Rêves d'or

Rêves d'or
Titre original:Rêves d'or
Réalisateur:Diego Quemada-Diez
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:04 décembre 2013
Note:

Juan et ses amis Sara et Samuel cherchent à fuir leur vie misérable au Guatemala. Ces adolescents abandonnés à eux-mêmes se joignent au flux ininterrompu des réfugiés, qui traversent le Mexique sur des trains de marchandise. Sara se fait passer pour Osvaldo, afin d’éviter de devenir la cible des convoitises dans ce milieu sans pitié. Les trois amis trouvent un compagnon de voyage en Chauk, un indien de leur âge qui ne parle pas espagnol. Ensemble, ils vont tenter d’arriver à leur destination rêvée : les Etats-Unis d’Amérique.

Critique de Tootpadu

La beauté cruelle de ce premier film mexicain met du temps avant de nous enthousiasmer. Au début, nous n’y voyons qu’une réplique mineure du magnifique Sin nombre de Cary Joji Fukunaga, qui traitait il y a quatre ans une thématique très proche, mais avec une assurance formelle largement supérieure. Alors que l’impact émotionnel se met doucement en place dans Rêves d’or, notre adhésion était quasiment immédiate dans le film précité. Toutefois, la démarche du réalisateur Diego Quemada-Diez aboutit sournoisement au même constat déprimant, exprimé peut-être dans des termes encore plus universels ici, à cause des rares détails personnels que le scénario nous apprend au sujet des réfugiés. Pour ces derniers, le rêve d’un avenir meilleur en terre promise se transforme invariablement en cauchemar, dès qu’ils osent entreprendre le voyage vers de nouvelles formes d’exploitation, dans le doute plus avilissantes que la chape de plomb de la pauvreté dans leur pays d’origine.

La première tentative de se soustraire à cet avenir misérable tout tracé s’apparente à un jeu d’enfants. On pourrait y voir les derniers balbutiements de l’insouciance et de l’innocence, qui laissent Juan et ses amis ignorer les risques réels de la traversée du Mexique. Un simple déguisement est censé berner le regard des hommes en manque de compagnie féminine. Et alors que tout le monde a déjà accepté le statut de vagabond sans toit, ni loi, des disputes de territoire et de meneur du groupe éclatent entre les garçons, sans doute aussi pour leur permettre d’exercer le peu de pouvoir et d’afficher le semblant de courage qu’il leur reste dans des conditions de vie qui s’avèrent hautement instables. Le fait d’être recalés au rite de passage initial aurait pu servir d’avertissement aux jeunes personnages. A moins que l’entêtement de tout recommencer à zéro – comme si les obstacles allaient être moins insurmontables lors du deuxième essai – équivaille à cette volonté diffuse de faire face à l’épreuve, coûte que coûte, qui distingue l’adulte de l’enfant.

Toujours est-il que la deuxième partie du film ne ménage pas ses coups, à la fois en direction du groupe auparavant soudé des personnages, qui s’effrite au fur et à mesure que la réalité impitoyable des convois au cimetière du rêve américain s’abat sur eux, et envers le spectateur, de plus en plus désarçonné face à la tragédie qui se déroule devant ses yeux impuissants. La seule et unique faute des adolescents fuyards est d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Ils ne font rien pour provoquer le sort fatal qui s’acharne désormais sur eux et pourtant, ils subissent de plein fouet les foudres d’un processus de sélection sauvage, impossible à prévoir ou à manipuler en sa faveur. Le rétrécissement involontaire du groupe renforce certes les liens entre les rescapés, mais vu la logique implacable du scénario, qui ne cherche justement pas à donner un sens au sacrifice, mais qui s’efforce au contraire à dénoncer sa nature complètement arbitraire, pareille éclosion d’un vague sentiment de solidarité est tout à fait futile.

L’épilogue de ce film d’une dureté poignante condense avec une tristesse indicible l’injustice inhérente à l’immigration pour des raisons économiques. Le seul « chanceux » qui a pu franchir la ligne d’arrivée se retrouve tout en bas de l’échelle sociale américaine, même pas en tant qu’ouvrier anonyme et sans qualification, mais comme sous-fifre de cette masse salariale de l’ombre, qui engraisse à un prix humain exorbitant la machine de l’économie américaine. Cette absence intransigeante d’une conclusion rassurante confirme la pureté du propos d’un film que nous ne pouvons que conseiller à chaque spectateur en possession d’une conscience sociale tant soit peu développée.

 

Vu le 21 novembre 2013, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: