Loup de Wall Street (Le)

Loup de Wall Street (Le)
Titre original:Loup de Wall Street (Le)
Réalisateur:Martin Scorsese
Sortie:Cinéma
Durée:180 minutes
Date:25 décembre 2013
Note:

Au milieu des années 1980, le jeune Jordan Belfort débarque à New York dans l’espoir d’y faire rapidement fortune. Il est engagé comme assistant trader dans la société prestigieuse de Rotschild, où il apprend les rouages du métier et du système financier qui règne librement à Wall Street par le biais de son patron Mark Hanna. La crise boursière de 1987 met temporairement un terme à sa carrière prometteuse. Belfort se réinvente alors loin des cours officiels, en empochant des marges colossales grâce aux actions des petites sociétés pas cotées en bourse. Avec son voisin Donnie Azoff, il fonde sa propre firme Stratton Oakmont, une véritable machine à fric, qui vit au rythme des orgies de sexe et de drogues. Le monde financier ne tardera pas à s’y intéresser, tout comme le FBI.

 

Critique de Tootpadu

Puisqu’il n’a plus rien à prouver, Martin Scorsese se complaît de plus en plus sur le trône officieux de l’éminence grise du cinéma américain. Son statut au sein de la profession est en effet tel qu’il devient quasiment impossible de dire du mal de ce cinéaste, qui transmet sa passion incommensurable du cinéma par des voies aussi diverses qu’édifiantes. Bien qu’elle soit amplement méritée, cette période de la maturité contient en même temps le risque de tomber dans l’académisme ou en tout cas de stagner à un niveau élevé si parfaitement maîtrisé qu’aucune vitalité créative ne peut y être décelée. Le cinéma de Martin Scorsese n’est absolument pas moribond, mais sa nouvelle épopée – la plus longue d’une carrière qui ne s’est point privé d’excès du côté de la durée des films qui la composent – sent plus le réchauffé succulent qu’un départ téméraire vers de nouveaux horizons cinématographiques.

Le mode opératoire du Loup de Wall Street se conforme ainsi sans accroc à l’univers du réalisateur. Il y est une fois de plus question d’un ambitieux louche, qui interprète le rêve américain selon sa propre soif de richesses éphémères, avant de se raviser tant soit peu et in extremis, plus par nécessité pénale que grâce à l’acquisition de la sagesse qui ne vient pas pour tout le monde avec l’âge. Les réseaux de l’ombre de Wall Street ne s’y distinguent pas tellement de ceux de la mafia, un point primordial du propos du film auquel il n’était peut-être pas nécessaire d’allouer trois heures entières de film. La vigueur de ce dernier provient heureusement de la trajectoire d’Icare du protagoniste, une version à peine voilée du prototype des nouveaux riches des années 1980, qui ont eu beaucoup de mal à se maintenir à ce niveau vertigineux de la débauche et du brassage d’argent, peu importe qu’ils s’appellent Donald Trump, Bernard Tapie ou Paul-Loup Sulitzer.

La virtuosité de la narration ne nous ennuie par conséquent pas plus que les quelques numéros d’acteur jubilatoires, ceux de Matthew McConaughey et de Leonardo DiCaprio en tête. Il n’empêche que le film n’apporte rien de consistant ou de sensiblement nouveau pour enrichir le monde d’un cinéaste, qui nous avait habitués à une approche plus viscérale et audacieuse dans ses films les plus aboutis du passé. Ici, les substances illicites de toutes sortes et les pratiques sexuelles débridées ont beau être de rigueur, au point de border à l’apologie de cette quête du plaisir sans cesse renouvelé et déjà bien au-delà d’une simple dépendance, le conformisme à la structure narrative et au ton dignes d’un opéra qui sont la marque de fabrique très honorable de Martin Scorsese les enferme dans un cadre formel trop soigné et romanesque pour réellement nous enthousiasmer.

 

Vu le 3 décembre 2013, à l’UGC Normandie, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

En juin 2000 sortait dans nos salles l’adaptation du roman culte et incontournable de Brett Easton Ellis et portant le même titre (édité en 1991). Dans ce film, on suivait un golden-boy de Wall Street Patrick Bateman âgé de 27 ans riche, intelligent, yuppi et qui tournait aux rails de coke et surtout était un psychopathe. Le film de

Mary Harron  était distribué en salles en France par Metropolitan FilmExport et scénarisé et réalisé par Mary Harron.  Treize ans et quelques mois plus tard, de nouveau distribué par le même distributeur un nouveau film tout aussi (voire encore mieux réussi) se penche sur un autre golden boy de Wall Street.

Avant d’être le vingt quatrième film de Martin Scorsese (sans compter les documentaires que celui-ci a réalisés) en quarante-quatre ans, le Loup de Wall Street était à la base un livre écrit par un ancien trader américain Jordan Belfort qui monta sa propre société avant d’être arrêté et emprisonné pendant pratiquement deux ans pour détournement de fond à la fin des années 90. Adapté par Terence Winter scénariste notamment sur les séries Xena, la guerrière, Les Soprano et Broadwalk Empire, le film se veut une satire sociale très virulente des mœurs douteuses de certains agents de change. Ce film marque ainsi la cinquième collaboration entre ce réalisateur et l’un des meilleurs comédiens actuels Leonardo Di Caprio (crédité aussi comme producteur).

Martin Scorsese est sûrement avec Quentin Tarantino l’un des plus grands réalisateurs et cinéphiles actuels mais il est celui qui a fait de New York une ville incontournable du cinéma. Dès son troisième film Mean Streets (1973), la ville prenait une part importante dans le déroulé du récit. Il en est de même dans notamment Taxi Driver et New York New York (1977), After hours (1985), Gangs of New York (2002). De nouveau le cadre entier du film est cette cité crépusculaire où le vice et l’argent règnent. A comparer son approche de la mafia dans plusieurs de ses films et du monde des traders les deux univers ne sont pas si éloignés. Pourtant,  à regarder de plus près Le loup de Wall Street est son film le plus irrévérencieux depuis  La Dernière tentation du Christ en 1988. C’est aussi pour Scorsese le moyen de renouer avec une grande fresque dans la lignée d’Il Etait une fois l’Amérique (1971) de Sergio Leone et plus récemment de Casino (1995) et Gang of New York (2002) et Aviator (2004). Le tandem gagnant Scorsese-Caprio donne ici un film des plus jouissifs où la drogue, le sexe et le lancer de nain cohabitent parfaitement. Véritablement reflet des excès néfastes des travers de notre société le film donne autant à rire qu’à nous inquiéter simultanément. Nous avons ainsi souvent l’impression que la crise actuelle est engendrée par des boursicoteurs accros autant à leurs drogues qu’à l’argent rapide et facile. Malgré sa durée de pratiquement trois heures, la fluidité du récit montrant la réussite puis le déclin de Jordan Belfort nous captive de bout en bout.

Ce film a toutes les qualités requises pour s’imposer comme le film d’une génération sacrifiée par la crise économique actuelle où les plus riches s’enrichissent sur la crédulité des plus pauvres. L’histoire se rapproche donc de la vision de Brett Easton Ellis sur le monde de la bourse voire également du film de Oliver Stone Wall Street (on passera sur sa suite décevante). Il les surpasse pourtant par la force d’un scénario rempli d’excellentes idées, par la présence d’un réalisateur qui n’a jamais été autant inspiré et surtout par un casting parfait et éblouissant.

Une nouvelle fois Leonardo Di Caprio s’impose comme l’un des meilleurs acteurs de sa génération et il montre que sous la direction d’un grand réalisateur son talent est sans limite. Non seulement Martin Scorsese lui donne un rôle lui permettant de passer de la tragédie à la comédie mais surtout il n’hésite pas à casser son image. La scène dans laquelle sous l’emprise d’une drogue il devient paralysé et doit tel un serpent se diriger par terre à sa voiture en témoigne. De la même manière Matthew McConaughey malgré un rôle secondaire très court continue à nous surprendre et la scène du restaurant entre son personnage et celui de Leonardo Di Caprio est sûrement la meilleure scène de ce film. Le casting comprend notamment Jonah Hill (qui ne cesse de nous surprendre) et Rob Reiner et Jean Dujardin (excellent lui aussi).

Martin Scorsese renoue non seulement par l’intermédiaire de ce film avec les comédies des années 80 tel After Hours et La valse des pantins mais également transpose le milieu mafieux qu’il a si bien décrit dans ses films dans celui-ci. II montre ainsi une nouvelle fois qu’il est aussi à l’aise à diriger un drame poignant qu’une fresque sociale. Dans  un cinéma hollywoodien qui s’appuie de plus sur des effets spéciaux et oublie ainsi que ce qui fait la force d’un film est un bon scénario, un casting convaincant et un réalisateur tenant parfaitement le tout, le dernier film de Martin Scorsese est tout simplement un chef d’œuvre.  Contrairement à certains réalisateurs qui après avoir réalisé plusieurs films se contentent à partir d’un certain point d’appliquer la même formule, Martin Scorsese n’a jamais cessé de chercher à innover et améliorer sa mise en scène. Après avoir réinventé le film de gangster mafieux, il continue à chercher de nouveaux axes d’évolution. Son nouveau film surpasse ainsi nos attentes et s’impose comme l’un des meilleurs films de cette année toute catégorie confondue.

Vu le 03 décembre 2013  à l’UGC Normandie, salle 01, en VO

Note de Mulder: