Majordome (Le)

Majordome (Le)
Titre original:Majordome (Le)
Réalisateur:Lee Daniels
Sortie:Cinéma
Durée:132 minutes
Date:11 septembre 2013
Note:

La vie de Cecil Gaines, le majordome au service de sept présidents à la Maison Blanche pendant plus de trente ans. Issu du milieu pauvre des travailleurs sur les plantations de coton du sud des Etats-Unis, Cecil Gaines obtient le poste le plus prestigieux parmi les serviteurs noirs, à force de savoir se rendre invisible aux yeux de ses employeurs blancs. Mais cette ascension sociale se fait au prix de longues heures passées au travail, ce qui rend la vie privée de Cecil plus que conflictuelle. Sa femme Gloria sombre dans l’alcoolisme et son fils aîné Louis rejoint les mouvements contestataires nés dans les années 1960.

Critique de Tootpadu

Lee Daniels a enfin été touché par la grâce cinématographique ! Non, trêve de plaisanteries, il n’y a rien de réellement transcendant à signaler non plus dans le quatrième film d’un réalisateur, qui nous a amèrement déçu dans le passé, alors que l’affirmation fière de sa différence devrait nous le rendre automatiquement sympathique. Contre toute attente, le sujet très convenu du Majordome a pourtant permis à Daniels de renaître de ses cendres de l’enfer des tâcherons, pour mieux conter une version légèrement différente de l’Histoire américaine. L’ambition est en effet considérable, puisque l’arc narratif du film est censé couvrir les étapes importantes d’un demi-siècle aussi mouvementé que bien présent dans la mémoire collective de la légende de l’Oncle Sam, tout en y dénichant la tragédie humaine à l’échelle individuelle qui rendrait ces faits historiques touchants.

Le plus grand compliment que l’on puisse faire à ce film tout à fait convenable, c’est qu’il s’apparente à un chef-d’œuvre de sobriété, comparé aux excès formels écœurants avec lesquels le réalisateur nous avait importunés lors de ses deux films précédents. Pour la première fois, il paraît que Lee Daniels sait à peu près où mettre sa caméra et comment monter une histoire qui suit essentiellement une biographie trop exemplaire. Ce ne sont heureusement plus les sentiments qui dégoulinent ici, mais un goût prononcé pour le mélodrame : celui qui, dans ses versions désuètes, atteignait un équilibre plutôt savamment dosé entre les coups de théâtre opportunistes et une tentative d’explication des grandes injustices de la nature humaine. Alors que l’effet de réverbération entre le destin personnel du protagoniste et les grands bouleversements de l’Amérique est conjugué régulièrement avec un éclat disproportionné, on peut en même temps déceler quelque chose d’aussi inouï dans le vocabulaire filmique de Lee Daniels que l’élégance formelle.

Toutefois, le scénario n’ose pas la rupture fondamentale avec les récits fondateurs de la nation américaine. Il reste étroitement redevable à la structure de la biographie filmique, du traumatisme enfantin jusqu’au sursaut de sagesse in extremis avant de rendre l’âme à un âge vénérable, avec l’emploi récurrent de la voix off en tant que garant artificiel d’un recul dont le ton du film ne peut pas toujours se vanter. Pire encore, le propos du film, très avare en affirmations radicales, perpétue tranquillement le statu quo d’un système politique qui célèbre avec exubérance les petites victoires symboliques, comme l’élection de Barack Obama, sans mettre en question réellement une hiérarchie du pouvoir hautement discutable. Afin de parfaire un film réellement exceptionnel, Lee Daniels aurait dû creuser davantage de ce côté-là et y faire preuve de la même hardiesse instinctive que dans son choix des comédiens pour les rôles présidentiels, nullement ressemblants mais étrangement conscients de l’essence de chacun de ces hommes prisonniers de la cour royale des temps modernes.

 

Vu le 31 août 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

En 2009 Lee Daniel était venu présenter à Deauville au festival du cinéma américain son second film Precious figurant parmi les films en compétition officielle. Il en était reparti avec le prix du jury. Precious révélait ainsi ce jeune réalisateur ancien directeur de casting et producteur (A l’ombre de la haine, The woodsman). Son quatrième film Paperboy nous avait réellement déçu. Dans ce contexte son quatrième film apparaît non seulement comme une excellente surprise mais également comme son plus abouti à ce jour.

À travers le personnage de Cecil Gaines (Forest Whitaker), le film retrace l'évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés et des revendications des afro-américains. De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des Black Panthers, de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, le personnage Cécil Gaines sera aux premières loges pour les vivre comme majordome de la Maison Blanche. L’opposition entre son fils voulant que les afro-américains obtiennent les mêmes droits que les américains et sa neutralité, Cecil devra prendre position.

Le réalisateur nous présente avec ce film une fresque ambitieuse et une peinture de l’Amérique profonde guère enjolivée. Il s’appuie non seulement sur l’excellent scénario de Danny Strong (second scénario après celui de Recount de Jay Roch) mais sur un casting conséquent. La force de ce film vient de l’interprétation très forte de Forest Whitaker et des seconds rôles l’entourant (oprah Winfrey, Mariah Carey, John Cusack, Jane Fonda, Cuba Gooding Jr, Terence Howard, Lenny Kravitz, Alan Rickman, Robin Williams..).

Cependant, son film n’est pas exempt de défauts. Il aurait ainsi gagné à être un peu plus court afin de gagner en efficacité et aurait dû surtout éviter d’être trop linéaire car nous avons souvent l’impression d’assister à des vignettes juxtaposées afin d’illustrer des moments forts de cette Amérique en pleine émancipation des afro-américains. Certes, le scénariste a fait un excellent travail de fonds et le film est des plus intéressants mais il s’en dégage un trop grand académisme qui empêche le spectateurs de rentrer pleinement dans le film.

Malgré tout, la très forte et impressionnante interprétation de Forest Whitaker fait de ce film à un film à ne pas rater en salle.

Vu le 1 septembre 2013, au Casino, Deauville, en VO

Note de Mulder: