Snowpiercer Le Transperceneige

Snowpiercer Le Transperceneige
Titre original:Snowpiercer Le Transperceneige
Réalisateur:Bong Joon-ho
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:30 octobre 2013
Note:

En 2014, l’agent chimique CW7, censé enrayer le réchauffement climatique, est dispersé dans l’atmosphère terrestre. Le résultat est catastrophique, puisqu’il marque le début d’une nouvelle ère glaciale, tuant l’immense majorité de l’humanité. Dix-sept ans plus tard, les seuls survivants parcourent la planète à bord d’un long train hyper-sophistiqué, le Transperceneige. A l’arrière du train se trouvent les pauvres, entassés comme des bêtes et à la merci de Wilford, le dirigeant de la machine sacrée en tête qui assure la propulsion du train. Parmi eux, Curtis rêve de rébellion et de remonter vers les classes aisées pour instaurer un système plus égalitaire.

Critique de Tootpadu

A l’image du train qui lui donne son titre, le premier film international du réalisateur coréen Bong Joon-ho avance à toute vitesse, sans jamais s’arrêter. Le rythme endiablé avec lequel cette arche de Noé sur rails progresse se répercute en effet sur la narration prodigieuse d’une aventure de science-fiction, que l’on pourrait aisément interpréter comme une allégorie sur une humanité qui court à sa perte. L’échange incessant et parfaitement maîtrisé entre les ressorts les plus efficaces de l’action et d’innombrables pistes de réflexion sur notre civilisation et ses lacunes font de ce petit chef-d’œuvre le croisement immaculé entre le faste fantastique du cinéma de Jean-Pierre Jeunet et les ambitions philosophiques de l’univers de Matrix, avant qu’elles ne s’enlisent dans des préceptes nébuleux au fil de la trilogie. Snowpiercer Le Transperceneige est l’exemple hélas rarissime d’un film de genre, qui transcende avec panache les règles restrictives de la science-fiction pour inviter le spectateur à une expédition cinématographique à la fois diablement divertissante dans la forme et profondément lucide dans le fond.

Derrière ses faux airs d’aventure apocalyptique, le cinquième film de Bong Joon-ho est un formidable traité sur la vie en communauté, et plus précisément sur le cycle délicat des rêves et des désillusions qui la gouverne. L’accomplissement du destin de chacun des personnages y est systématiquement contrecarré par la lecture plus subversive en filigrane de ce qui paraît d’abord comme une croisade vertueuse contre l’injustice d’une pyramide sociale très proche de la nôtre. La naissance d’un héros malgré lui s’y opère au prix de maintes défaites et d’un détachement de plus en plus prononcé des valeurs qui étaient à l’origine du périple, au fur et à mesure que les rebelles franchissent les wagons successifs. La complexité des motivations s’accentue dès que Curtis et son commando pénètrent dans la partie préservée du train, une succession quasiment hallucinogène d’univers plus artificiels les uns que les autres. A l’insalubrité de leurs dortoirs de troisième classe en queue du train répond alors la séparation en compartiments distincts d’une minorité de parasites privilégiés, équipée de toutes les chimères que le luxe matériel nous présente comme le but suprême à atteindre.

Le scénario hautement vigoureux ne ménage pourtant pas ses efforts pour nous rappeler à intervalles réguliers que l’odyssée onéreuse en vies humaines n’aura nullement valu la peine, si elle n’atteint pas la tête du monstre : le centre nerveux mystérieux d’où émane l’idéologie qui fait tant soit peu fonctionner ce microcosme précaire. Après avoir franchi les étapes les plus sanglantes de la répression, à savoir les garde-fous d’une force de répression ordinaire, dont on peut trouver de nombreuses conjugaisons dans notre monde actuel, à commencer par les barrières à l’immigration pour maintenir le statu quo économique des pays riches, les rares rescapés du massacre se retrouvent, comme un poisson hors de l’eau, dans une succession onirique d’univers improbables. Mais leur quête est encore loin de s’arrêter, puisqu’elle se poursuit, magnifiquement rythmée, jusqu’à une conclusion au moins aussi doucement absurde que ne l’était la prémisse de cette adaptation magistrale de la bande dessinée de Jacques Lob, Benjamin Legrand, et Jean-Marc Rochette.

Enfin, notre enthousiasme à l’égard de l’aspect technique et narratif d’un film sans aucune fausse note monte encore d’un cran grâce à l’interprétation faramineuse de Tilda Swinton. Dans le rôle de l’agent Mason, elle personnifie admirablement la face caricaturale du système, son aspect le plus excessif, voire hystérique en termes de nihilisme et de fanatisme, qui sert en même temps de soupape à la tension que la mise en scène orchestre sans relâche. Bien que l’on rie plusieurs fois de ce monstre faussement sophistiqué, c’est peut-être elle le symbole le plus effrayant d’un monde figé, par nécessité ou par choix, dans des convictions éprouvées, mais pas pour autant moins cruelles.

 

Vu le 7 septembre 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

De ce 39ème festival du cinéma américain de Deauville, notre rédaction s’accorde réellement à dire que notre film préféré est Snowpiercer, le transperceneige. Ce film est un des meilleurs films de science-fiction vu au cinéma depuis très longtemps. Dès sa  première vision, il s’impose comme le digne successeur des films de science-fiction devenus cultes comme Blade Runner de Ridley Scott et Soleil vert de Richard Fleischer.

Avant d’être un film hors norme et que l’on peut d’ores et déjà considérer comme une réussite exemplaire, Le Transperceneige fut une bande dessinée française de science-fiction française en noir et blanc créée par Jacques Lob (scénario) et Jean-Marc Rochette (dessin). C’est en rentrant dans une boutique de bandes dessinées dans le quartier de ongik (Hongdae) à Séoul que le réalisateur découvre celle-ci. Il fallait un visionnaire pour donner vie à un tel film et y apporte un vent nouveau. Bong Joon Ho qui signe ici son premier film en anglais s’était fait connaître par le film policier Memories of Murder et surtout l’excellent film fantastique The Host en 2006. Son nouveau film est une coproduction Corée du Sud, Etats-Unis et France. Le film que nous avons pu découvrir en avant-première mondiale est la version internationale du film. En effet, la version américaine chapeautée par The Weinsten Company a été réduite de vingt minutes et s’est vue ajouter une voix off dans le but d’américaniser ce film.

Le pari était très risqué de faire un film se passant uniquement dans un train et ce pendant à peu près deux heures. Mais le réalisateur et scénariste (secondé dans l’écriture du script de Kelly Masterson) arrive à transcender et à s’approprier la bande dessinée pour n’en garder que les grande lignes et l’ambiance. Loin de recourir à des effets spéciaux inutiles, le réalisateur préfère resserrer toute son attention sur ses personnages principaux. Ainsi, les personnages de Curtis (Chris Evans), Namgoog Minsu (Song Kang-Ho) et Yona (Ko Ah-Sung) vont devoir apprendre à s’estimer et à s’entraider afin de pouvoir remonter du dernier wagon au premier tout en traversant différents wagons dans lesquels les pires dangers les attendent.  Ce train est en effet le seul endroit sur terre où la race humaine est encore vivante.  Le réalisateur n’hésite donc pas à faire de ce moyen de transport le reflet d’une société agonisante et en perte de repères moraux. Ce film témoigne à chacune de ses scènes d’une inventivité constante et surtout redonne à la science-fiction ses titres de noblesse. Il faut en effet remonter en 2006 au film Les Fils de l’homme de Alfonso Cuaron pour avoir une œuvre d’anticipation aussi percutante. 

Bong Joon Ho a ainsi son propre langage visuel pour raconter une histoire et s’appuie sur une direction d’acteurs acquise totalement à sa cause. Il faut ainsi voir dans ce film le soin apporté aux nombreux seconds rôles tels les personnages de Mason (oscarisable Tilda Swinton), Edgarg (Jamie Bell), Gilliam (John Hurt) et Wilford (Ed Harris). Ce film qui est non seulement une réussite scénaristique, visuelle et dramaturgique permettra à un plus grand public de connaître l’un des plus grands réalisateurs actuels dont nous attendons avec impatience le nouveau film.

Vu le 7 septembre 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Mulder: