All is lost

All is lost
Titre original:All is lost
Réalisateur:J.C. Chandor
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:11 décembre 2013
Note:

Au large de l’île de Sumatra, le petit voilier d’un homme seul fait une rencontre malencontreuse avec un container abandonné. Dès lors, notre homme et son bateau sont à la dérive, sans espoir de croiser âme qui vive.

Critique de Tootpadu

Un vieil homme et la mer, c’est tout ce qu’il faut au réalisateur J.C. Chandor pour réussir son deuxième film de suite. Le scénario de cette lutte acharnée pour la survie est en effet des plus simples, puisqu’il montre exclusivement le protagoniste en train de s’accommoder de la dégradation continuelle de ses chances de s’en sortir. Très peu de paroles et une voix off uniquement employée au début du film garantissent ainsi une immersion totale dans cet étau cruel de la solitude et de l’optimisme qui s’amenuise avec chaque nouveau contretemps. Nul besoin d’en savoir plus sur cet homme condamné d’avance que cet aveu initial, qui le campe en tant qu’individu faillible, mais conscient de ses imperfections. Après, tout ce qui compte, c’est sa volonté d’explorer les moindres techniques pour se soustraire à une mort certaine en pleine mer. Aucune sublimation poétique du périple ici, comme cela a pu être le cas récemment dans L’Odyssée de Pi de Ang Lee, puisque le récit est d’une sobriété qui décuple encore l’intensité du ton.

La prémisse mise à part – cette collision étrange au milieu de nulle part entre un container et le voilier – aucun élément du film ne sort de l’ordinaire. Les prouesses, l’inventivité et la dextérité du protagoniste répondent à des obstacles qui sont inhérents à la vie sur l’eau. Cet environnement hostile à l’homme viendra toujours à bout des technologies de survie les plus sophistiquées et des râteaux équipés de tous les gadgets imaginables. Car au bout du compte, l’épuisement et la désorientation viendront abattre les défenses artificielles, pour laisser l’homme seul face à son sort, une nature féroce et impitoyable. Il n’y a aucun état d’âme à avoir dans une situation pareille, juste la détermination de faire de son mieux et de réaliser ainsi d’une façon fort détournée le rêve américain de l’égalité des chances.

L’application de Robert Redford dans le seul et unique rôle du film est simplement stupéfiante. Forcément taciturne et très tôt conscient de la probabilité faible d’arriver à bon port, son personnage est peut-être le plus pur des héros : il ne s’apitoie pas sur sa malchance et reste toujours alerte, sans s’enthousiasmer ni sombrer dans la dépression, en fonction des effets extérieurs qui influent sur son état et celui du bateau. La dégradation physique au fil du temps reflète la mise à nue au figuré d’un homme qui lutte sans relâche. C’est aussi parce que la mise en scène étire subtilement le calvaire sur la durée, au rythme d’un revers après l’autre, que la vigueur passionnante du ton ne nous lâche à aucun moment.

 

Vu le 5 septembre 2013, au Casino, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

En 2011, le festival du cinéma américain de Deauville nous avait donné un gros uppercut en nous présentant le premier film écrit réalisé par J.C Chandor Margin call. Son premier film nous présentait une vision de Wall Street très réaliste et nous livrait une vision très noire des traders capable de tout pour sauver leur peau et intérêt d’un crash certain. Il s’appuyait déjà à l’époque sur un brillant script et sur un casting magistral (Kevin Spacey, Jeremy Irons, Simon Baker, Mary McDonnell..). De son premier film, il en a gardé un sens affiné du suspens et une direction affutée des acteurs. Certes, son second film s’apparente plus à une expérience intense qu’à un thriller économique.

Pour son second film, il prend le pari risqué de faire reposer tout le film sur l’opposition entre un dur milieu marin et un grand navigateur contraint de lutter pour sa survie. Cette expérience intense cinématographique est d’une force et économie rare. Force car le film témoigne du courage exemplaire d’un homme pour sa survie et se dépassant au fur et à mesure que le danger devient oppressant. Economie rare car peu de dialogues dans ce film mais une intensité palpable par le regard du personnage principal, sa manière de bouger et surtout par sa présence.

Pour incarner un tel personnage,  le réalisateur a pu s’appuyer sur l’interprétation solide de Robert Redford. Le combat de son personnage contre ce milieu hostile nous renvoie à celui que mène cet acteur contre le système Hollywoodien actuel pour défendre le cinéma indépendant. Robert Redford est l’un des derniers grands acteurs de l’ancien Hollywood où les grands studios osaient encore faire de grands films et faire avancer l’industrie cinématographique. Il ne pouvait donc pas trouver de meilleur rôle lui collant aussi bien à la peau et dans lequel il pouvait exprimer toute son expérience d’acteur vétéran. 

All is lost nous renvoie donc à un combat titanesque entre une nature hostile et un homme âgé et résigné. Ce film certes pouvant décevoir certains par son manque de dialogues nous montre surtout à quel point le montage sonore d’un film occupe une place importante dans sa réussite.

Nous attendons donc de pieds fermes le prochain film de ce brillant scénariste et réalisateur

Vu le 4 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: