Titre original: | Ma vie avec Liberace |
Réalisateur: | Steven Soderbergh |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 119 minutes |
Date: | 18 septembre 2013 |
Note: |
En 1977, le jeune Scott Thorson voit pour la première fois un spectacle de Liberace, le pianiste flamboyant, à Las Vegas. Admis en coulisses grâce à son ami Bob, Scott y rencontre la vedette vieillissante, qui ne tarde pas à être séduite par ce jeune et bel homme. Liberace invite Scott chez lui et finit par en faire son confident, homme à tout faire, amant et fils de substitution. Leur relation orageuse durera cinq ans, pendant lesquelles Scott se mettra entièrement au service de l’artiste célèbre, qui cache soigneusement son homosexualité à ses nombreux fans.
Ma vie avec Liberace est un pari osé et amplement gagné par Steven Soderbergh. Sur un sujet refusé par les grands studios hollywoodiens, seule une chaine du câble américain HBO via son studio de production a relevé le défi proposé par Steven Soderbergh d’adapter le livre de Scott Thorson Derrière le Candélabre (titre américain du film). Le film traite donc de la relation personnelle entre l’un des plus grands pianistes américains Wladziu Valentino Liberace et un vétérinaire Scott Thorson. Cette relation a duré cinq années et fut des plus chaotiques.
De 1950 à 1970, Wladziu Valentino Liberace mieux connu sous son nom de musical-Hall Liberace fut l’un des plus populaires artistes américains. Il jouait à guichet fermé et affichait son exubérance aux yeux du monde tout en cachant son homosexualité. Dans les années 1970 et 1980, il se produisait notamment à Las Vegas, au Hilton Hotel. Steven Soderbergh étant l’un de ses fans voulait lui rendre hommage à sa manière tout en montrant réellement qui se cachait derrière cette bête de scène. Il voulait ainsi montrer la réelle personnalité de cet artiste hors norme. En effet, seule l’orientation sexuelle de Liberace était connue par ses proches amis et collègues alors que son public ne voyait qu’en son excentricité son image d’artiste. Même quand en 1965 le quotidien britannique Daily Mirror publia ouvertement qu’il était homosexuel, il les attaqua pour diffamation et reçut des dommages et intérêts importants. En effet, il savait que pour son public, il ne devait pas apparaître sous son véritable jour pour ne pas choquer l’opinion public et donc perdre ses nombreux fans.
L’approche de Steven Soderbergh du monde des artistes est perçue comme celle d’un documentaire très fouillé. Sa caméra ainsi montre le devant et le derrière de la scène sans aucune retenue. Certes, son film est choquant par plusieurs scènes plutôt assez osées mais le réalisateur a au moins le mérite de ne pas travestir la réalité. Son film a ainsi le mérite de reposer sur des bases solides. L’excellent scénario de Richard LaGravenese (Sur la route de Madison, l’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, De l’eau pour les éléphants..) témoigne d’une qualité rare surtout pour un film destiné à une chaîne de télévision américaine. Certes HBO est réputée pour ses séries de qualité (Entourage, Les Soprano, Rome, Le trône de fer, Boardwalk Empire…) mais elle n’aurait pu imaginer un seul instant qu’avec un film au sujet si troublant elle allait obtenir sa meilleure audience depuis le film La création de Dieu Joseph Sargent en 2004 (3.5 millions de téléspectateurs). Cet excellent score enregistré permis à ce film de se voir distribuer en salles dans plusieurs pays comme la France.
L’attrait principal du film tient aussi à son casting et aux deux acteurs principaux. Michael Douglas et Matt Damon sont tout simplement impressionnants dans leurs rôles respectifs. De leur connivence que l’on sent réelle devant comme derrière la caméra se dégage une réelle émotion. Ces deux acteurs ont pris un risque certain à casser leur image virile (encore plus Matt Damon comme l’a expliqué Michael Douglas dans la conférence de presse que vous pouvez lire sur notre site). On ne peut donc que saluer l’extraordinaire performance de Michael Douglas récompensé récemment par un Emmy Awards comme meilleur acteur dans un téléfilm. Les deux acteurs ont ainsi donné une confiance aveugle au réalisateur avec lequel ils ont déjà travaillé à plusieurs reprises pour se donner pleinement dans leur interprétation. C’est en cela que l’on reconnaît d’immenses comédiens. Malgré qu’ils appartiennent à deux générations distinctes, leur passion pour leur métier leur permet de ne pas chercher constamment à obtenir les meilleurs salaires mais au contraire à se construire une véritable carrière dans et surtout en dehors du circuit Hollywoodien.
Steven Sorderbergh a ainsi réussi à nous proposer un film fort et acclamé par nos chers confrères tout comme nous. Les trois Emmy remporté le 22 septembre dernier (meilleur téléfilm, meilleur acteur et meilleur réalisateur) sont amplement mérités et sont surtout un signe que la séparation entre les films pour le cinéma et ceux pour la télévision n’est plus aussi étendue qu’elle l’était.
Vu le 20 septembre 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 10, en VF
Note de Mulder:
On se rencontre. On s’aime. Et puis, on se quitte. En dehors du fait qu’il s’agit de deux hommes et que l’un d’entre eux fait preuve d’un style de vie pour le moins excentrique, le nouveau film de Steven Soderbergh, en compétition au dernier festival de Cannes et produit à la base pour la télévision américaine, suit stoïquement les étapes classiques d’une aventure romantique sur fond de biographie de célébrité. C’est d’ailleurs la sobriété presque cartésienne du réalisateur qui nous épargne tout excès mélodramatique au fil d’une histoire haute en couleur. Aussi prolifique Steven Soderbergh soit-il, sa démarche de touche-à-tout n’aboutit guère à une réinvention des genres au sein desquels il s’amuse. Ainsi, Ma vie avec Liberace ne s’affranchit jamais tout à fait des conventions pesantes de la biographie filmique, en dépit du décalage de point de vue – c’est l’amant manipulé qui nous conte l’histoire –, dès lors situé quelque part entre le règlement de compte d’un dépité de l’amour et la mélancolie d’une époque flamboyante, irrémédiablement révolue.
Pour peu qu’il soit connu en dehors des Etats-Unis, Liberace l’est avant tout pour ses spectacles extravagants. Ce n’était sans doute pas un grand artiste, mais un homme qui savait procurer un divertissement entièrement conscient de l’artifice à un public très demandeur de l’illusion de strass et de paillettes. Curieusement, il n’a jamais vraiment su puiser dans le réservoir à l’époque grandissant de la culture gaie, préférant au contraire se borner à l’image inventée de A à Z du gendre idéal, chouchouté par ses innombrables fans féminins d’un certain âge. Si la mort précoce due au sida ne l’avait pas remporté à la fin des années 1980, il aurait probablement sombré de plus en plus dans le purgatoire de la ringardise et de la peur de vieillir, tel une copie lamentable de Frank Sinatra qui ne savait pas non plus décrocher des feux de la rampe à ce moment-là.
Or, l’aspect public de la vie de Liberace intéresse en fin de compte très peu ce film. Il fouille davantage dans le linge sale d’une icône typiquement américaine, qui menait une double vie à compartiments parfaitement étanches. Puisqu’il n’y a rien de particulièrement reluisant à tirer de ses frasques sexuelles, le scénario se contente d’évoquer sa relation avec son amant préféré en des termes bizarrement plutôt anodins. Là où un couple hétéro réfléchirait à une famille à fonder et par conséquent aux enfants à avoir, ce précurseur honteux du mariage pour tous évite les obstacles légaux en pratiquant une forme détournée de l’adoption, tout en se faisant des cadeaux curieux de chirurgie esthétique, c’est-à-dire le parfait prolongement de l’implant pénien qui assurerait des prouesses sexuelles à répétition sans trop se fatiguer.
En tant que regard derrière les coulisses d’une machine à fric dans le domaine du divertissement à l’américaine, le film remplit amplement son contrat. Il nous déçoit par contre légèrement du côté de son contexte gai, bien sûr plus confidentiel et ostracisé que de nos jours, mais néanmoins capable de s’épanouir dans les limites de la résidence au goût douteux de Liberace. Faute de prendre une position militante à ce sujet, la narration reste en quelque sorte écartelée entre le refus persistant de céder à l’excès propre au personnage adulé et justement le caractère essentiel que cette démesure écœurante retient pour une meilleure compréhension de cette figure mi-pathétique, mi-tragique.
Vu le 15 octobre 2013, au MK2 Quai de Seine, Salle 5, en VO
Note de Tootpadu: