Titre original: | Part des anges (La) |
Réalisateur: | Ken Loach |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 101 minutes |
Date: | 27 juin 2012 |
Note: | |
Issu d’un milieu défavorisé, Robbie passe une fois de plus devant le juge, pour une agression violente. Puisque le jeune homme attend son premier enfant avec sa copine Leonie, il n’est condamné qu’à une peine de trois-cents heures de travail d’intérêt général. Son éducateur Harry le prend sous son aile et l’initie, avec quelques autres jeunes délinquants, à l’art de la fabrication du whisky. Quand son passé trouble risque de le rattraper après la naissance de son fils, Robbie décide de tout faire pour échapper à la misère, quitte à commettre un dernier délit avant de rentrer dans le droit chemin.
Critique de Tootpadu
Ken Loach reste fidèle à lui-même avec son nouveau film, lauréat du Prix du jury au dernier festival de Cannes. Le drame social le plus cru et désespérant y côtoie une affirmation légère et optimiste de la vie. Le mélange entre la tragédie d’un jeune adulte qui serait déjà condamné à une existence minable et la comédie des tentatives pour s’en sortir malgré tout est en effet assez prodigieux dans La Part des anges, pour qu’on adhère une fois de plus à la recette Loach, aussi doucement édifiante et prévisible soit-elle. La modestie du propos de ce film engagé souligne alors d’une façon flagrante à quel point le paysage cinématographique du Royaume-Uni serait exempt d’une conscience sociale, s’il ne pouvait compter sur ce réalisateur d’une fiabilité parfaite, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des plus démunis.
Car une fois de plus, la couche sociale dans le collimateur de la caméra de Ken Loach ne se distingue que par sa médiocrité prolétaire. La plupart des personnages du film n’aspirent au début qu’à se bagarrer ou à se bourrer la gueule. C’est dans l’univers des parasites oisifs que le réalisateur nous entraîne, dans une forme de marginalité sociale qui se complaît à tourner en rond dans le cercle vicieux de la violence et de l’alcool. Nul besoin pour la narration de recourir aux préjugés les plus réducteurs pour montrer à quel point ce milieu manque de sophistication. Une seule séquence suffit pour indiquer d’où vient Robbie et à quelle bestialité il cherche à s’arracher : celle de la dégustation des échantillons de whisky entre amis, perturbée sans cesse par les manifestations grossières du maître des lieux.
Son ascension vers un style de vie plus stable ne s’opère évidemment pas comme dans un film hollywoodien, par le biais d’un dépassement de soi et un chantage aux sentiments en bonne et due forme. La malice de Ken Loach consiste au contraire à offrir la possibilité à son jeune héros de faire un dernier pied de nez illégal au milieu si riche, qu’il peut dépenser un million de livres pour un cru à l’origine et à la pureté douteuses, et auquel il aspire pourtant humblement. Le fait que le personnage qui symbolise cet autre extrême social est justement américain doit probablement être compris comme l’ultime clin d’œil aux mythes du riche et du pauvre dans le monde anglo-saxon.
Or, plutôt que d’exacerber les antagonismes hâtifs, la mise en scène préfère creuser dans la dimension humaine, et donc imparfaite, des personnages. Cela peut faire mal, comme lors de la confrontation de Robbie avec sa victime, et cela peut aussi aller droit au cœur, comme les gestes maladroits, mais altruistes, de Harry qui visent à élargir l’horizon de ses jeunes et à leur transmettre une passion. L’acuité du regard sur le côté humain de cette histoire douce-amère nous fait même oublier ses quelques lacunes formelles. Jamais un virtuose de l’esthétique visuelle, Ken Loach s’approche en effet dangereusement d’un niveau passable avec ce film plaisant.
Vu le 2 octobre 2012, au Saint-Lazare Pasquier, Salle 2, en VO
Note de Tootpadu: