French cancan

French cancan
Titre original:French cancan
Réalisateur:Jean Renoir
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:29 avril 1955
Note:
Henri Danglard est un producteur de spectacle aguerri. Quand les huissiers l’obligent de mettre la clef sous la porte de son cabaret « Le Paravent chinois », il ne tarde pas à mettre sur pied une autre idée ingénieuse : une salle au cœur de Montmartre, accessible à tous, qui fêtera la renaissance du cancan. La vedette de cette nouvelle enseigne qui s’appellera le « Moulin Rouge » sera Nini, une blanchisseuse de la butte au talent de danseuse inné, que Danglard avait remarqué lors d’un bal populaire.

Critique de Tootpadu

La vision de la genèse du Moulin Rouge diffère de façon significative entre Baz Luhrmann et Jean Renoir. Tandis que le premier a créé dans une exubérance démesurée l’hymne de tous les romantiques inconditionnels – que nous appréhendons pourtant de revisiter à cause du processus de vieillissement assez malheureux des films de ce cinéaste prisonnier d’une quête effrénée de modernité –, le deuxième a simplement pris comme prétexte cet événement qui a fait date dans l’Histoire de la frivolité parisienne pour nous conter une de ces chroniques au charme intemporel dont il détient le secret. French cancan, c’est Renoir au sommet de son art d’évoquer la duplicité de l’âme humaine, tout en se réjouissant de la vie et ses petits tracas. En parallèle, il réussit l’exploit d’une comédie musicale typiquement française, qui n’a pas à rougir de la comparaison avec son pendant hollywoodien, mais qui sait s’en démarquer aisément.
A l’individualisme américain s’oppose ici un élan collectif, comme seul un idéaliste éclairé comme Jean Renoir a pu le concevoir sans le moindre débordement populiste. L’intrigue s’articule certes autour de quelques personnages centraux, comme Danglard, Nini et leur relation tumultueuse, mais ce qui y compte réellement, c’est la route semée d’embûches vers la première du nouveau spectacle. Le pragmatisme propre aux dandys qui ont toujours su se refaire une santé financière y prévaut sur le volontarisme aveuglant qui paraît être l’unique leçon de réussite du cinéma hollywoodien. Peu importe les contretemps, le spectacle doit continuer, sans lui offrir le sacrifice suprême de l’abnégation, mais en profitant pleinement de la vie et de ses plaisirs. On aurait du mal à qualifier la philosophie de ce film vigoureux de hédoniste. Toujours est-il qu’il baigne sans complexe dans une joie de vivre très concrète, nullement entachée d’idéaux nébuleux que les personnages rêveraient en vain d’atteindre.
Enfin, à côté de l’humanité incommensurable que Jean Renoir sait exprimer à travers chaque plan, c’est sa faculté d’être profondément français, tout en faisant fi du chauvinisme, qui nous a une fois de plus subjugué. Le Paris du début du siècle dernier n’était sans doute pas aussi joyeux et haut en couleur que cette comédie fort plaisante veut nous le faire croire. Grâce à la structure chorale du récit, qui donne l’opportunité de briller par leur humanité sans fard à une dizaine de personnages, nous sommes pourtant immergés corps et âme dans un microcosme moins pittoresque, que profondément authentique dans la logique du formidable projet cinématographique qu’est l’œuvre de Jean Renoir.

Revu le 6 avril 2013, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois

Note de Tootpadu: