
Titre original: | Airport |
Réalisateur: | George Seaton |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 137 minutes |
Date: | 03 avril 1970 |
Note: | |
Rien ne va plus à l’aéroport de Lincoln, paralysé par une tempête de neige sans pareille. Le directeur Mel Bakersfeld œuvre jour et nuit à le garder opérationnel, au grand dam de sa femme Cindy qui considère son mariage comme un échec. Tandis que la gestion de la crise météorologique est vivement critiquée par le pilote Vernon Demerest, le beau-frère de Bakersfeld, ce dernier trouve du réconfort auprès de Tanya Livingston, la responsable du service client de la compagnie Trans Global. Lorsqu’un avion reste bloqué dans la neige, ce qui nécessite la fermeture de la plus grande piste, le trafic aérien autour de Lincoln devrait être interrompu. Mais un Boeing à destination de Rome, piloté par Demerest, se trouve en difficulté au dessus de l’océan, à cause d’un passager déséquilibré mental qui menace de faire exploser une bombe en plein vol.
Critique de Tootpadu
C’est ainsi que tout a commencé, la mode d’une décennie qui consistait à trouver des circonstances de plus en plus abracadabrantes pour voir périr une par une des vedettes plus très fraîches, la moquerie jouissive de ces scénarios catastrophes par la suite notamment à travers l’œuvre du tandem ZAZ, une brève renaissance encore une fois dix ans plus tard au milieu des années 1990, et enfin les derniers sursauts d’un genre moribond qui est artificiellement gardé en vie par Wolfgang Petersen et Roland Emmerich. Tout cela, nous le devons au succès commercial extraordinaire de cette adaptation du roman de Arthur Hailey, à une époque où la vieille garde de Hollywood ne savait guère comment tirer profit de la nouvelle génération contestataire et iconoclaste. Sans surprise, ce premier volet dans l’univers d’Airport paraît régulièrement comme un dinosaure filmique sans la moindre agilité narrative ou une inventivité formelle qui irait plus loin que l’emploi systématique du dispositif de l’écran divisé dès que quelqu’un passe un coup de fil. Et pourtant, derrière la façade d’une trivialité par moments risible, l’avant-dernier film du réalisateur George Seaton évoque des sujets qui, étrangement, résonnent tout à fait de nos jours.
La gestion de la tension dramatique de Airport doit paraître entièrement exsangue aujourd’hui, surtout parce que l’avion en détresse ne décolle qu’à l’issue de la première moitié de la durée du film. En ce sens, ce faux roman de gare ressemble plus à Hôtel International de Anthony Asquith, ou comment des passagers cloués au sol par un brouillard épais s’ennuient fermement, qu’à ses suites infiniment plus dynamiques et basées sur l’action. Mais la nature bavarde du film permet justement d’aborder un large éventail de thèmes qui n’existaient alors qu’à l’état embryonnaire. Outre la détresse matérielle de certains personnages, en premier lieu ceux qui sont la cause de toute cette agitation, et une approche faussement progressiste de points qui ont dû offusquer la morale bien pensante de l’époque, comme l’avortement ou l’adultère, ce sont surtout des problématiques propres à notre rapport à l’aviation qui nous ont interpellé.
Comment ne pas penser en effet à la débâcle de la construction du nouvel aéroport de Berlin, ou plus près de chez nous à celui de Notre-Dame-des-Landes, lorsque Bakersfeld déplore l’infrastructure de l’aérogare fictive, à la traîne par rapport au progrès technique des concepteurs d’avions de plus en plus grands ? Dans le climat oppressant des règles de sécurité de plus en plus strictes à bord des avions, dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001, et surtout après avoir passé le plus clair de notre temps l’été passé à regarder les émissions alarmistes sur les pannes et autres accidents graves en plein vol, le plan machiavélique de Guerrero prend ainsi l’allure d’une prophétie presque sage de la paranoïa qui est devenue galopante, au fur et à mesure que nous nous déplaçons de plus en plus vite.
Le précurseur d’un mouvement n’est pas toujours ce que ce dernier a produit de mieux. Bien que ce mastodonte un peu brut ait été le premier succès tonitruant du genre catastrophe, là où les films au budget modeste de Andrew L. Stone n’ont été que des séries B conventionnelles dans les années 1960, il reste avant tout une production démesurée, voire boursouflée, qui ne faisait pourtant plus le poids face aux jeunes turcs du Nouvel Hollywood, qui allaient laisser leur marque tout au long de la décennie à venir. La théorie ne serait par conséquent pas complètement tirée par les cheveux que ces films catastrophes – en même temps que des comédies musicales de plus en plus grotesques – étaient la réponse inadaptée, et donc une bouée de sauvetage d’ores et déjà en train de couler, du vieil Hollywood et de ses producteurs d’une autre ère, comme justement Ross Hunter, à l’avènement prochain du blockbuster à la Spielberg, Lucas et consorts qui régit le fonctionnement économique du système jusqu’à nos jours.
Revu le 9 janvier 2013, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO
Note de Tootpadu: