Vent se lève (Le)

Vent se lève (Le)
Titre original:Vent se lève (Le)
Réalisateur:Hayao Miyazaki
Sortie:Cinéma
Durée:127 minutes
Date:22 janvier 2014
Note:

Pour le moment, ses avions ne volent que dans ses rêves, où il croise des inventeurs de génie comme l’Italien Giovanni Caproni, mais le jeune Jiro n’aspire qu’à une chose : concevoir plus tard son propre aéronef qui fera la fierté de tout le Japon. Sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, c’est pour cela qu’il s’est résigné à créer sur le papier des prototypes ambitieux. Rapidement engagé à la sortie de l’université par une importante entreprise d’ingénierie, dont il devient sans tarder le talent à suivre dans le département aéronautique, Jiro ne peut pourtant pas oublier sa première rencontre avec Nahoko, une jeune femme qu’il avait croisée dans le train, le jour du grand tremblement de terre de Kanto en 1923.

Critique de Tootpadu

Qui aurait cru que nous allions établir un jour un lien entre Hayao Miyazaki et Ben Stiller ? Ces deux réalisateurs n’ont à première vue strictement rien en commun et pourtant, leurs derniers films respectifs, qui sortiront en France à trois semaines d’intervalle, empruntent des voies semblables, puisqu’ils nous enchantent d’abord à travers leurs fantaisies oniriques, avant de faire pencher la balance du côté d’une légère déception. Tout y est forcément beau et soigné, surtout dans Le Vent se lève qui est censé représenter le chant de cygne du vieux maître de l’animation japonaise, mais il y manque à notre humble avis cette pincée de poésie brute qui nous fait par exemple préférer l’œuvre du contemporain de Miyazaki, Isao Takahata.

Ce qui ne veut pas dire que ce conte presque adulte ne cherche pas justement à aborder des thèmes pas forcément adaptés à un public de jeunes enfants. L’envergure historique du récit est en effet assez impressionnante, prenant les grands bouleversements des années 1920 aux années ’40 au Japon et dans le monde comme arrière-plan pour amorcer et relancer une intrigue plutôt intimiste. Or, cette fidélité envers une époque riche en péripéties constitue le premier pas, au potentiel préjudiciable à la fois pour la pureté et pour la clarté de la narration, en direction d’un ton mélodramatique contre lequel le film se défend avec de moins en moins de vigueur. Une fois que la trame principale du scénario est établie, c’est-à-dire dès que les retrouvailles avec Nahoko ont scellé l’union des deux amoureux, et par la même occasion leur sort, peu importe les futurs coups de génie de Jiro, la mise en scène paraît se mettre en retrait afin d’illustrer simplement cette aventure à l’eau de rose hautement romantique.

Le dilemme entre notre volonté indiscutable de savourer a priori pour la dernière fois un nouveau film de Hayao Miyazaki et le constat plus mitigé que celui-ci s’avère être certes honorable, mais pas animé du même souffle magique que certains films antérieurs du réalisateur, ne sera sans doute jamais résolu complètement. Il ne nous reste alors que l’assurance douce-amère que le vieux maître s’est élancé dans les hautes sphères de l’animation cinématographique, en ramenant cette fois-ci une œuvre qui lui ressemble probablement, mais qui a troqué l’enchantement d’une enfance remplie d’aventures fantastiques contre un regard plus posé, voire terne sur la vie, dont on s’échapperait apparemment le mieux grâce à un univers de rêves sans limite.

 

Vu le 2 décembre 2013, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

A mes parents.

Hayao Miyazaki est l’un des plus grands scénaristes et réalisateurs japonais de manga. Un des rares ayant pu donner ses titres de noblesses à une forme animée trop souvent propice à des déferlements de violence et une pauvreté visuelle et scénaristiques. Très attaché à des thématiques telles la défense de la nature (Nausicaä de la vallée du vent (1984), Mon voisin Totoro (1988), Princesse Mononoke (1997)), l’aviation (Porco Rosso (1992)) et la perte de l’être cher. Le succès critique et public de Nausicaä de la vallée du vent lui permet ainsi d’obtenir une réelle liberté artistique et de cofonder le fameux studio Ghibli avec Isao Takahata. En trente-quatre ans, il a ainsi pu réaliser onze films devenus des classiques de l’animation. Annonçant qu’il allait prendre sa retraite après la sortie du film d’animation Le Vent se lève, l’attente de découvrir ce film se faisait de plus en plus grande. Le résultat est à la hauteur de notre attente et s’impose comme une pure réussite artiste et scénaristique, un enchantement permanent, une invitation au monde du rêve.

Cette histoire inoubliable de Jiro, un ingénieur souhaitant voler mais à la vue déficiente vivra sa passion pleinement en dessinant de magnifiques avions et se fera recruter dans une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’imposera comme l’un des plus grands ingénieurs au monde.  Son personnage par l’intermédiaire de ses nombreux rêves suivra les conseils de l’ingénieur aéronautique Giovanni Battista Caproni. Hayao Miyazaki fait de ce film non seulement un pur moment magique de cinéma mais aussi le plus beau des hommages à son pays et au courage de son peuple. Ainsi, il introduit dans son récit des moments tristement historiques (le séisme de Kanto en 1923, l’entrée en guerre du japon) mais aussi la somme de ses thématiques qui lui tiennent à cœur (la nature, l’aviation, la perte de l’être chère, la famille). Comme si le réalisateur voulait signer sa lettre d’adieu à ses nombreux partisans, il nous montre au travers du personnage principal son propre reflet. Celui d’un être passionné par son métier, un rêveur qui a su mettre sur papier ses rêves.

L’approche très adulte du film permet de conjuguer une atmosphère très réaliste tout en abordant le thème de la guerre, des échanges entre l’Allemagne et le Japon et montrant que les avions étaient également des armes de guerre redoutables. Le réalisateur traite également de la résistance de certains allemands contre le pouvoir en place et voulant conquérir le monde. L’attention de Jiro est de voler et voyager et non de faire des armes dangereuses comme le montre si bien le réalisateur à travers différentes scènes du film. Prônant des valeurs justes, le film est une totale réussite et souligne l’importance du Japon dans la création artistique actuelle. Le film est donc aussi dense que détaillé et ne cesse de nous étonner par son rythme lent et magnifiquement romanesque. On pourrait presque affirmer que ce film est le plus beau des films de son réalisateur et aussi le plus noir par ses thématiques sous-jacentes. La musique de Joe Hisaishi, collaborateur de longue date du réalisateur est parfaitement utilisée et renforce notre adhésion. Les deux artistes semblent en parfait fusionnement et apparaissent comme une des plus belles collaborations entre un réalisateur et un compositeur.

Certains films d’animation s’imposent dès leur découverte comme des œuvres portant à réflexion et capables d’interroger les spectateurs sur leur conditions et leurs rêves brisés. Croire en son potentiel, travailler dur et continuer à rêver sont les clés du succès portées par ce film inoubliable. Loin de tenir un discours moralisateur, il montre aussi que vivre une histoire romantique ne devrait pas passer après tout car elle est aussi une clé de l’épanouissement spirituel de l’homme.

 Parmi les films d’animation que l’Académie des Oscar a soumis figurent dix-neuf titres dont bien entendu celui-ci. Cela ne sera donc pas un hasard si celui-ci remportait l’année prochaine la statuette tant convoitée tant cette œuvre apparaît comme le testament d’un maître de l’animation qui a donné ses plus belles années à son œuvre et mérite un repos amplement mérité.

Vu le 05 décembre 2013  à la Salle Universal, en VO

Note de Mulder: