Titre original: | Invisibles (Les) |
Réalisateur: | Sébastien Lifshitz |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 117 minutes |
Date: | 28 novembre 2012 |
Note: | |
Un tour d’horizon de quelques hommes et femmes, célibataires ou vivants en couple, tous nés dans l’entre-deux-guerres, qui ont vécu leur homosexualité à leur façon, alors que l’amour entre deux personnes du même sexe était socialement, voire légalement, stigmatisé en France.
Critique de Tootpadu
Il n’a pas toujours fait bon vivre en France, en tant que pédé ou gouine. Alors que les pratiques homosexuelles, sous leur forme la plus conformiste et respectable à l’égard du statu quo du couple pérenne, sont entrées presque naturellement dans les mœurs dans ce pays depuis une bonne dizaine d’années, la tolérance, ou plutôt l’indifférence envers les styles de vie qui sortent de la règle hétéro-centriste n’allait pas de soi pour la génération, qui constitue désormais la vieille garde de la population nationale. Après avoir entrepris un voyage éminemment personnel dans La Traversée, son documentaire précédent sorti il y a onze ans, le réalisateur Sébastien Lifshitz aborde ici le sujet plus global de la quête identitaire d’une communauté gaie et lesbienne, en panne d’une représentation valorisante.
Ce qui ressort en effet de la plupart des interventions dans Les Invisibles, c’est ce malaise de ne pas pouvoir se réclamer haut et fort de ses préférences sexuelles, par peur de subir une discrimination cinglante ou plus simplement de ne pas correspondre au modèle qu’une éducation tout à fait cadenassée dans le domaine de la reconnaissance des genres a inculqué à ces garçons et ces filles, qui se sentaient différents dès leur plus jeune âge. Et pourtant, le tableau que le film dresse d’une façon sommaire, mais néanmoins fascinante, de la vie homosexuelle au milieu du siècle dernier n’est pas forcément morose. Il se distingue même par une certaine joie de vivre, sans doute parce que l’échantillon des personnes interrogées a trouvé tôt ou tard le moyen de vivre au grand jour son amour autrefois interdit. C’est aussi grâce à la vision désormais moins étriquée de la société française que les souvenirs nostalgiques sonnent moins amers qu’ils ne l’auraient été, s’il fallait toujours se cacher honteusement pour assouvir son orientation sexuelle minoritaire.
Toutefois, le sixième film de Sébastien Lifshitz ne relève point du pamphlet revendicateur ou revanchard. Il vise davantage une forme de quiétude, qui est relayée par les nombreux plans d’une idylle bucolique. En incluant le calme de la nature dans les récits pas toujours roses bonbon de ces septuagénaires et octogénaires qui se livrent sans gêne à la caméra, il procède à une démystification et une banalisation adroites d’un problème de société – la discrimination dissimulée des minorités – qui a pu causer bien des souffrances chez des individus pas assez forts ou courageux pour affirmer leur volonté de vivre librement.
En même temps, aussi exemplaire le fait de donner la parole à un groupe quasiment absent de la discussion publique soit-il, il manque au film ne serait-ce qu’une bribe de jeunesse fougueuse, en mesure de pimenter l’immense sagesse qui anime le plus souvent les discours de ces vieux guère vicieux. Car même si certains d’entre eux font encore preuve d’une vivacité remarquable pour leur âge, l’expérience du vécu les a presque tous rendus mélancoliques face à une existence, dont le crépuscule s’approche à vue d’œil.
Vu le 2 octobre 2012, au Club de l'Etoile
Note de Tootpadu: