Artiste et son modèle (L')

Titre original: | Artiste et son modèle (L') |
Réalisateur: | Fernando Trueba |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 105 minutes |
Date: | 13 mars 2013 |
Note: | |
Alors que la guerre fait rage partout ailleurs en Europe, dans un village au sud de la France, en zone occupée, l’été 1943 se déroule sans incident majeur. Le vieux sculpteur Marc Cros y cherche en vain l’inspiration pour sa dernière œuvre. Quand sa femme Léa, qui avait autrefois posé pour lui, emmène la jeune Mercé à la maison, l’artiste est intrigué par la beauté de cette réfugiée des camps espagnols de l’autre côté de la frontière. Encouragé par son épouse, il lui propose de poser pour lui, dans sa maison de campagne dans les montagnes où elle pourrait s’installer discrètement.
Critique de Tootpadu
Une immense quiétude se dégage de ce beau film, moins contemplatif que dérobé à l’agitation du monde pour mieux s’imprégner de sa propre paix intérieure. Baignée dans un magnifique noir et blanc, qui nous rappelle pourtant la sobriété esthétique des maîtres germaniques comme Michael Haneke, Wim Wenders et Edgar Reitz, le récit coule à son rythme, suffisamment conscient de sa sagesse pour se presser pour personne. L’Artiste et son modèle n’est pas tout à fait un nouveau chef-d’œuvre sur la création artistique dans la lignée de La Belle noiseuse de Jacques Rivette. C’est par contre une parenthèse passionnante de rigueur, de calme, voire de lenteur, dans un paysage cinématographique qui a plutôt tendance en ce moment à dénigrer pareille simplicité épurée.
Rien que l’absence de musique pendant la majeure partie du film, à l’exception d’un morceau de Gustav Mahler qui clôt avec une certaine tristesse ce chant de cygne touchant, instaure un ton bucolique de tout repos. A l’image du sculpteur et de son modèle qui se mettent à l’écart du monde, particulièrement mouvementé en ces temps de guerre, la narration s’octroie la liberté d’évoluer dans son propre espace-temps qu’aucune péripétie ne vient perturber durablement. Que ce soit l’arrivée du jeune résistant, le passage de l’officier allemand amateur d’art français, ou bien la note finale funeste, les forces à l’œuvre dans cette intrigue presque austère perdurent dans un équilibre parfait. Ce qui ne signifie nullement qu’il s’agit d’un film aride et ennuyeux. Juste que le pouls qui fait vibrer les personnages au fil des générations bat à une vitesse mesurée.
Toutefois, la vie n’est guère absente de cette histoire qui emprunte la voie royale de la réflexion simultanée sur l’idéal artistique et des considérations plus bassement humaines. Elle se manifeste par exemple à travers le rire un peu sauvage de Mercé, une référence à peine voilée à celui pas moins déplacé et annonciateur des changements à venir de Claudia Cardinale dans Le Guépard de Luchino Visconti. C’est aussi parce qu’elles reflètent complètement la prise de conscience de ne plus pouvoir participer à cette vitalité-là qu’en tant que passeurs, que les interprétations de Cardinale et surtout de Jean Rochefort, d’une subtilité confondante, nous ont inspiré le riche sentiment d’une nostalgie lucide.
Vu le 6 mars 2013, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: