Anna Karénine

Anna Karénine
Titre original:Anna Karénine
Réalisateur:Joe Wright
Sortie:Cinéma
Durée:130 minutes
Date:05 décembre 2012
Note:
En 1874 dans la Russie impériale, Anna Karénine part de Saint-Pétersbourg, où elle mène une vie rangée auprès de son mari, un haut fonctionnaire, et de son fils, afin de se rendre à la capitale, où le mariage de son frère Oblonski est mis en péril par les aventures extra-conjugales de ce dernier. Dans le train, elle fait la connaissance de la comtesse Vronski, dont le fils, un charmant officier de cavalerie, envisage d’épouser Kitty, la sœur cadette de la femme d’Oblonski. Or, Anna tombe elle aussi sous le charme de Vronski, au grand dam de Kitty, qui venait d’éconduire un autre prétendant, le propriétaire terrien Levine. Anna tente de résister à son attirance pour Vronski, mais l’amour aura raison de son statut social et de sa réputation respectable à Saint-Pétersbourg.

Critique de Tootpadu

Quelques mois après Jane Eyre de Cary Joji Fukunaga et la même semaine que Les Hauts de hurlevent de Andrea Arnold, cette énième adaptation du célèbre roman de Léon Tolstoï confirme l’intérêt durable du cinéma pour les grands classiques de la littérature. Au détail près que cette nouvelle monture du mélodrame romantique entre Anna Karénine et Vronski opère une rupture assez conséquente par rapport aux versions précédentes, plutôt sages peu importe qu’elles soient de Clarence Brown, Julien Duvivier ou Bernard Rose, pour mieux captiver le spectateur grâce à un tourbillon foisonnant, qui borde parfois à l’indigestion des sens. Pour son cinquième film, le réalisateur Joe Wright s’improvise en quelque sorte en digne héritier de Baz Luhrmann, en adoptant une exubérance formelle qui nous a forcément fait penser au festin pour les yeux qu’a été Moulin Rouge.
L’immersion dans l’univers d’une Russie révolue depuis très longtemps s’opère ainsi par le biais d’un décor théâtral, qui servira de base à toutes les séquences suivantes. En dénaturant volontairement l’arrière-plan ou plutôt en lui restituant toute sa splendeur artificielle propre à la fiction, la narration ne fait pas seulement abstraction de nos notions habituelles de l’espace filmique. Elle démarre également sur un ton si vigoureux et rythmé que seules les chansons manquent pour créer l’illusion d’un spectacle musical orchestré au moindre mouvement près. Cette surenchère de transitions enjouées et de raccourcis vertigineux risque de lasser à la longue, surtout quand la dimension tragique de l’affaire maudite est censée prendre le dessus. Elle garantit cependant un divertissement de haut vol, enivrant et enchanteur, comme le cinéma n’ose plus en faire souvent de nos jours.
A l’abolition des repères dans l’espace correspond parfaitement une structure temporelle elle aussi très libre et instinctive, qui rapproche davantage cette Anna Karénine-ci du rêve éveillé, parfois aux tendances cauchemardesques. Une histoire a priori connue par la plupart des spectateurs gagne ainsi en fraîcheur et en vivacité, alors qu’une nouvelle adaptation académique n’aurait strictement rien contribué à la réinvention d’un genre poussiéreux. En s’inspirant amplement des dispositifs formels de la grande époque de Luhrmann, Joe Wright n’est certes qu’un récupérateur adroit de figures de style que l’on croyait passé de mode. Mais son feux d’artifices, justement aux antipodes du courant naturel que le film à costumes paraît prendre depuis quelques années déjà, nous réserve ici un petit miracle cinématographique à l’excès amplement assumé.

Vu le 16 novembre 2012, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu: