
Titre original: | Maison de la Radio (La) |
Réalisateur: | Nicolas Philibert |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 103 minutes |
Date: | 03 avril 2013 |
Note: | |
Au bord de la Seine, dans le 16ème arrondissement de Paris, se situe la Maison de la Radio. Cet édifice en forme circulaire de l’architecte Henry Bernard abrite la plupart des stations de Radio France : France Info, France Bleu, France Culture, France Musique, le Mouv’, FIP, RFI, ainsi que dans un bâtiment annexe les locaux de France Inter. Dans cette ruche, du matin jusqu’au soir, les sons des enregistrements des différents programmes ne cessent jamais.
Critique de Tootpadu
Notre premier domicile à Paris, une chambre de bonne sans confort dans la rue du Ranelagh, avait une vue imprenable sur la Maison de la Radio. Nous nous y sommes pourtant rendu qu’une seule fois, afin d’assister à l’enregistrement d’une émission à laquelle Emma Thompson était censée être présente, qui a dû se désister à la dernière minute. Le nouveau documentaire de Nicolas Philibert nous inspire donc une certaine nostalgie. L’hommage plus universel et plus vibrant, il le rend cependant à la langue française et à un service public français, qui a sans doute mauvaise réputation, mais qui est néanmoins le vaisseau lumineux du maintien de la culture sous toutes ses formes dans une marée de crétinisme commercial. Pourtant, La Maison de la Radio n’est point une publicité larvée, une plateforme de propagande à peine déguisée qui vanterait platement les qualités de toutes ces stations au cahier de charges hétéroclite. C’est au contraire une œuvre d’art à lui tout seul, un festin d’images et de sons qui enthousiasme précisément par son parti pris d’observer sans intervenir ou commenter.
La structure ludique du documentaire s’apparente ainsi au zapping à l’ancienne entre différents programmes de radio. Nous restons juste assez avec chaque enregistrement, avec chaque réunion de rédaction et reportage à l’extérieur, pour en tirer l’essentiel avant de passer à autre chose. La finalité de cette narration très morcelée, qui nous fait perdre de vue progressivement les quelques personnes auxquelles on aurait facilement pu s’attacher (la réalisatrice de la fiction, la rédactrice au foulard rose, le stagiaire qui apprend comment faire une page d’info, voire le mélomane enseveli sous des tours de CDs), consiste à donner une vue globale de l’activité à la Maison de la Radio. Au détail près qu’assez vite, la caméra quitte l’espace confiné du quartier général de Radio France pour se lancer dans le Tour de France, accompagner un ingénieur du son dans la forêt ou des rédacteurs lors de reportages plus ou moins farfelus, tels une minute de solitude sur les qualités de la pomme de terre ou un chasseur d’orages. Il devient alors clair que le cadre de ce documentaire remarquable n’est pas l’unité de lieu du bâtiment Avenue du Président Kennedy, mais le foisonnement de l’activité de toutes les stations confondues.
L’immense plaisir de regarder les journalistes et les artistes de talent au travail est alors démultiplié, grâce à la diversité et au choix très judicieux des courtes séquences. Entre le magicien du son et les chanteurs de tous bords, en passant par la voix suave de l’animatrice de laquelle Karin Viard a dû s’inspirer pour son rôle dans Parlez-moi de vous de Pierre Pinaud et l’irruption impromptue de la vie à travers les bruits de travaux qui imposent une pause aux enregistrements, la palette entière des activités chez Radio France nous est présentée avec une élégance, qui ne prétend pourtant jamais à l’exhaustivité. Elle ne pousse pas non plus un cri d’alarme quant aux difficultés de préserver cette exception culturelle. Car même si vous n’êtes pas adeptes des programmes parfois exigeants du service public radiophonique, leur condensé sublime dans ce documentaire qui ne l’est pas moins s’emploie subtilement à nous rappeler à quel point la diversité est primordiale à la survie d’une civilisation.
Vu le 25 mars 2013, à la Salle Pathé Lincoln
Note de Tootpadu: