Titre original: | Vandal |
Réalisateur: | Hélier Cisterne |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 85 minutes |
Date: | 09 octobre 2013 |
Note: |
Après une récidive, le jeune Chérif n’a d’autre choix que de quitter sa mère et son petit frère à Valence, afin de s’installer chez son oncle et sa tante à Strasbourg et d’y reprendre son CAP maçonnerie. Même si son père, qu’il n’a pas vu depuis le divorce de ses parents, habite près de là, Chérif n’a guère envie de renouer le contact avec lui. L’adolescent a du mal à trouver ses marques, jusqu’à ce que son cousin Thomas l’initie à l’univers clandestin des graffeurs.
Rien de bon n’arrive au protagoniste de ce premier film prometteur. Chérif est un adolescent ordinaire, qui a mal tourné longtemps avant que l’action de Vandal ne commence. Son délit se passe hors champs, sur la bande son pendant le générique, mais ce qui en est montré par la suite – le jeune homme au volant de la voiture « empruntée », qui tourne en rond à vive allure, en train de crier comme un fou – en dit long sur la volonté de cette tête brûlée d’exorciser ses rêves qui se transforment le plus souvent en frustrations. Car, malgré les apparences, Chérif n’est pas un fonceur. C’est au contraire un personnage étonnamment introverti, voire passif, dont le pas décisif vers l’âge adulte est la prise de conscience des conséquences que ses actes peuvent avoir.
Décrit comme cela, le récit pourrait donner l’impression d’être un énième drame d’écorchés à vif, à qui la vie ne fait pas de cadeau et qui se trouvent par conséquent sur la pente descendante vers le crime, la drogue, et toutes sortes d’autres culs-de-sac existentiels. A notre grande surprise, la narration de Hélier Cisterne respire pourtant pleinement la vie. Elle dégage une énergie et un optimisme, dont la plus grande prouesse formelle consiste à ne jamais sonner faux ou condescendant. Le personnage principal éprouve un mal considérable à trouver sa place, entre son double héritage culturel, son déracinement et un contexte professionnel et privé très propice aux embrouilles. Son parcours semé d’embûches n’invite cependant à aucun moment à l’apitoiement misérable, aussi parce que le scénario ne s’attarde nullement sur les stations successives d’une quête d’identification.
La désinvolture temporelle de la démarche du réalisateur envers cette histoire, qui aurait facilement pu s’embourber dans la suite à première vue répétitive des épreuves successives de Chérif, s’avère ainsi encore plus concluante que la sincérité du ton. Alors que les sauts dans le temps surviennent sans cesse, mais toujours dans une linéarité impeccable que l’on pourrait interpréter comme l’élan endiablé de ce jeune homme, qui sait instinctivement que ça ne lui servira à rien de revenir sur son passé et une enfance désormais en panne de tours de magie, nous ne nous sentons jamais perdus, mais au contraire propulsés aux côtés du personnage vers un avenir incertain. Cette structure dramatique rapiécée, quoique nullement désordonnée, instaure un climat d’imprévisibilité qui perdure jusqu’à la dernière séquence de ce beau film brut : toutes les options y restent ouvertes, de la plus tragique à la plus consensuelle, sous réserve que cette dernière constituerait quand même une sérieuse rupture de ton à l’issue d’un film qui privilégie un naturalisme pragmatique. Que Hélier Cisterne ait choisi une fin ouverte doucement poétique est tout à son honneur et à celui d’une première œuvre à la fois délicate et vigoureuse.
Vu le 10 septembre 2013, à la Salle Pathé Lincoln
Note de Tootpadu: