Titre original: | Grand central |
Réalisateur: | Rebecca Zlotowski |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 95 minutes |
Date: | 28 août 2013 |
Note: |
Gary, un jeune homme au passé trouble, débarque en province pour une session d’embauche de futurs décontamineurs dans la centrale nucléaire toute proche. Bien qu’il n’ait pratiquement pas de diplôme, il est admis à la formation. Dès lors, Gary fait tout pour garder cet emploi pourtant pénible, au cours duquel il est régulièrement exposé à une radiation élevée. Dans le camping où il habite avec ses collègues, dont les plus anciens sont Gilles et Toni, il fait la connaissance de Karole, la fiancée de Toni qui travaille, elle aussi, dans la centrale. Une affaire passionnelle naît entre eux, alors que Gary triche sur ses taux de radiation pour ne pas être licencié prématurément.
Entre la France et le nucléaire, c’est une grande histoire d’amour. Hélas, c’en est une qui nous horripile au plus haut point, principalement parce que notre cher pays d’adoption dépend à une majorité écrasante de cette énergie sale, sans la moindre volonté politique de s’en défaire pour passer à des sources renouvelables au catalogue d’inconvénients moins bien fourni. En gros, les Français consomment gaiement une électricité relativement peu chère, mais aux innombrables risques environnementaux, tout en mettant un point d’honneur à ne surtout pas s’alarmer de ses implications néfastes. Un de ses effets secondaires, plus banal que des incidents catastrophiques de l’envergure de Fukushima, mais pas pour autant moins préoccupant, est le sort réservé aux pauvres travailleurs sous-traitants qui doivent œuvrer dans la jungle radioactive pour faire tourner la vingtaine de centrales françaises. Or, Grand central ne relève guère du même registre que ces documentaires engagés, qui mettent en garde contre toutes sortes de fléaux. Le dur labeur au sein de l’antre nucléaire y sert davantage d’arrière-plan saisissant à une histoire d’amour tortueuse.
L’aventure romantique que le deuxième film de la réalisatrice Rebecca Zlotowski nous conte s’avère plutôt intemporelle. Elle aurait aussi bien pu se dérouler jadis parmi les ouvriers souillés des mines de charbon, d’autres esclaves sacrifiés sans remords sur l’autel d’une industrialisation galopante. Ce qui signifie également que la narration excelle dans la description d’un milieu travailleur, où la camaraderie et la conscience du danger qu’on affronte ensemble chaque jour sont les seuls remparts contre le désarroi social, induit par la précarité de l’emploi et la dangerosité de celui-ci. Il n’y a ni complaisance, ni attendrissement dans le regard que la réalisatrice porte sur ses personnages et leur environnement. Juste la certitude déprimante que les doses radioactives que les décontamineurs absorbent sans relâche auront le dernier mot dans le jeu macabre de l’exploitation cynique d’une main-d’œuvre non qualifiée.
Aucune pénurie de gueules parfaitement adaptées aux rôles de prolos condamnés d’avance n’est à signaler dans ce film d’une poésie féroce. Pourtant, c’est une fois de plus Tahar Rahim qui sort du lot, grâce à une interprétation toute en nuances, à la fois bestiale et fragile, imprévisible et à fleur de peau. A côté de lui, l’ingénue Léa Seydoux et les vieux routiers Olivier Gourmet et Denis Menochet feraient presque pâle figure, en dépit de leurs personnages tout aussi charnus et meurtris par l’absence désespérante de perspectives, au-delà de la prochaine sirène d’alerte qui devrait s’arrêter avant le septième signal.
Vu le 22 août 2013, au Saint-Germain-des-Près
Note de Tootpadu: