Looper

Looper
Titre original:Looper
Réalisateur:Rian Johnson
Sortie:Cinéma
Durée:118 minutes
Date:31 octobre 2012
Note:
En 2044, Joe est un « looper », un tueur à gages qui élimine les personnes devenues gênantes pour la mafia dans le futur. En effet, une machine pour voyager dans le temps aura été mise au point, mais rapidement interdite. Seulement employée par le crime organisé, elle lui servira alors pour disposer plus facilement des corps, en les renvoyant une vingtaine d’années en arrière. Le travail lucratif de Joe a cependant un côté déplaisant : il arrive que ses commanditaires ferment une boucle temporelle en renvoyant le tueur même à un âge plus avancé. Seth, le meilleur ami et collègue de Joe, n’a pas pu assassiner sa propre version et l’a laissé s’échapper. Il est dès lors recherché par Abe, le parrain de la mafia du présent. Puisqu’il lui a donné refuge, Joe tombe également en disgrâce auprès d’Abe.

Critique de Tootpadu

La brièveté et la précision n’ont jamais été le point fort des films du réalisateur Rian Johnson. Il n’en est point autrement avec son troisième, qui va piocher abondamment dans les recettes éprouvées du genre fantastique au sens large, sans en tirer pour autant une vision entièrement engageante du futur. Le manque d’originalité n’est toutefois pas notre problème principal avec Looper, mais plutôt un rythme narratif rapiécé et une fausse licence visuelle, qui nous a dérouté au lieu d’accroître la crédibilité d’une histoire trop alambiquée.
Joseph Gordon-Levitt compte depuis près de dix ans parmi les jeunes talents les plus prometteurs du cinéma américain. Son parcours n’a pas été sans faute jusqu’à présent, mais il sait alterner assez adroitement entre les productions d’envergure des studios hollywoodiens et des films aux ambitions plus intimistes. Même si ses films ne sont pas toujours des chefs-d’œuvre – loin s’en faut –, ses interprétations se démarquent quasiment sans exception par le charme et le talent de cet acteur très solide. Ici, l’aspect bouffi de son visage, ainsi qu’une modification notable de ses traits, le font par contre apparaître fatigué et peu impliqué dans un rôle, qui est pourtant censé rendre attrayant pour nous le style de vie d’un tueur sans scrupules, jusqu’à ce que le cercle vicieux se referme sur lui.
Encore peu sûrs de ce qui est supposé être le présent et le futur au sein d’un récit aux indications peu claires, à la structure temporelle encore plus embrouillée à cause de cet étrange effet de vieillissement de l’acteur principal, nous y avons à peine trouvé nos repères que la narration abandonne largement l’idée du voyage dans le temps pour se concentrer désormais sur la nébuleuse protection d’un enfant au potentiel déterminant pour l’avenir d’une civilisation de toute façon en mauvaise posture. Tandis que la première partie du film s’inspire surtout de la prémisse de L’Armée des douze singes de Terry Gilliam et, dans une moindre mesure, de Sale môme de Jon Turteltaub, déjà avec Bruce Willis aux prises avec un retour à la jeunesse peu harmonieux, la deuxième recycle assez mollement le concept éculé de l’enfant aux tendances monstrueuses, qu’il vaut mieux éliminer que de laisser libre cours à ses super-pouvoirs a priori maléfiques.
La nouvelle déclinaison de ces poncifs du cinéma de genre se fait hélas sans un entrain narratif suffisamment vigoureux pour nous guider à travers les nombreuses incongruités de l’histoire. Comme dans ses deux films précédents, la mise en scène de Rian Johnson est le principal coupable de ce flux narratif, ponctué plus par des longueurs que par des coups de tonnerre, trop détendu et morcelé pour conférer un véritable attrait à ce film, qui ne poursuit en fin de compte aucun de ses points de départs jusqu’au bout.

Vu le 11 octobre 2012, au Gaumont Marignan, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Sauf si on s’appelle James Cameron (Avatar, Abyss, Terminator), Christopher Nolan (Inception), Ridley Scott (Blade Runner, Alien), George Lucas (Star Wars) ou encore Stanley Kubrick (2001), et Paul Verhoeven (Robocop, Total recall), réussir un bon film de science-fiction est une mission ardue, voire impossible. En effet, soit le film est réussi, voire très bon, soit il sera mauvais, voire totalement raté. De ce fait, rares sont les films de science-fiction qui sortent actuellement des grands studio sans être des remakes, des préquelles ou autres resucées d’œuvre ayant marqué la mémoire des spectateurs. La plupart de ces œuvres formatées ne sont guère originales et ont tendance à s’oublier aussitôt vu. Looper fait exception à la règle, car c'est un parfait amalgame entre un cinéma indépendant et intelligent et le film d’action classique. Il repose sur un casting très séduisant : Bruce Willis (excellent acteur lorsqu’il est dirigé avec brio), Joseph Gordon-Levitt et surtout la sublime Emily Blunt.

Le scénario assez innovant permet non seulement de rendre hommage aux classiques de la science-fiction, mais d’apporter une approche plus adulte et plus intimiste au traitement apporté. Ainsi dans un futur pas si lointain, la mafia a mis en place un système parfait pour éliminer toutes les personnes gênantes. Elle les expédie dans le passé, à notre époque où des "loopers" (tueurs) les éliminent. Pourtant un jour, l’un d'entre eux Joe (Joseph Gordon-Levitt) se retrouve face à lui-même avec vingt ans de plus (Bruce Willis). Ne pouvant pas la tuer immédiatement, une course poursuite s’engage entre sa version futuriste qui veut modifier son passé et lui-même. Ce duel finira dans une petite ferme, où habitent Sara (Emily Blunt) et son fils.

Ce film mérite au moins deux lectures pour être apprécié à sa juste valeur. Loin de ces films sortis de l’usine hollywoodienne à blockbusters sans âme, Looper accorde plus de crédit à la définition de ses personnages qui gravitent les uns autour des autres qu’à une simple succession de scènes d’action non stop. C’est cette approche qui fait tout le charme de cette petite production dans laquelle les effets spéciaux ne sont là que pour renforcer le climat et non masquer des lacunes. Certes, il est impossible de ne pas reconnaître dans le thème de ce film le pur chef d’œuvre qu’est Terminator, premier du nom, où une machine à tuer devait éliminer toutes les Sarah Connors du bottin. Ce rôle est présent dans le film par l’intermédiaire du personnage campé par Bruce Willis, qui a une liste d’enfants à tuer, car l’un d’eux est celui qui décidera de tuer tous les loopers existants. De la même manière, impossible de ne pas penser à Retour vers le futur en voyant le restaurant des années 1950.

Pratiquement non reconnaissable étant donné qu’il est allé jusqu’à vouloir ressembler à Bruce Willis, mais avec vingt ans de moins, Joseph Gordon Levitt porte le film vers le haut grâce à son interprétation forte. De la même manière, certains affrontements, aussi bien physiques que verbaux, entre ces deux acteurs dans la peau du même personnage est un des points forts de ce film, qui loin de jouer dans la facilité a plutôt tendance à vouloir innover en permanence, tout en respectant les règles définies dans les classiques traitant du voyage dans le temps.

Mais ce film ne traite pas uniquement du voyage dans le temps, loin de là même, il porte son intérêt sur la notion de dépassement de soi, d’équilibre personnel et surtout des sacrifices que l’on doit faire pour sa famille et ses proches. Ce n’est donc pas un hasard, si le film semble se détourner de sa route en portant son intérêt sur la relation entre Sara, son fils et Joe, père de substitution. Il montre aussi à quel point il est important, malgré un monde qui a perdu ses repères, de donner une bonne éducation à ses enfants et éviter de les laisser se détruire et se consumer de l’intérieur. Ce film rappelle ainsi la thématique du film Witness par cette approche d’une ferme isolée du monde et d’une certaine manière "Carrie", eut égard au rapport entre l’enfant tout puissant et sa mère.

Looper est donc une des bonnes surprises de ce mois de novembre. L’avenir décrit dans ce film est des plus réalistes et laisse entrevoir un monde chaotique et en plein cataclysme, où seuls les plus forts ont une chance de survivre.

Vu le 11 octobre 2012, au Gaumont Marignan, Salle 3, en VO

Note de Mulder: