Immigrant (The)

Immigrant (The)
Titre original:Immigrant (The)
Réalisateur:James Gray
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:27 novembre 2013
Note:

En janvier 1921, la Polonaise Ewa Cybulski et sa sœur Magda arrivent en bateau à New York. Elles espèrent trouver le bonheur en Amérique, après avoir fui les horreurs de la guerre chez elles. Mais Magda, soupçonnée d’avoir la tuberculose, est mise en quarantaine à Ellis Island et les fonctionnaires de l’immigration reprochent à Ewa d’avoir eu un style de vie licencieux pendant la traversée et d’avoir indiqué une fausse adresse de contact sur le sol américain. Sur le point d’être expulsée, Ewa implore l’aide de Bruno Weiss, un homme d’affaires qui accepte de l’accueillir, à condition qu’elle travaille pour lui. Afin de réunir l’argent nécessaire pour libérer sa sœur, Ewa se résigne alors à se prostituer.

Critique de Tootpadu

L’époque n’est pas la même, mais sinon la vision du réalisateur James Gray du côté populaire et malpropre de New York est tout aussi sombre et oppressante ici que dans ses films précédents. Le mythe de l’Amérique, terre d’accueil pour quiconque veut bien se donner les moyens de réaliser ses rêves, y subit une réprimande en bonne et due forme, quoique toujours sur le ton d’un film de genre soyeux. L’esthétique de The Immigrant rappelle en effet fortement l’aspect dépaysant du Parrain Deuxième partie de Francis Ford Coppola, une référence illustre à mettre avant tout sur le compte de la photo de Darius Khondji, presque trop belle pour un tel contexte misérable. Un lien qui pourrait fonctionner également du côté de l’intrigue, si le trio de personnages trouvait seulement quelque rédemption que ce soit dans les bas-fonds d’une ville tentaculaire, où aucun organisme régulateur n’intervient dans les agissements illicites de tous les participants.

Dans le premier plan du film, aussi magnifique que le dernier, la Statue de la Liberté nous tourne le dos. Personne ne veut de ce flot d’immigrés de l’entre-deux-guerres, alors que l’économie américaine n’a pas encore connu son premier coup d’arrêt brutal de la grande dépression. Ils servent au mieux à graisser la machine de l’ombre d’une société, qui a perdu toute son humanité à force de vouloir paraître respectable. Cette distance froide prend encore un aspect anecdotique, lorsqu’il s’agit du prêtre d’origine polonaise qui ne parle plus la langue de ses ancêtres, mais qui maîtrise par contre parfaitement la diction des promesses creuses de l’église. Elle devient déjà beaucoup plus préoccupante, quand elle s’empare de la propre famille de l’immigrée, qui met l’hypocrisie des intérêts commerciaux avant la solidarité la plus basique.

Les tentatives de s’affranchir de sa condition humiliante ne manquent donc pas chez Ewa, une femme aux traits aussi tragiques que ceux des hommes ténébreux qui peuplaient jusqu’à présent l’univers de James Gray. Chaque nouvel espoir est cependant amèrement déçu, ce qui n’aboutit pas forcément à une dynamique narrative du cercle vicieux, mais plutôt à une résignation mortifère. Il n’y a toujours pas la place pour une fin heureuse chez ce réalisateur à la cohérence thématique et formelle bluffante, juste le passage éclair de quelques rayons de soleil sans suite, comme l’interprétation charmante de Jeremy Renner. Quant à Marion Cotillard, elle s’acquitte très convenablement et sans tomber dans l’excès d’un rôle, qui aurait facilement pu tourner à la caricature criarde de la demoiselle en détresse.

 

Vu le 5 décembre 2013, au Max Linder, en VO

Note de Tootpadu: