Philomena

Philomena
Titre original:Philomena
Réalisateur:Stephen Frears
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:08 janvier 2014
Note:

L’ancien journaliste Martin Sixsmith vient d’être relevé de ses fonctions de porte-parole ministériel. Au bout du rouleau, il pense que seule l’écriture d’un livre sur l’Histoire russe pourrait lui redonner le moral. C’est pourtant une toute autre histoire qu’il sera amené à écrire : celle de Philomena Lee, une vieille dame irlandaise à la retraite, qui n’arrive pas à oublier son fils Anthony, né cinquante ans plus tôt. A l’époque, Philomena était tombée enceinte sans être mariée et avait été placée auprès des sœurs du couvent de Roscrea. Elle y avait accouché d’un petit garçon qu’elle n’avait pu voir que pendant ses rares heures de repos. A l’âge de trois ans, Anthony avait été adopté, sans que sa mère biologique ne sache ce qu’il était devenu depuis. Grâce au travail de Sixsmith, elle retrouve sa trace aux Etats-Unis.

Critique de Tootpadu

Un snob désabusé contre une vieille au cœur en or, les foudres du cynisme agnostique contre une piété immaculée qui pardonne même les pires abus : le cinéma de Stephen Frears ne s’encombre normalement pas avec des antagonismes au potentiel caricatural si élevé. Heureusement pour nous, son savoir-faire cinématographique nous épargne tout débordement dans ce film, qui est au fond la création de Steve Coogan, plus sobre ici que dans ses collaborations avec Michael Winterbottom, qui cumule les casquettes d’acteur, de scénariste et de producteur. La touche de Frears se fait cependant sentir dans l’élégance de la narration, probablement trop sophistiquée pour une histoire qui enchaîne les sujets de société sans en approfondir aucun.

Ce n’est pas un fils que la vieille dame est partie chercher en Amérique, mais une antithèse abstraite de sa propre existence. Nous n’en savons pas assez sur ce personnage empreint de miséricorde pour y voir autre chose que le cliché ambulant de la grand-mère un peu gâteuse, animée d’un seul et dernier désir avant de mourir tranquillement. Judi Dench fait de son mieux pour y apporter un peu de spleen attachant, mais ce n’est pas de ce côté-ci de l’intrigue que les pieds d’argile de la prémisse gagneront en vivacité. Les traits de son pendant sont déjà plus finement ciselés, lui qui ne croit même plus en son propre narcissisme et qui fournit une mise en perspective joyeusement ironique de cette quête tardive.

Une recherche qui contient bien quelques aspects aventureux, mais qui se démarque autrement par une curieuse stérilité. Alors que Philomena ne demandera pas réparation pour les torts qu’elle a subis dans sa jeunesse, Sixsmith arrive au mieux à percer ponctuellement la carapace d’aigreur et de nonchalance derrière laquelle il se complaît. De même, les positions de l’église et d’un style de vie plus mondain ne sont nullement ébranlées au cours d’une histoire gentillette, qui ne changera pas notre conception du monde d’un iota. Cependant, Philomena nous gratifie d’un cadeau peut-être plus précieux que toute mise en question à l’exigence philosophique : l’espoir que dans la carrière inégale de Stephen Frears, nous avons désormais dépassé la vallée de la médiocrité de ses deux films précédents pour nous diriger, lentement mais sûrement, vers de nouveaux sommets cinématographiques.

 

Vu le 21 novembre 2013, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Depuis 1971 et son premier film Gunshoe, Stephen Frears a ainsi réalisé pour le cinéma une trentaine de films (sans compter les réalisations pour la télévision et les courts métrages) certains mineurs d’autres de véritables classiques indémodables (My beautiful laundrette (1985), Les liaisons dangereuses (1985), The Snapper (1993), High Fidelity (2000)). Son nouveau film est inspirée d’une histoire vraie et est l’adaptation du livre de Martin Sixsmith Philomena: The True Story of a Mother and the Son She Had to Give Away. Le scénario est co-signé par l’acteur Steve Coogan (qui interprète cet écrivain)  et  Jeff Pope. 

Après les quelque peu décevants Tamara Drewe (2010), Lady Vegas – mémoire d’une joueuse (2012), on retrouve enfin le grand réalisateur qu’est Stephen Frears. Très inspiré par cette histoire il nous livre le portrait de deux personnes meurtris par le passé soit un journaliste désabusé et surtout une vieille femme dont l’enfant lui a été retiré alors qu’elle n’était encore qu’adolescente. Ce personnage Philomena Lee est magnifiquement interprété par Judi Dench. Aussi à l’aise sur les planches des plus réputés théâtres d’Angleterre que dans des films commerciaux de qualité (Skyfall (2012), Indian Palace (2011)), Les Chroniques de Riddick (2004) …), elle livre ici une de ses meilleures interprétations.

Très loin de son personnage de M dans la saga James Bond, Judi Dench est magnifique par sa sobriété et par la classe typiquement anglaise de son personnage. Ses échanges avec le comédien Steve Coogan tire littéralement le film vers un climat aussi douloureux qu’ attendrissant. Nous sommes donc loin ici des comédies dramatiques américaines. Il n‘y aura ainsi pas d’happy ending mais plutôt la découverte d’une histoire intriguante, tragique et magnifique par sa candeur. Loin d’être un de ces films anglais d’auteur le plus souvent ennuyeux et pessimiste,  ce film est immédiatement accessible au public et sur la base d’une histoire sérieuse nous renvoie irrémédiablement à nos échecs passés. Entre cet arrogeant journaliste d’un milieu social aisée et cette vieille femme de la classe moyenne une étrange relation va se nouer et chacun apprendra de l’autre. On reconnaît par cela  le talent indéniable de Stephen Frears de nous livrer sur une histoire simple de grands portraits de personnages. L’enquête menée aussi bien en Irlande (Roscrea) qu’aux Etats-Unis (Washington).

Le film abordant également le thème de l’homosexualité via le fils mort du sida de Philomène et ayant fait une carrière politique honorable rompt le silence sur une période américaine guère flatteuse. Considéré comme une plaie au sein d’un mouvement politique, il est admirable de voir ce jeune fils retiré à sa mère se construire une vie et une carrière à la force de travail et de reconnaissance. C’est en cela aussi que l’on reconnaît la qualité d’un bon film en son apport de vouloir regarder la vérité en face. Sur plus d’une cinquantaine d’année Philomène recherchera son fils et l’ironie du sort veut que où commence sa recherche se termine également celle-ci.

Après avoir réalisé un magnifique portrait de la Reine Elizabeth II dans le film The Queen (2006) et donné à Helen Mirren l’un de ses meilleurs rôle, ce film à son tour dresse un très beau portrait d’une femme blessée par une erreur du passé et trouvant enfin une réponse à sa quête. Le film Philomena s’impose ainsi comme une réussite certes mineure d’un réalisateur intéressant et incontournable du cinéma britannique.

Vu le 10 décembre 2013, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Mulder: