
Titre original: | Larmes de joie |
Réalisateur: | Mario Monicelli |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 106 minutes |
Date: | 11 juillet 1962 |
Note: | |
Le soir du réveillon toute la ville de Rome est en ébullition. La figurante Tortorella Fabbricotti part en trombe de Cinecittà, afin d’arriver à l’heure au rendez-vous avec des amis, qui ne l’ont invitée à leur soirée que pour dépasser le nombre maudit de treize participants. En pleins préparatifs, elle reçoit un appel de son ami de longue date Umberto Pennazuto, un petit escroc d’assurance surnommé l’Accidenté, qui aimerait bien célébrer le Nouvel An en sa présence. Suite au refus de son amie, Umberto accepte finalement une offre d’emploi en tant qu’assistant du voleur Lello, qui compte profiter de la nuit festive pour amasser un joli butin. Par hasard, les chemins de Tortorella et d’Umberto se croisent à nouveau, au grand dam de Lello, qui n’était pas sorti pour s’amuser.
Critique de Tootpadu
La qualité incommensurable de la comédie italienne est que, dans ses manifestations les plus vigoureuses, elle réussit à nous faire rire intelligemment sur une civilisation à un stade avancé de délabrement. Dans ce film jubilatoire de Mario Monicelli, le cadre a beau être animé par l’euphorie joyeuse due à l’approche de la nouvelle année et ses belles promesses, un fond infiniment plus sombre nous rappelle en permanence de quel bois se chauffe le trio improbable de protagonistes. L’opportunisme de Tortorella y est encore le moindre mal, comparé à la lâcheté d’Umberto et à l’état d’esprit proprement criminel de Lello. A eux trois, ils personnifient les pires vices de la pègre romaine, tout en restant habités d’un charme hautement désarmant.
Le miracle narratif de Larmes de joie se situe en effet du côté de l’identification aisée avec des personnages, qui en d’autres circonstances nous devraient être entièrement antipathiques. Que les aventures rocambolesques de ces profiteurs invétérés d’un système social en perpétuel dysfonctionnement nous amusent autant, nous le devons à la description sans fard de la fête universelle du Nouvel an. Au lieu de mettre l’accent sur l’esprit fédérateur de ce tournant cyclique du calendrier, le scénario procède à un enchaînement de décors de plus en plus hostiles, alors que le petit matin approche et que les voyous minables ont toujours les poches vides. Or, cette lecture ne peut fonctionner que parce que, au fur et à mesure de leur drôle d’ascension sociale, de la fête populaire à l’église, en passant par la résidence fastueuse de l’ambassadeur allemand, les arnaqueurs malchanceux sont de moins en moins à leur place. On pourrait même se demander si leur entreprise, en termes criminels et relationnels, était voué à l’échec justement parce qu’ils ont osé aspirer, le temps d’une parenthèse temporelle où les barrières sociales s’estompent, à un luxe et une finesse des mœurs qui ne leur siéent nullement.
En tout cas, le ton cinglant de la mise en scène de Mario Monicelli convient parfaitement à cette histoire farfelue, qui ne perd jamais de vue l’âme italienne, aussi fanfaronne qu’égocentrique. A moins que ce cliché d’une cité romaine, devenue schizophrène à force de courir simultanément après la richesse matérielle et un savoir-vivre certain, soit l’ironie suprême d’un propos assez lucide pour prendre personne au sérieux. Dans cette gaieté communicative, les trois rôles principaux sont interprétés avec l’exubérance habituelle par Anna Magnani, mi-naïve, mi-mondaine, mais toujours aussi expressive, Totò, le vieillard qui se prête au jeu truqué avec le semblant de nonchalance propre aux petites crapules fourbes, et Ben Gazzara, le plus fringuant mais aussi le plus fanatique dans sa détermination de tirer profit d’une hiérarchie sociale qui joue en sa défaveur les 364 autres jours de l’année.
Vu le 21 mai 2013, au Champo, Salle 1, en VO
Note de Tootpadu: