9 mois ferme

9 mois ferme
Titre original:9 mois ferme
Réalisateur:Albert Dupontel
Sortie:Cinéma
Durée:82 minutes
Date:16 octobre 2013
Note:

Ariane Felder ne vit que pour son travail. Depuis quinze ans, elle passe au moins dix heures par jour au Palais de Justice de Paris, où elle est juge d’instruction. Aucune vie privée ne vient perturber son ambition professionnelle, même pas l’irruption dans son petit bureau de ses confrères qui fêtent ensemble le jour de l’an. Six mois plus tard, Ariane a des nausées et découvre avec stupeur qu’elle est enceinte. Puisque la grossesse est déjà bien avancée, impossible d’avorter. Commence alors pour la future mère la quête effrénée du père, qu’elle croit d’abord être un autre juge très ringard. La vérité, dévoilée grâce à un test génétique, est encore plus ahurissante : le père serait Bob Nolan, un cambrioleur invétéré et criminel très dangereux !

Critique de Tootpadu

Ces derniers temps, les comédies de grossesse étaient la chasse gardée du cinéma hollywoodien en général, et de la bande autour du réalisateur et scénariste Judd Apatow en particulier. Cette emprise exclusive s’est traduit par un ton puéril et vulgaire, à l’image de l’humour immature qui dicte hélas les grandes lignes de la comédie américaine actuelle. Pour quiconque connaît un peu la démarche iconoclaste de Albert Dupontel, dont l’univers est désormais riche de cinq films, son traitement du sujet n’allait pas faire dans la dentelle souillée, mais inoffensive. 9 mois ferme est au contraire d’une finesse de trait, qui sait admirablement canaliser, par le biais de l’ironie, la folie inhérente aux personnages et aux situations dans lesquelles ils se trouvent, le plus souvent malgré eux. Cette noirceur pleinement assumée aboutira à un divertissement de haut vol, ébouriffant et en même temps investi d’un naturel désarmant, qui est tout à l’honneur de son créateur.

Les extrêmes caricaturaux du couple mal assorti au cœur de l’histoire – d’un côté une carriériste quasiment hystérique et en tout cas frigide et de l’autre un petit minable débile et taré – s’entrechoquent avec une aisance comique à laquelle seuls les maîtres du genre peuvent prétendre. Les moments hilarants ne manquent en effet nullement au fil d’un récit agréablement économe et succinct, qui sait parfaitement cibler l’impact de ses piques irrévérencieuses. Ainsi, la brutalité habituelle du style Dupontel, qui avait effrayé la chronique du cinéma français dès son premier personnage barbare il y a dix-sept ans, Bernie, reste presque en retrait, pour finalement jaillir de nulle part et nous réserver les séquences les plus jubilatoires, comme la théorie accidentelle du crime dont Bob Nolan est accusé. La narration excelle en effet dans la surenchère savante du délire des personnages, particulièrement dans le domaine des répliques et autres jeux de mots savoureux, tout en atteignant un équilibre parfait entre cette folie maîtrisée et un cadre social des plus contraignants.

Légère et fraîche, cette comédie hautement divertissante aurait facilement pu se passer des tentatives de virtuosité formelle à laquelle Albert Dupontel s’essaye avec un succès mitigé. Que ce soit le long plan d’ouverture ou celui, pas moins alambiqué, de l’ellipse temporelle qui est censée symboliser les dernières étapes de la grossesse avant le fameux neuvième mois, ces envolées visuelles n’apportent en fin de compte pas grand-chose à un film, qui vit principalement de son approche libérée de toute entrave de bienséance et de logique, et pourtant très simple, d’une prémisse joliment abracadabrante.

 

Vu le 9 octobre 2013, au Forum des Images, Auditorium

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Tout d'abord, nous remercions le club 300 de notre confrère Allociné de nous avoir permis d'assister à cette projection de presse. Vous pourrez retrouver des information sur ce film sur leur site ici.

C'est après avoir découvert l’excellent documentaire de Raymond Depardon, 10e chambre – Instants d'audience (2004) que l’auteur Albert Dupontel (scénariste et réalisateur) eut l’idée de départ de son cinquième film et à ce jour son plus réussi et son chef d‘oeuvre.  Ce réalisateur est ainsi l’un des seuls en France à réussir à montrer une œuvre de qualité à son image, c'est-à-dire personnelle, géniale, humble et pleine de poésie et trouvailles visuelles. Nous sommes donc très loin de ces comédies niaises, sirupeuses et vulgaires aussi bien françaises qu’américaines qui sont projetées régulièrement  sur nos grands écrans.

Dès son premier film Bernie en 1996, Albert Dupontel a crée un univers propre à lui tel Charlie Chaplin dont l’esprit est omniprésent tout au long de son cinquième film de sa carrière de comédien. Aussi à l’aise en tant que comédien dramatique (La maladie de Sachs, Le convoyeur, Fauteuils d’orchestre, irréversible, deux jours à tuer, La proie..) que comédien comique (Serial Lover, Monique..) il n’est jamais meilleur que dans son propre univers. Tels les grands metteurs en scène anglais et américains actuels dont Albert Dupontel entretient une certaine légitimité comme Terry Gilliam, il est l’un des rares à avoir une indépendance créatrice totale envers ses films. Tel un artisan, ses films dégagent un véritablement talent de directeur d’acteurs mais aussi de réalisateur. En voyant 9 mois ferme, il est impossible de ne pas être ému ou secoué par son personnage de Charlot des temps modernes se battant perpétuellement contre son environnement. Le personnage de Bob est un personnage qui semble lui coller parfaitement à la peau. Non pas qu’il soit comme lui une victime du système (son personnage a dû apprendre à ne compter que sur lui-même) mais plutôt qu’il y a derrière sa carapace un être droit, travailleur et surtout appréciant le travail parfaitement fait. En voyant son film, il est également impossible de ne pas penser au détour d’une scène (vers la fin) au personnage de Forrest Gump.

La parabole entre le thème principal qui traite de la grossesse problématique n’est pas un thème nouveau car repris par la machine hollywoodienne mais son approche ici diffère par une écriture inspirée, des scènes cocasses et irrésistibles et surtout cas rare par une interprétation quasi parfaite  dans ce genre de film. Sandrine Kiberlain telle une poupée manipulée par Le créateur se donne corps et âme dans chaque scène de ce film. Le couple mal assorti qu’elle forme malgré elle avec ce vilain malfaiteur guère désiré est des plus efficaces. Le casting n’est pas en reste avec une excellente composition de Nicolas Marié en mode Bègue mais aussi la bande d’acolyte de Dupontel qu’il a réussi à embringuer dans son film (Yolande Moreau, Jan Kounen, Gaspar Noé, Philippe Duquesne). On retrouve même en clin d’œil évident au documentaire de Depardon la vraie juge Michelle Bernard-Requin.

Je n’avais jamais aussi ri en découvrant un film au cinéma depuis si longtemps. Le réalisateur que l’on sait et sent très grand cinéphile nous livre une véritable œuvre comique sur un sujet grave digne de l’œuvre de Tex Avery et des grands comiques disparus mais encore présents dans nos mémoires. Face à une telle inventivité permanente, nous ne pouvons qu’applaudir ce talent véritable, cette audace permanente qu’est Albert Dupontel. Son nouveau film est donc une réussite artistique que publique à entendre les très longs applaudissements à la fin du film. 

Enfin, ce film qui est l’un de mes dix préférés de l’année m’aura aussi permis de découvrir un grand acteur et réalisateur qui ne cherche pas forcément à courir après le succès mais plutôt à proposer une vraie œuvre à son image et parfaitement maîtrisée. Avec autant de qualités dans une si courte durée, je ne peux que conclure à la réussite exemplaire de ce film qui est à voir et revoir. A ce jour la meilleure comédie de l’année…

Vu le 9 octobre 2013, au Forum des Images, Auditorium

Note de Mulder: