Misérables (Les)

Misérables (Les)
Titre original:Misérables (Les)
Réalisateur:Tom Hooper
Sortie:Cinéma
Durée:158 minutes
Date:13 février 2013
Note:
En 1815, Jean Valjean est relâché en liberté conditionnelle, après dix-neuf ans de bagne pour avoir volé un bout de pain et tenté de s’enfuir. L’officier Javert s’assure que Valjean est fiché comme un homme dangereux, ce qui lui rend toute réinsertion impossible. Errant de ville en ville sans trouver de refuge, Valjean est finalement recueilli par l’évêque de Digne. Il le remercie pour son hospitalité en lui volant des chandeliers en argent. Appréhendé rapidement par la police, le voleur est cependant innocenté par le prêtre. Confondu par tant de bonté, Valjean jure devant Dieu de mener désormais une vie au service de son prochain. Huit ans plus tard, Valjean est devenu un homme respectable sous une fausse identité, quand son chemin croise à nouveau celui de Javert.

Critique de Tootpadu

Chaque génération a l’adaptation filmique des « Misérables » qu’elle mérite. Alors que la place de l’œuvre originale de Victor Hugo dans l’Histoire littéraire française n’est plus à prouver depuis un siècle et demi, côté cinéma, on attend toujours un film qui saura réellement rendre justice à son statut désormais intemporel. La version musicale n’est hélas pas cette transposition magistrale. Pas tant parce qu’elle pécherait par manque de fidélité à l’égard du roman, mais à cause de la mise en scène de Tom Hooper, péniblement dépassée par ses exigences épiques et inconsciente des règles les plus élémentaires pour faire fonctionner le genre si particulier de la comédie musicale. On chante ainsi beaucoup dans Les Misérables et on danse très peu, tout cela pour prouver d’une façon affligeante avec chaque nouveau numéro à quel point l’approche du réalisateur est incapable de susciter le moindre entrain à partir d’une partition pourtant pas avare en chansons mémorables.
Sans souffrir d’un montage aussi atroce que celui de Evita de Alan Parker, le rythme de ce film-ci n’a strictement rien de naturel ou de suffisamment vigoureux pour maintenir l’intensité narrative pendant sa durée considérable. Même les parties les plus savoureuses, comme « Master of the house », y sont passées à la moulinette d’une esthétique hautement superficielle, jusqu’à devenir méconnaissables dans le brouhaha d’une bande son au ton désagréablement forcé. Bien sûr, nous n’allons pas prétendre chercher du réalisme dans cette fresque sur les bas-fonds parisiens et l’éternel combat – devenu caricatural au fil du temps – entre le bien et le mal. Toujours est-il que l’artifice selon Tom Hooper, avec ses gros plans et ses cadrages prétentieux, nous éloigne irrémédiablement de l’esprit de cet hymne à la vie et à la résistance.
Malgré tout, de rares morceaux de bravoure existent, tels le grand moment d’apitoiement de Fantine lors de « I dreamed a dream » ou bien l’interprétation de Russell Crowe, peut-être un piètre chanteur, mais celui qui sait conférer le plus d’ambiguïté morale à son personnage. Le reste répond hélas à un trait bien trop forcé, avec tout ce que cela implique de grands gestes et de grimaces désespérantes, pour tenter de nous faire croire en une énième renaissance de la comédie musicale au cinéma. En vain !

Vu le 30 janvier 2013, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Certaines critiques de films sont difficiles à mettre par écrit sans avoir pris un certain recul entre le moment où nous découvrons celui-ci et celui où nous mettons par écrit notre opinion. Dans le cas du film Les Misérables, l'opinion diverge au sein de notre rédaction. Le film risque pourtant d’être un des deux grands gagnants de la 85ème cérémonie des Oscars avec pas moins de huit nominations, dont un Oscar garanti pour la sublime interprétation de Anne Hathaway.

Avant d’être une comédie musicale, le film est avant tout tiré d’un livre de l’un des plus grands auteurs français du siècle dernier : Victor Hugo. Maintes fois adapté au cinéma aussi bien en France en 1981 (Robert Hossein) et 1994 (Claude Lelouch) qu’aux Etats-Unis (dernièrement en 1998 par Bille August), le classique de Victor Hugo connut un certain renouveau en comédie musicale. A l’origine donc fut composé une comédie musicale composée par Claude-Michel Schönberg (musique) et Alain Boublil et Jean-Marc Natel (paroles en français), et Herbert Kretzmer (paroles en anglais). Elle fut créée au Palais des Sports de Paris en septembre 1980 (mise en scène de Robert Hossein). Son adaptation anglophone par le producteur Cameron Mackintosh en a fait un succès mondial, lui permettant de détenir, à Londres, le record de durée d'exploitation continue (depuis octobre 1985). Fort de ce succès international, c’est le réalisateur du film Le Discours d'un roi, Tom Hooper qui en a fait l’adaptation cinématographique.

Contrairement aux comédies musicales traditionnelles, le film préfère garder une approche assez académique et exclut donc tout numéro de danse présent dans chaque comédie musicale qui se respecte. Le réalisateur filme de manière très traditionnelle l’action se déroulant devant nos yeux. Cette position fait que le film Les Misérables pourra être soit apprécié et salué par la presse, soit boudé. Pourtant, ce film trouve son équilibre par un casting judicieux et la présence de trois immenses comédiens principaux. S'il ne possède pas la voix d’un homme orchestre comme l’est Hugh Jackman, Russell Crowe campe pourtant un excellent Javert, un pur tyran de l’ordre et de la loi. La force d’un film tient souvent à l’interprétation d’un méchant pouvant faire ressortir une cruauté consistante. Force est d’admettre que Russell Crowe est un excellent choix. Curieusement, son absence en qualité de Meilleur acteur dans un second rôle dans la liste des nominations aux Oscars semble des plus curieuses. Quant à Hugh Jackman, son long parcours couronné de succès divers et sa présentation mémorable de la cérémonie des Oscar en 2011 montre que Tom Hooper ne s’est pas trompé en faisant de lui son Jean Valjean. Il tient ici l’un de ses meilleurs rôles et aurait pu décrocher la statuette tant convoitée du Meilleur acteur, s'il n’avait pas en face de lui Daniel Day-Lewis. Il impressionne non seulement par sa présence noble, mais aussi par son chant parfait. Enfin, que serait cette adaptation sans la présence enchanteresse d’une Fantine. Dire que Anne Hathaway tient là l’un des rôles les plus importants de sa carrière serait peu dire. Même si sa présence à l’écran est trop courte, son chant sublime marque à jamais notre mémoire et tire aux larmes « I dreamed a dream ». J’avoue que j’ai été très touché par la pureté de cette scène et cela prouve que le cinéma commercial peut encore nous émouvoir. Anne Hathaway montre ici qu’elle a la grâce d’une grande actrice et surtout que ses choix cinématographiques visent à la perfection. Le reste du casting n’est pas en manque de talents avec Amanda Seyfried, Helena Bonham Carter, et Sacha Baron Cohen.

Dans cette époque de crise profonde avec la fermeture de nombreuses usines, ce film semble être le reflet de notre société où les bons éléments ne sont pas toujours synonymes de réussite. Cette société qui semble avoir perdu ses repères devrait accueillir de bon cœur ce grand film épique, tragique et superbement interprété.

Vu le 11 janvier 2013, au Paramount Opéra, Salle 1, en VO

Note de Mulder: