Enfance clandestine

Enfance clandestine
Titre original:Enfance clandestine
Réalisateur:Benjamin Avila
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:08 mai 2013
Note:
Fils de militants péronistes, Juan a dû fuir son Argentine natale. En 1979, à l’âge de douze ans, il vient retrouver ses parents à Buenos Aires. Puisque ces derniers continuent au sein du groupe Montoneros leur lutte armée contre la junte militaire, il est obligé de changer de nom et de faire profil bas à l’école. Cette enfance clandestine ne lui convient guère, puisque elle risque de mettre à tout moment un terme à sa première histoire d’amour avec Maria, la sœur d’un camarade de classe.

Critique de Tootpadu

L’enfance ne rime hélas pas pour tout le monde avec insouciance. Dans ce film argentin, c’est le contexte politique qui rend le quotidien de son jeune protagoniste potentiellement dangereux. Alors qu’il est aimé inconditionnellement par sa famille et qu’il peut découvrir timidement les prémisses de l’adolescence, Juan (ou Ernesto) vit jour après jour avec la crainte que tout cela puisse s’arrêter abruptement. L’accomplissement principal du premier film du réalisateur Benjamin Avila est de trouver un point d’équilibre entre le cauchemar et le rêve, entre la violence qui tue un par un les militants – une expérience d’ailleurs si traumatisante qu’elle est retranscrite par le biais de séquences animées – et la force illimitée de l’imagination, qui permet au jeune héros de se soustraire aux contraintes de la clandestinité pour envisager une vie normale avec sa petite amie.
Semblable en plusieurs points au magistral A bout de course de Sidney Lumet, Enfance clandestine n’atteint pourtant pas le même impact émotionnel. Son ton est empreint d’une nostalgie, qui instaure une distance raisonnable avec l’action. Le personnage principal, un enfant des plus ordinaires si ce n’était pour l’obligation de se cacher derrière une fausse identité, adopte souvent le rôle de l’observateur. Il ne participe pas activement au délire révolutionnaire de ses parents, mais il en partage pleinement les retombées ou tragiques, ou galvanisantes. A travers le regard de Juan, l’engagement dans la lutte contre l’oppression peut parfois relever de l’aventure, avec sa cachette dans le garage, les armes qui circulent librement dans la maison, et les personnes qui ne viennent rendre visite qu’à condition d’avoir eu auparavant les yeux bandés. Or, l’utopie d’un monde meilleur au Brésil, où il espère s’évader avec Maria grâce à l’argent du groupe contestataire, s’écroule pour lui comme un château de cartes, à l’image de ces fantasmes d’enfance qui voient le monde toujours plus libre et plus grand que les contraintes de la réalité ne l’autorisent.
Alors que ce film fait visiblement toute la fierté de sa cinématographie nationale, puisqu’il y avait remporté l’équivalent de dix Césars et qu’il avait été la sélection officielle argentine dans la catégorie de l’Oscar du Meilleur Film étranger, nous y voyons davantage une façon adroite d’aborder de front un chapitre douloureux du passé. En prenant le parti de l’enfant, pas insouciant mais quand même largement innocent, Benjamin Avila relativise l’horreur de cette période, sans en occulter pour autant les côtés sombres. Sa mise en scène sait parfaitement tenir compte du fragile équilibre mental d’un garçon, qui est censé se construire alors que ses parents le propulsent dans un environnement miné par une peur omniprésente de la persécution.

Vu le 2 avril 2013, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: