Du sang et des larmes

Du sang et des larmes
Titre original:Du sang et des larmes
Réalisateur:Peter Berg
Sortie:Cinéma
Durée:122 minutes
Date:01 janvier 2014
Note:

Fin juin 2005, un commando de quatre soldats d’élite de l’armée américaine participe à l’opération Red Wings en Afghanistan. Ils ont pour mission de prendre position près d’un village où se trouverait Ahmad Shah, un dangereux chef taliban, et de récolter les informations nécessaires à une opération d’envergure pour l’éliminer. Alors que les hommes arrivent comme prévu à destination, leur cachette est accidentellement découverte par trois bergers locaux. Bien que les soldats réussissent à les arrêter, leur mission est désormais compromise. Que faire alors de ces témoins indésirables, leur laisser la liberté et risquer ainsi de se faire traquer par des dizaines de talibans, ou bien les assassiner, ce qui irait à l’encontre du code d’honneur de leur unité ?

 

Critique de Mulder

“The sky was falling and streaked with blood
I heard you calling me then you disappeared into the dust
Up the stairs, into the fire”
Bruce Springsteen – Into the Fire

Le scénario du film est tiré d’une histoire vraie arrivée à des Navy Seals en Afghanistan envoyés en mission pour capturer un leader taliban Ahmad Shah. Cette histoire a été racontée dans le livre d’un ancien Navy Seal Marcus Luttrell (Le survivant, 2007). Crédité en tant que réalisateur, scénariste et producteur, Peter Berg (Very bad things, Le Royaume, Hancock) s’est entouré d’acteurs convaincants pour nous refaire vivre la violence des affrontements armés aux premières loges.

On retrouve ici toute la force d’un acteur devenu réalisateur et maîtrisant aussi bien la direction d’acteurs que le rythme de son film. Loin d‘être une démonstration triomphale des force armées américaines, le film est avant tout le portrait d’hommes solidaires et surentraînés et n’hésitant pas à se protéger mutuellement contre la férocité d’une armée plus nombreuse et mieux armée. Rien n’est donc épargné à ce commando de quatre Navy Seals et la violence est omniprésente et se déferle pratiquement en temps direct.

Ce commando de quatre hommes est constitué de Marcus Luttrell, (Mark Wahlberg) et qui en voulant éviter la mort de trois civils exposera son commando à l’assaut de ces terroristes. Il est aussi composé de Mike Murphy (Taylor Kitsch) qui est le leader du groupe, de Matt "Axe" Axelson (Ben Foster) et de Danny Dietz (Emile Hirsch). Ces quatre frères d’armes vivront l’enfer face à des assaillants surentraînés. Le réalisateur  s’entoure ainsi d’acteurs convaincants (y compris Eric Bana) pour nous livrer un film de guerre réaliste, violent et sans aucun temps mort. Par sa volonté de coller à l’action, le film est parfaitement chorégraphié et nous ressentons la même terreur que ces soldats pris au piège malgré eux.

Loin du décevant Battleship, pur popcorn movie décérébré et sans aucune personnalité au niveau de la réalisation, Peter Berg de nouveau nous livre un film fort à la mécanique maîtrisé. Après une scène d’ouverture montrant l’éprouvant entraînement autant physique que psychologique des Navy Seals, le film nous met donc dans l’action pure et dure et nous rappelle par bien des côtés la férocité du film de Sylvester Stallone John Rambo. Ces deux acteurs/scénaristes/réalisateurs ont parfaitement compris l’essence du film de guerre et nous livre la même violence étouffante. Nous sommes donc projetés tel dans un jeu vidéo de guerre type FPS Call of duty sur un champ de ruine. En voyant ce film il est également impossible de ne pas repenser à l’approche de la violence de la guerre par des réalisateurs tels que Steven Spielberg, Sam Peckinpah, Kathryn Bigelow. Nous sentons bien à chaque instant que le réalisateur soutient dans leurs combats ces quatre navy seals, il est avec eux, il les voit comme des martyrs d’une guerre qui les dépasse.

La force du film tient aussi au respect du scénario de Peter Berg envers le livre de Marcus Luttrell même si dans la vraie histoire, les villageois d’Afghanistan qui ont aidé ce navy Seal  et l’ont transporté de village en village afin de le protéger du Taliban et que dans le film cela est abordé rapidement. Cet engagement de la part du réalisateur est plutôt rare dans un film américain et donc salutaire.

Vu le 02 décembre 2013, au  Club De l’Etoile, en VO

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Les Américains sont les meilleurs. Leur armée est la plus performante, puisque elle dispose de héros sans peur en guise de soldats, qui vont jusqu’à paraître invincibles dans des situations désespérées. Cette vile propagande, produite sans renâcler par Hollywood quand les grands idéaux de la nation américaine sont assaillis en temps de guerre, prend une tournure encore plus perverse, lorsque elle se conjugue sur le ton du conte de survie. Dans ces chants tendancieux, les ennemis servent exclusivement de chair à canon pour souligner les exploits des unités d’élite, qui – même morts – font toute la fierté de leur pays. Il fallait hélas s’attendre à ce qu’un réalisateur de la trempe de Peter Berg tombe dans le piège de la glorification de la guerre, pour une fois qu’il ne s’attaque pas à une histoire qui relève de la fiction pure et dure, comme ses films précédents, des adaptations bancales de jeux vidéos et autres super-héros au rabais.

L’immense erreur de conception du film, qui est tant soit peu camouflée par le titre français très quelconque mais au moins assez vague pour ne pas laisser deviner précocement le dénouement, est l’abolition immédiate de tout enjeu dramatique. Une fois que le petit film publicitaire sur les sacrifices surhumains et l’éthique fraternelle des Navy Seals est passé, nous apprenons d’ores et déjà qui est l’heureux survivant de cette mission maudite. Pire encore, le cadre temporel de l’intrigue est si clairement établi que le suspense est réduit au strict minimum. La raison d’être de Du sang et des larmes n’est alors plus que de célébrer la mémoire des valeureux soldats, morts au combat, et de parfaire ainsi l’obligation de parler de leur sacrifice qu’éprouve visiblement le seul et unique rescapé. Rien de mal à cela a priori, si ce n’est que la narration se montre de plus en plus laborieuse dans le maintien de l’équilibre nullement délicat entre l’hagiographie militaire, le film d’action et – tout à fait accessoirement – un portrait plutôt stéréotypé de la population afghane.

Comme dans pratiquement tous les films de guerre, c’est le point de vue qui décide ici de la direction que prendra l’histoire, en choisissant si fermement son camp qu’aucune subtilité de propos n’est envisageable. Les Américains y sont la référence par excellence, la seule mesure acceptable qui autorise un long retour larmoyant sur chacun des défunts américains en fin de film, mais qui ignore largement les victimes du côté des autochtones, peu importe de quel côté du conflit ils se sont engagés. Cette perspective déséquilibrée nous rappelle celle d’un autre film sur une mission avortée par les forces armées américaines : La Chute du Faucon noir de Ridley Scott. A la différence cruciale près que Peter Berg en cite au mieux l’esthétique au début, avant de s’engager sur une voie formelle infiniment moins sophistiquée, jonchée de ralentis et de grands moments émotionnels.

Si par miracle on pouvait faire abstraction de son bagage idéologique considérable et du talon d’Achille de sa construction scénaristique, le septième film du réalisateur n’est pourtant pas entièrement dépourvu de qualités. En dehors d’une bande son forcément explosive, ce sont curieusement les cascades qui nous ont le plus impressionnés, puisque elles traduisent sans fioriture la détermination physique de ces hommes, décidés à se battre jusqu’à leur dernier souffle.

 

Vu le 10 décembre 2013, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: