direction d’acteurs, le couple Xavier-Martine (Romain Duris – Audrey Tautou) est tout simplement irrésistible que sa photographie. Il en ressort un bol d’oxygène de bonheur instantané nous rappelant que la vie est faite pour vivre à deux, que voyager grandit l’âme et que le travail doit permettre à subvenir à ses besoins. Certes, ce film semble partir par moment dans tous les sens et il s’en dégage une impression bordélique permanente mais n’est ce pas cela la vie tout simplement.
En trois films les personnages ont grandi et évolué. Le scénario est d’autant plus réussi qu’il rend cette évolution très réaliste et surtout évite tout effet inutile. Le lien familial entre cette troupe d’acteurs et ce réalisateur est palpable tout au long du film et nous ne pouvons qu’adhérer à cette histoire et à ces personnages romantiques et pourtant si réalistes. La thématique du film qui s’en dégage est bien entendu la recherche de la plénitude, la recherche de soi et de sa moitié. Cette quête aura permis au personnage de Xavier Rousseau de voir que la vie n’est pas simple, certes ce n’est pas un casse-tête chinois pernicieux mais c’est une aventure à vivre pleinement.
Ce film aura aussi le mérite de donner à Audrey Tautou l’un de ses meilleurs rôles. N’hésitant pas au détour d’une scène à casser son image trop lisse, elle se livre totalement dans ce film et illumine de sa présence de nombreuses scènes . Après le décevant L’écume des jours (2013) de Michel Gondry où elle formait déjà avec le comédien Romain Duris un drôle de couple, celui dans ce film est en parfaite adéquation. Si le film est autant réussi c’est que Cédric Klapisch non seulement ne cesse de nous étonner mais surtout qu’il sait diriger les comédiens pour en tirer le meilleur.
Ce film figure parmi mes films préférés de l’année (avec bien entendu Neuf mois ferme) et nous ne pouvons que le recommander et espérons que le blu-ray à venir sera rempli de bonus nous permettant de nous replonger dans un univers douillet et si réaliste…
Vu le 12 décembre 2013 au Gaumont Champs-Elysées Ambassade, Salle 02
Note de Mulder: