
Titre original: | Cité rose (La) |
Réalisateur: | Julien Abraham |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 99 minutes |
Date: | 27 mars 2013 |
Note: | |
Pour rien au monde, le jeune Mitraillette ne voudrait grandir ailleurs que dans la Cité rose, en banlieue nord parisienne. Tout le monde s’y connaît et même s’il existe des endroits interdits aux enfants, puisque le caïd Narcisse et ses acolytes y font leur bizness louche, la vie y est belle. Le quotidien joyeux de Mitraillette se complique toutefois, quand son cousin aîné Ismael devient guetteur pour le compte des dealeurs. Une mauvaise tournure qu’Ismael doit cacher à son frère Djibril, le seul à avoir réussi à sortir de la cité pour faire des études de droit à la Sorbonne. Quant à Mitraillette, il redouble d’ingéniosité pour séduire Océane, la plus belle fille du collège.
Critique de Tootpadu
Il n’est pas facile de filmer la banlieue, et même d’en parler, sans tomber dans les clichés. Le premier film de Julien Abraham s’acquitte plus ou moins bien de cette tâche délicate, à cheval entre le populisme bienveillant et les stéréotypes d’un microcosme de l’autre côté du périphérique forcément menaçant. Après quelques soucis au démarrage, comme ce récit cadre sur Mitraillette qui se souvient sur son lit de mort possible de sa cité bien aimée, qui exacerbent les préjuges au lieu de les relativiser, La Cité rose arrive à peu près à conférer une dimension humaine à ses personnages. Derrière la caricature d’un modèle social dont les failles et les rares qualités sont représentatives d’une France à plusieurs vitesses, une notion aussi abstraite et opaque que l’honneur de la banlieue se fait timidement jour. Elle ne s’affirme pas assez pour nous réconcilier complètement avec un film au bagage moral conséquent. Elle sait cependant faire preuve d’un regard plutôt nuancé sur ce monde en vase clos, qui ne fait irruption dans la quiétude parisienne, par le biais d’un fait divers, de la vente de drogues, voire plus rarement d’une volonté d’intégration depuis une position illusoire de force, que pour mieux marquer sa différence.
Or, ce petit bonhomme de Mitraillette est en fait un adolescent des plus ordinaires. Il vit ses premiers coups de cœur difficiles. Il distingue parfaitement entre le bien et le mal, entre ce qu’il devrait faire et ses habitudes d’enfant sans père qui n’est pas à une bêtise près. Et il rechigne au passage inéluctable à l’âge adulte, qui le mettra plus tôt que des enfants issus de milieux préservés devant des choix cornéliens. C’est quand elle se contente d’observer simplement le protagoniste et sa bande de potes en train de croquer une vie précaire à pleines dents, qui ne leur fera jamais de plus beaux cadeaux que cette camaraderie des derniers mois de l’enfance, que la narration se montre la plus convaincante. De même, lorsque les figures maternelles emblématiques tentent de garder leur descendance dans le droit chemin, de gré ou de force mais toujours avec le même résultat : l’impuissance de l’éducation et d’un modèle familial tronqué face à une violence aveugle et l’appât du gain qui dictent leur loi.
Hélas, l’intrigue répond bien trop docilement présent aux exigences conventionnelles d’une trame à caractère policier – avec la tentation de l’argent facile grâce au trafic de drogue et les frictions entre cet univers malsain et la normalité d’une enfance largement abandonnée à elle-même – pour proposer réellement un point de vue original sur une thématique que le cinéma français éprouve visiblement du mal à aborder sans préjugés, ni poncifs.
Vu le 18 mars 2013, à la Salle UGC
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Le cinéma indépendant français voit très rarement apparaître de jeunes talents prometteurs et ayant une vision si juste sur un univers donné. Le réalisateur Julien Abraham maîtrise totalement son premier film et s’y est impliqué non seulement comme scénariste, dialoguiste et adaptateur. Ce film est non seulement intéressant, car il porte un regard juste sur ceux qui doivent se battre chaque jour pour rester dans le droit chemin. Ce n’est donc pas un hasard si le personnage principal du film est un jeune enfant de 12 ans, car celui-ci personnalise l’innocence dans un univers gangrené par les trafics de toutes sortes (drogues, braquages et jeux clandestins). Le film porte un regard juste et touchant sur l’univers de ces personnes qui n’ont pas eu la chance de naître dans les beaux quartiers.
Triste constat que projette ce film qui montre que les actions de la police restent inefficaces dans certaines banlieues. Ce film dresse donc l’état des lieux d’un monde où le chômage est partout, où la pauvreté extrême entraîne certains à sortir des sentiers légaux. Le réalisateur semble donc très inspiré par son étude sociale d’un monde où les gens naissent dans des tours et y restent brisés et sans avenir radieux. Certes, certains comme Djibril, 22 ans, étudiant à la Sorbonne arrivent à s’en relever et le discours qu’il tient lors d’un entretien pour un poste de stagiaire dans un cabinet d’avocats est criant de vérité et reflète une société où le travail n’est pas guise de réussite et où chacun doit s’accrocher à ce qu’il a pour ne pas sombrer.
En 1995, Mathieu Kassovitz nous présentait par lintermédiaire de son film La Haine une vision en noir et blanc de la banlieue avec une phrase forte qui deviendra tout un symbole « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : « Jusqu’ici tout va bien ... Jusqu’ici tout va bien ... Jusqu’ici tout va bien. » Mais l’important, ce n’est pas la chute. C’est l’atterrissage. ». Ce film semble en être la réponse, car la fin du film (l’atterrissage) est certes raté, mais témoigne que l’innocence ne peut survivre dans un tel monde gangrené par la violence, la drogue et les inégalités …
Chaque film a son propre public. Il est donc non seulement intéressant de voir ce film, mais aussi de regarder le public et vous vous rendrez compte qu’il touche tout le monde et à tous les niveaux sociaux. Ce film est donc non seulement universel mais un pavé de plus dans l’étude de nos banlieues.
Vu le 1er avril 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 08, en VF
Note de Mulder: