Marche (La)

Marche (La)
Titre original:Marche (La)
Réalisateur:Nabil Ben Yadir
Sortie:Cinéma
Durée:125 minutes
Date:27 novembre 2013
Note:

En 1983, la France est secouée par une série sans fin de meurtres racistes. Activiste dans son quartier des Minguettes, Mohamed est blessé par balles lors d’une bavure policière. Une fois sorti de l’hôpital, il décide de prendre les choses en main, afin que la situation des siens s’améliore. Inspirés par l’exemple de Gandhi, le jeune homme et ses amis organisent une marche pacifique à travers la France, qui devrait arriver à Paris au bout de quelques semaines. Cette manifestation pour l’égalité et contre le racisme est soutenue par le prêtre Christian Dubois et quelques associations, qui accueillent les jeunes marcheurs au fil des étapes de leur périple. Malgré l’investissement des participants, la Marche peine au début à mobiliser les foules.

Critique de Tootpadu

Dans la France d’aujourd’hui, est-ce qu’il existe plus de Tony Montana ou de Gandhi ? D’un point de vue cinématographique, la question indirectement tirée du deuxième film du réalisateur belge Nabil Ben Yadir est d’ores et déjà tranchée : alors que plus personne ou presque ne parle de l’œuvre humanitaire sermonneuse de Richard Attenborough, le film de Brian De Palma vient de ressortir en salles et jouit a priori toujours d’une aura mythique dans certaines banlieues en manque de figures d’identification positives. Le constat social va hélas dans le même sens. Autant la marche d’il y a trente ans a donné des impulsions importantes pour pallier les dysfonctionnements les plus ahurissants de la société française – à peine croyables de nos jours où seuls les malfrats marseillais se font descendre sommairement –, autant la thématique de l’immigration et de l’intégration reste tabou dans le débat publique. Ce dernier est en fait marqué plus par la frilosité des porte-parole des bonnes intentions officielles que par une approche éventuellement radicale, qui crèverait l’abcès de cinquante ans de malaise culturel.

Le mythe de la France, terre d’asile et des droits de l’homme, ne fonctionne pas mieux actuellement, où l’ineptie de la majorité socialiste entraîne une montée de l’extrême droite, accueillie avec la tolérance démocratique nécessaire, mais surtout avec une complaisance médiatique écœurante, que lors des dernières convulsions de la mentalité coloniale. Sauf que la grogne ne s’exprime plus par des initiatives aussi naïves et porteuses d’espoir que ce pèlerinage civique, mais lors des émeutes cycliques dans les quartiers où l’injustice sociale se fait sentir au quotidien avec le plus d’urgence. La principale utilité de La Marche est donc de nous rappeler que la violence aveugle est peut-être la forme la plus spectaculaire d’exprimer un mécontentement cultivé au fil des générations opprimées, mais qu’il est en même temps possible de se faire entendre autrement : en criant haut et fort des valeurs républicaines qu’on a tendance à oublier dans le chaos du « chacun pour soi » des périodes de crise, comme celle que nous traversons présentement.

L’exploit étonnant du film consiste à trouver un point d’équilibre prodigieux entre la distance historique et une forte implication émotionnelle dans le combat de ces jeunes plein d’illusions. Le dynamisme du début des années 1980, lorsque la France s’était enfin réveillée de plusieurs décennies d’immobilisme conservateur, s’est forcément essoufflé depuis, en se transformant au gré des présidences purement administratives et des déceptions économiques et politiques en un état de léthargie généralisé, contre lequel personne ne paraît détenir un remède efficace. Or, le ton extrêmement positif du film nous permet néanmoins d’adhérer corps et âme au combat de ces enfants de l’immigration, qui manifestent leur ras-le-bol d’une façon quasiment improvisée. La mise en scène fait en même temps preuve d’une distance aussi juste que délicate quant aux succès timides que le mouvement remporte au fil du parcours. Ainsi, la musique de Stephen Warbeck a beau se lancer dans une euphorie tendancieuse au moment de l’annonce de la victoire suprême, obtenue à l’arrivée gare Montparnasse, la narration reste suffisamment en retrait pour nous signifier que le fait d’être reçu par le président de la république n’équivaut point à un changement de mentalité définitif.

Car au fond, ce film est le récit très touchant d’un échec. A long terme, pour toutes les raisons déjà évoquées, et à court terme, parce que Mohamed et ses amis ont dû attendre très longtemps avant que leurs revendications ne trouvent un écho auprès d’une France largement indifférente. Ce sont les doutes et les mises en question qui prévalent pendant la majeur partie du film, qui devient du coup une formidable chronique sur les difficultés de garder la foi en ses convictions face à une réaction neutre, voire hostile. Les rares maladresses de la narration, notamment autour de l’histoire du vol de la camionnette et le revirement un peu trop abrupt du rôle des personnages principaux, d’abord des parias illuminés et soudainement des héros nationaux, n’enlèvent enfin rien à la force émotionnelle du film. Son message essentiel serait que, avant de pouvoir prétendre à une vraie égalité des chances et des droits en France, le combat doit rester permanent, en marchant ou simplement en dénonçant les lacunes d’un système imparfait.

 

Vu le 13 novembre 2013, à l’Elysées Biarritz

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le cinéma n’a pas uniquement pour vocation de divertir mais peut également nous instruire et délivrer un message de paix et d’entraide raciale. En 1983, Toumi Djaidja (président de l’association Avenir Minguetttess) en voulant protéger un jeune d’un chien policier suite à des affrontements entre force de l’ordre et des jeunes déliquants de ce quartier se fait tirer dessus par un policier  (qui est propriétaire de ce chien). Aidé par le père Christian Delorme, curé des Minguettes et s’inspirant du mouvement pacifiste commencé par Gandhi notamment  il décide de mettre en place une longue marche pour l’égalité et contre le racisme (la marche des Beurs). De Lyon à Paris, cette marche a rassemblé plus de 100000 personnes à Paris le 3 décembre 1983. Cette marche marqua la création de l’association SOS Racisme avec Harlem Désir surfant ainsi avec l’attrait des média sur ce mouvement.

Faire un film trente ans  plus tard dans un tel contexte politique de crise économique où le front national n’a jamais été aussi populaire est une excellente initiative. En trente ans, certes les choses ont changé mais malheureusement pas assez. Les cités ghettos continuent à prospérer et l’immigration et l’insertion continuent à poser de gros soucis. On ne peut donc saluer l’excellente initiative du réalisateur et co-scénariste (avec Nadia Lakhdar) de ce film. Certes le résultat n’est pas parfait et le sur-jeu de Jamel Debbouze devient très vite lassant et entâche notre plaisir à suivre ces comédiens totalement en phase avec la thématique de ce film. Olivier Goumet, Nader Boussandel, Hafsia Herzi et surtout Charlotte Le Bon sont parfaits dans leur rôle. La présence de jeunes comédiens comme Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, M'Barek Belkouk est également un atout dans la réussite de ce film.

Curieux choix alors des scénaristes de changer les noms des personnages réels afin d’en tirer une fiction et ainsi enlever une part importante de crédibilité à cette histoire. Reste des personnages parfaitement construits dont les relations entre eux et leur point de vue différents apportent une valeur ajoutée non négligeable. Qui se souvient de cette marche de nos jours et de son importance historique pour beaucoup, pratiquement personne. C’est en cela que l’effort du réalisateur est louable et que nous ne pouvons que le soutenir. Même si il est regrettable actuellement que certains quartiers deviennent dangereux car non maîtrisés (on pourra prendre l’exemple de quartiers de la ville de Meaux comme La Pierre Collinet), il est important que de tels films existent et soient vus par le plus grand nombre. Ce film voguant perpétuellement être l’humour, la rancœur et l’émotion forte  montre que de jeunes réalisateurs peuvent nous apporter un nouveau regard sur nos cités et sur le mal- être qui y règne. Malgré de nombreuses maladresses, des fautes de rythme, le film atteint son objectif de nous instruire, de nous émouvoir intelligemment et de réveiller notre conscience.

Vu le 03 décembre 2013 au Gaumont Opéra (côté Français), Salle 07, en VO

Note de Mulder: