Guerrière

Guerrière
Titre original:Guerrière
Réalisateur:David Wnendt
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:27 mars 2013
Note:
Marisa est la copine de Sandro, le chef d’un gang de néo-nazis au Nord-Est de l’Allemagne. Elle voue un attachement fanatique aux idées du groupe, qu’elle arbore fièrement sur son corps par de nombreux tatouages. Alors que Sandro est en prison suite à une agression dans un train, Marisa croise deux immigrés afghans à la plage locale. Ses amis les maltraitent et les font fuir, mais le plus jeune des deux, Rasul, se venge en cassant le rétroviseur de la voiture de Marisa. Folle de rage, cette dernière les prend en chasse et écrase leur scooter sur la route. Un acte lourd de conséquences, puisque Marisa craint de les avoir blessés sérieusement. Quand elle revoit Rasul au supermarché de sa mère, elle décide de l’aider en dépit de son appartenance à l’extrême-droite.

Critique de Tootpadu

Ce film allemand démarre fort, très fort. Nous ne parlons pas de la courte séquence cadre, qui doit être ce que nous avons vu de plus lourdement moralisateur dans le domaine depuis Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, ni du transfert visuel trompeur des nattes qui appartiennent à Svenja, la nouvelle recrue naïve, au présent et à Marisa dans le passé de l’enfance. Mais de ce bref instant, insoutenable par sa barbarie et par l’impuissance qu’il nous inspire, des agressions répétées et de plus en plus violentes du groupe de jeunes néo-nazis dans un train de banlieue. Cela peut paraître étrange depuis le point de vue parisien, où tout le monde est malpoli dans les transports en commun, mais où l’on ne voit que rarement des actes d’incivilité majeurs, mais dans l’espace public de l’Allemagne de l’Est une guerre clandestine entre des fanatiques de droite et de gauche fait rage, à laquelle la politique du centre n’a pas encore trouvé de remède, l’ignorance du problème mise à part. L’accomplissement de Guerrière est donc de mettre le doigt là où ça fait mal, même si cette virulence insupportable se disperse rapidement.
Car la suite de l’intrigue pèche par un éparpillement narratif, qui ne rend finalement justice à aucun des thèmes traités. Alors que la relation entre Marisa et Rasul en guise de choc pas si violent entre deux mondes aurait amplement suffi à faire le tour d’une misère idéologique surtout répandue chez les jeunes, le scénario s’évertue à y adjoindre d’autres personnages secondaires au parcours pas moins intéressant, quoique traité de la même façon presque expéditive. Les soucis typiques de l’adolescence de Svenja, magnifiquement condensés dans ce cri hystérique quand son beau-père détruit son ordinateur en signe de punition, et les vieilles blessures familiales de Marisa, en fin de compte incomprise et par son grand-père et par sa mère, auraient mérité à eux seuls un film entier, au lieu d’être les intrus dans un drame de réfugiés touchant. De même, la description du milieu de l’extrême-droite a tendance à rester pittoresque, avec ces moutons qui s’émerveillent devant la propagande antisémite archaïque et qui s’amusent sinon, comme des voyous, à provoquer en toute circonstance au lieu de poursuivre un programme révolutionnaire pragmatique. Cet engagement assez superficiel trouve son écho le plus discutable dans la conversion instantanée de Markus, le petit ami de Svenja, qui fréquente la communauté immigrée dès qu’il s’est fait jeter par ses amis fascistes pour consommation et revente de drogues.
En somme, aussi bien intentionné le premier film de David Wnendt soit-il, il lui manque les moyens justes pour exprimer cette haine et ce désespoir existentiel qui poussent tant de jeunes allemands dans l’extrémisme. Ce n’est pas le courage de s’attaquer à un sujet épineux qui lui fait défaut, mais la capacité d’en tirer autre chose qu’un conte social bêtement édifiant. L’abolition de l’ordre n’y est traitée qu’à un bref instant poignant, tandis que le reste du film évoque assez laborieusement les frictions entre ce microcosme porté sur une sauvagerie sans limite et la vie quotidienne bien plus ordinaire et prévisible.

Vu le 13 mars 2013, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: