Des hommes sans loi

Des hommes sans loi
Titre original:Des hommes sans loi
Réalisateur:John Hillcoat
Sortie:Cinéma
Durée:116 minutes
Date:12 septembre 2012
Note:
En 1931, dans le comté de Franklin en Virginie, les trois frères Bondurant profitent amplement de la prohibition. Ils vendent leur alcool de contrebande dans toute la région, sous l’œil complice de la police locale. Tout le monde trouve son compte dans ce marché clandestin, jusqu’à ce que Jack, le plus jeune et inexpérimenté des frères, rêve de faire fortune afin d’impressionner la fille du pasteur, et que le procureur envoie l’agent fédéral Charlie Rakes pour faire le ménage. Pris dans l’étau entre leurs ambitions d’expansion et la menace constante d’être inquiétés par les forces de l’ordre, les Bondurant ne tarderont pas à mettre à l’épreuve la légende qui les dit invincibles.

Critique de Tootpadu

Deux cabotins se livrent une bataille féroce dans le cinquième film du réalisateur John Hillcoat. Tom Hardy et Guy Pearce y jouent essentiellement les deux faces d’un même personnage, c’est-à-dire d’un homme que sa propre vanité mènera tôt ou tard à sa perte. D’un côté, Forrest Bondurant feint la mise en retrait pour mieux asseoir son pouvoir, si nécessaire en proférant des menaces à voix basse. Et de l’autre, l’agent spécial Charlie Rakes est si extraverti et à cheval sur son apparence que ses ennemis doutent de sa virilité. Le point commun entre ces deux interprétations à la grandiloquence difficile à supporter est le grommellement, comme signe de désapprobation de tant d’adversité perçue comme injustifiée. Face à ces très mauvais tours de force, personne ne fait le poids dans Des hommes sans loi, ni le pauvre Shia LaBeouf, dont le talent grossier est visiblement dépassé par les subtilités qu’exigerait son personnage de faible, ni les deux actrices à la mode, Jessica Chastain et Mia Wasikowska, qui se fondent docilement dans le décor.
Toutefois, le principal coupable d’une interprétation si caricaturale est naturellement la mise en scène, molle et inintéressante au possible, qui ne trouve aucun angle d’attaque pour tirer quoique ce soit de pertinent du genre éculé des films de gangster à l’époque de la prohibition. Au cours du scénario répétitif et superficiel de Nick Cave, il est certes question de légendes et de bouleversements sociaux contre lesquels l’individu – et à plus forte raison le hors-la-loi – est appelé à s’insurger. Mais le sort de ce clan de bouseux, qui accède comme par miracle au sommet de la pyramide du crime organisé dans sa région, nous reste complètement indifférent. Une ampleur quelconque fait totalement défaut à la narration, qui se satisfait d’une fadeur dramatique digne d’un téléfilm.
En somme, ce film-ci est une relecture aussi peu inspirée de son genre que l’a été il y a plus de quinze ans Les Hommes de l’ombre de Lee Tamahori pour son pendant policier. Les ingrédients y sont bien présents. Leur agencement est cependant si bancal et fastidieux, qu’on s’ennuie fermement devant une telle resucée paresseuse. Même ses aspects les plus démesurés, comme l’emphase pitoyable du jeu des comédiens cités plus haut, n’apportent pas la moindre saveur à cette histoire, piégée dans l’esthétique creuse d’une carte postale en ton sépia.

Vu le 12 septembre 2012, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 16, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

John Hillcoat nous avait séduits avec son très beau et réussi film de science-fiction La Route, dans lequel un père (campé par Viggo Mortensen) traversait les Etats-Unis dans un monde apocalyptique. Il tirait la force de ce film par un scénario très réussi (tiré d’un livre de Cormack McCarthy) et surtout par l’interprétation très convaincante de ses acteurs principaux, dirigés de main de maître.

Il garde cet aspect de liens forts familiaux, mais change de genre et s’atèle cette fois à l’histoire de trois frères pendant la prohibition. Ainsi en 1931, en Virginie (comté de Franklin), les trois frères Bondurant sont des trafiquants reconnus, mais respectant un certain code moral. Ces trois frères ont chacun un trait particulier. Le plus jeune, Jack (Shia LaBeouf dans son meilleur rôle à ce jour), est ambitieux et souhaite conquérir Bertha, la fille du pasteur. Howard (interprété par Jason Clarke), le cadet, est un bagarreur et est porté sur l’alcool. Enfin, Forrest est l’aîné, le chef du clan (Tom Hardy, exceptionnel acteur). Il remplace la figure paternelle de leurs parents morts quelques années plus tôt. Il est le protecteur du clan et prend sous son aile Maggie, qui a fui la ville gangrenée de Chicago. Face à une police corrompue et des gangsters rivaux, ces trois frères vont garder intact leur code de conduite et écrire une page de légende de cette époque. Ce film est tiré du livre de Matt Bondurant, qui s’inspire de l’histoire vraie de son grand père et de ses deux oncles.

La période de la prohibition a souvent servi à Hollywood à établir de grands films de gangsters. Certains récents restent comme des modèles du genre. Sergio Leone avec Il était une fois en Amérique est celui qui restera comme l’exemple parfait par son scénario sans faille, son casting parfait et surtout par cette vision d’une Amérique en construction. De la même manière, Brian De Palma avec Les Incorruptibles signa l’un de ses meilleurs films et montra Chicago sous ses pires jours. Plus récemment, le film Public enemies de Michael Mann retraçait la funèbre histoire de John Dillinger. A cette liste, il faudra donc maintenant rajouter Des hommes sans loi.

Non seulement, l’ambiance découlant d’un scénario très détaillé, mais également la musique omniprésente font de ce film un modèle du genre. Nick Cave signe ici en effet la musique (en collaboration avec Warren Ellis), mais également le scénario, son quatrième. L’ambiance, la mise en scène dépouillée, la direction parfaite d’acteurs s’emboîtent tout naturellement et font de ce film un grand moment de cinéma. L’ombre d’un Sergio Leone semble planer sur ce film par la description de ces trois frères, liés et intègres.

Certes, certains passages sont d’une violence inouïe, mais ne sont que le reflet d’une période où la mafia était omniprésente et où rester intègre était difficile, voire impossible. Il fallait protéger ses proches et ses biens et surtout ne pas adhérer à des pratiques nauséabondes, comme le représente si bien ici l’agent de loi Charlie Rakes, corrompu et aux pratiques déviantes.

Tom Hardy est une nouvelle fois prodigieux et, de film en film, il s’impose comme un des acteurs les plus intéressants, jonglant entre le film de science-fiction (Inception) et la comédie (Target) et s’affirmant comme l’un des plus doués sous la direction de Christopher Nolan (Inception et The Dark Knight rises). La réussite de ce film doit beaucoup à sa présence magnétique et pratiquement sans un mot, où par un regard ou un grognement, il électrise toute une scène.

Vu le 5 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: