Tempête sous un crâne

Tempête sous un crâne
Titre original:Tempête sous un crâne
Réalisateur:Clara Bouffartigue
Sortie:Cinéma
Durée:84 minutes
Date:24 octobre 2012
Note:
Une année scolaire au sein du collège Josephine Baker à Saint-Ouen, en région parisienne. Alice Henry et Isabelle Soubaigné enseignent toutes les deux dans la même classe, la Quatrième C, la première en tant que professeure de lettres modernes, la deuxième en arts plastiques.

Critique de Tootpadu

Le métier d’enseignant ne nous a jamais paru particulièrement attrayant. En dépit d’une petite tradition familiale, qui a vu notre mère et tout récemment notre sœur exercer cette profession, et surtout parce que notre propre scolarité ne nous inspire point de nostalgie, il ne paraît y avoir – à notre humble avis – aucun point positif à cette forme obligée de la transmission du savoir. Ce documentaire passionnant n’aura certes pas permis de nous faire changer complètement d’opinion, mais sa vivacité remarquable et son absence d’un parti pris idéologique donnent un aperçu à fleur de peau de ce qui est, pour le meilleur et pour le pire, l’enseignement national au quotidien.
Tempête sous un crâne interpelle d’abord par ce qu’il ne montre pas : les parents et le contexte privé des élèves sont autant laissés de côté que la plupart des autres matières qui ne sont pas enseignées par les deux profs principales. De même, si certains cas à problèmes sortent plus facilement du lot, l’apparence de la classe reste assez homogène et presque anonyme en tant qu’entité plus ou moins abstraite, contre laquelle Alice et Isabelle doivent se dresser jour après jour. Car ce qui ressort surtout du deuxième film de la réalisatrice Clara Bouffartigue, c’est un antagonisme cru entre la dissipation des adolescents et l’effort vaillant de ceux et celles qui étaient considérés autrefois comme des figures d’autorité, pour leur faire apprendre le programme du collège dans tout son idéalisme pédagogique.
Ainsi, on cherchera en vain dans cet établissement d’une zone d’éducation prioritaire une discipline draconienne. Comme l’explique la professeure de lettres dans le dossier de presse, elle s’était obstinée au début de son parcours à l’imposer, en vain. Jusqu’à ce qu’elle arrive à comprendre que l’indifférence manifeste de ses élèves envers les œuvres de Zola ou de Rimbaud n’allait pas être balayée par le fouet, au sens figuré bien entendu, mais qu’elle devait au contraire rendre ses cours assez intéressants pour qu’ils en tirent quelque chose. Par conséquent, elle a l’air de souffrir le martyr dans cette fosse aux lions pré-pubères, dont les plus insolents ne semblent venir à l’école que pour se mettre en scène au grand dam des adultes, profs et parents confondus. Sa collègue des arts plastiques s’en sort à peine mieux, peut-être parce qu’elle laisse libre cours au tempérament impétueux de ses élèves, dans l’espoir qu’une petite partie en arrive à s’exprimer d’une manière artistique et créative.
Pourtant, ce documentaire ne s’apparente pas à un film d’horreur sur l’échec flagrant de notre système éducatif. D’un, parce que les efforts incessants du personnel enseignant – des conseillères principales d’éducation et de la chef d’établissement jusqu’aux profs – portent malgré tout leurs fruits, timides et éphémères, mais suffisamment marquants pour freiner notre volonté de jeter toute une génération aux orties. Et de deux, grâce au ton juste que l’œil observateur de la réalisatrice trouve à chaque instant. A partir de l’architecture du collège, dont les larges baies vitrées invitent carrément à un mélange salutaire entre la transparence et le voyeurisme, elle dresse le portrait bref mais précis, ni trop positif, ni trop défaitiste, de ce que l’enseignement représente aujourd’hui en France.

Vu le 3 octobre 2012, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: