
Titre original: | Inconnu du lac (L') |
Réalisateur: | Alain Guiraudie |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 100 minutes |
Date: | 12 juin 2013 |
Note: | |
Au début de l’été, Franck revient à la plage d’un lac, où il était autrefois un habitué. C’est un lieu de drague pour hommes, où l’on se bronze à poil sur les cailloux au bord de l’eau et où l’on baise librement dans les bois. Franck y fait la connaissance de Henri, un bûcheron pas vraiment beau, qui préfère rester à l’écart des autres. Mais son regard est surtout attiré par le nageur mystérieux Michel, apparemment en couple et donc pas disponible pour une aventure sexuelle. Un soir, Franck reste dans les parages jusqu’à la tombée de la nuit et observe Michel s’adonner à des jeux dangereux avec son copain au milieu du lac.
Critique de Tootpadu
Hélas, nous attendons toujours notre nouveau coup de cœur du cinéma gay. Après la réputation sulfureuse avec laquelle ce film était parti du festival de Cannes, il y a même de quoi être déçu qu’Alain Guiraudie, un réalisateur dont nous apprécions avant tout les débuts entre poésie prolétaire et sensualité homo, n’ait toujours pas retrouvé la place qu’il mérite : celle d’un des piliers d’un cinéma français gaiement malpropre, aux côtés de Sébastien Lifshitz, Jacques Nolot et Vincent Dieutre.
Le plus grand frein à la jouissance dans L’Inconnu du lac, longtemps avant que le récit ne soit déraillé par une folie meurtrière pauvre en ambiguïté, est pour nous l’approche naturelle de la sexualité. Les agissements autour du lac ne sont guère moins libertins que ce qui se passe dans le cinéma de La Chatte à 2 têtes de Jacques Nolot, voire dans n’importe quelle backroom parisienne. Le parking y sert en quelque sorte de vestiaire, la plage de bar, et les bois de paradis néanmoins un peu glauque des plaisirs lubriques entre hommes. C’est un microcosme coupé du monde, dans lequel l’inspecteur dénote constamment parce que son regard n’est pas celui du voyeur, mais celui de l’inquisiteur. Et c’est surtout le seul et unique décor du film, dans lequel les hommes se définissent au mieux par leur pouvoir de séduction et au pire par leur besoin de se branler en observant les autres faire l’amour.
L’homosexualité selon Alain Guiraudie se dérobe toujours autant à toute velléité de catégorisation. Est-ce du naturalisme ou tout simplement la volonté louable de montrer l’acte sexuel entre deux hommes d’une manière étrangement banale ? Car il s’agit plus ici d’une mécanique des corps que d’une euphorie amoureuse. Cette dernière est logiquement bannie d’un contexte où la vue d’une bite – d’ailleurs abondante, mais pas vraiment excitante – invite sans tarder à l’accouplement ou au moins à la fellation amicale.
Cette valse du sexe plus ou moins débridée, plus ou moins appétissante, aurait parfaitement pu faire l’impasse sur une intrigue policière, qui plombe la narration sans pour autant creuser en profondeur les implications morales du jeu avec le feu dans lequel le personnage principal s’engage. C’est peut-être parce que le mode opératoire de cette maison close en plein air est tellement porté sur l’apparence et la volupté facile, que le fait divers d’un tueur en série qui y rôde nous laisse complètement indifférents. Le sort des personnages ne nous importe point, non pas parce que ce sont des homos qui ont misérablement raté le raz-de-marée virtuel des rancards gays, mais parce que sans érotisme et sans identité, ils ne sont que des inconnus en quête de rapports sans lendemain.
Vu le 6 juin 2013, au Club de l'Etoile
Note de Tootpadu: