Un château en Italie

Un château en Italie
Titre original:Un château en Italie
Réalisateur:Valeria Bruni Tedeschi
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:30 octobre 2013
Note:

Louise se cherche. Célibataire et sans enfants, la quarantenaire a abandonné sa carrière d’actrice pour se consacrer à sa vie. En chemin pour la gare après une retraite dans un monastère, elle fait la connaissance de Nathan, plus jeune qu’elle et lui aussi un acteur en pleine crise existentielle. Tandis que Louise ne sait pas quoi faire de ce prétendant, il la retrouve chez elle à Paris, une fois qu’elle est revenue d’une réunion en Italie qui était censée apporter une décision quant à l’avenir du château familial. Ils commencent une relation, mais leurs opinions divergentes dans des questions essentielles et les nombreuses distractions de Louise risquent de les séparer tôt ou tard.

Critique de Tootpadu

En tant qu’actrice, Valeria Bruni Tedeschi a tendance à nous insupporter parfois ou, pour dire la vérité, souvent. Le personnage qu’elle s’est créé d’une façon quasiment exclusive, cette femme horriblement paumée et veule qui vague dans sa propre névrose sans jamais retrouver la voie du salut vers un rapport plus pragmatique à la réalité, l’enferme dans un registre de rôles excessivement réducteur. En tant que réalisatrice, c’est par contre tout le contraire, puisqu’elle sait justement interroger avec intelligence et finesse ce personnage caricatural. Alors que son jeu chez d’autres réalisateurs est toujours très distant et absorbé dans des méandres psychologiques, où l’on n’aime guère la suivre puisqu’on en connaît déjà pertinemment l’issue, qui est la même de film en film, Valeria Bruni Tedeschi sait davantage mettre au défi sa complaisance de comédienne lorsqu’elle se dirige elle-même. L’état d’esprit de son personnage ne change pas, mais le scénario ne se gêne pas pour le bousculer dans ses habitudes, une entreprise d’interrogation et de mise en abîme indirecte à laquelle la narration participe pleinement.

Et puis, le talent visuel de la réalisatrice est indéniable. Il suffit de regarder les premières minutes d’Un château en Italie pour s’en rendre compte, pendant lesquelles l’ironie du ton cohabite magistralement avec un regard plein de poésie, posé sur ces décors magnifiques – le monastère, la forêt, le château – et les personnages un peu perdus qui les remplissent à peine. En même temps, la réalisatrice a gagné suffisamment en maturité pour ne plus vouloir forcer ou provoquer les choses. Louise a beau courir après la maternité et l’utopie d’une vie épanouie, le récit ne lui donne pas forcément raison. Il s’emploie davantage à indiquer subtilement que l’existence humaine, ce sont toutes ces petites choses qui arrivent pendant qu’on vise d’autres buts. Le cas du personnage principal n’est alors pas forcément représentatif, puisque au moins deux de ses compagnons de route, son frère et l’ami d’enfance, ont déjà quitté la course pour la survie, volontairement ou pas.

Ce n’est pourtant pas le pessimisme qui prévaut dans ce beau film touchant, mais une mélancolie empreinte de résignation, comme si Valeria Bruni Tedeschi n’était point dupe des frasques de son alter ego, tout en lui laissant le bénéfice du doute de la gestion bordélique de son quotidien. Car dans toute son assurance formelle, le film laisse une place de choix à l’imperfection, tel ce cycle des saisons qui devrait rythmer l’histoire et qui reste pourtant incomplet. Il en résulte l’œuvre sans doute la plus aboutie de sa réalisatrice, un sourd cri d’amour qui est assez lucide pour ne pas se faire d’illusions romantiques.

 

Vu le 31 octobre 2013, au Majestic Bastille, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: