Bêtes du sud sauvage (Les)

Bêtes du sud sauvage (Les)
Titre original:Bêtes du sud sauvage (Les)
Réalisateur:Benh Zeitlin
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:12 décembre 2012
Note:
La jeune Hushpuppy vit seule avec son père dans le bayou, à l’extrémité sud de la Louisiane. Cette région en amont du barrage suit ses propres règles, au gré des tempêtes, des fêtes ancestrales, et des superstitions. Alors qu’un nouvel ouragan menace le bassin et que son père souffre d’une étrange maladie, Hushpuppy se met en tête de partir à la recherche de sa mère.

Critique de Tootpadu

Parti grand favoris dès sa sélection en compétition à ce festival de Deauville, à cause de sa Caméra d’or cannoise et de l’engouement de la critique américaine pour ce participant probable à la course aux Oscars, ce premier film enchanteur figure parmi ces coups de cœur décrétés d’office, qui nous touchent sans nous enthousiasmer. Sa plus grande qualité est sa capacité à créer une aura métaphysique, qui le place volontairement du côté du conte. La figure récurrente des bêtes du tire – à condition de ne pas interpréter le style de vie à la dure de la fillette lui aussi comme une forme de bestialité – nous a ainsi fortement rappelé celles de l’univers de Maurice Sendak.
Même si l’Amérique des Bêtes du sud sauvage vibre au rythme de la fantaisie d’une gamine de six ans, le regard du réalisateur Benh Zeitlin ne se laisse pas pour autant amadouer par des enfantillages. Il se démarque au contraire par la volonté maintes fois renouvelée d’instaurer un décalage entre les dures réalités de la vie dans le bayou, avec sa précarité, son alcoolisme, et son exclusion de ce que la civilisation américaine croit avoir de plus précieux à offrir, et le point de vue presque animiste de Hushpuppy, qui se fie au battement du cœur des animaux et des hommes pour se repérer dans un monde qui la dépasse. Le thème aussi global que difficile à traiter du rapport personnel à la vie et à la mort se trouve ainsi au centre d’un film, qui n’ignore point la décomposition, mais qui célèbre avant tout la ténacité et l’omniprésence de la vie.
Pour une fois que l’emploi appuyé d’une voix off ne nous gêne pas plus que ça, celle-ci transmet presque l’intégralité du contenu philosophique du film. L’interprétation de la jeune Quvenzhané Wallis dépend largement de ces réminiscences et autres observations existentielles, dans le cadre d’un personnage presque aussi éthéré que le ton général du film. C’est peut-être à cause de ses aspirations trop vaguement spirituelles que ce film ne nous a pas impressionnés outre mesure, malgré un traitement assez original de l’enfance.

Vu le 7 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Déjà récompensé en début d’année à Sundance du Grand prix du jury et de la Caméra d’or au festival de Cannes, ce film repart du festival du Deauville avec le Grand Prix de cette 38ème session.

Ce conte sur le passage de l’enfance à l’âge adulte fut l’un des temps forts du festival et son auréole de film couronné est amplement mérité pour de multiples raisons. Véritable homme orchestre, Benh Zeitlin a non seulement signé la réalisation, mais également le scénario et la musique de son premier film. S’appuyant sur le paysage somptueux d’un bidonville de la Louisiane dans les bayous et sur des acteurs non professionnels, il réussit à dresser non seulement d’une micro-société laissé à l’abandon, mais surtout la relation difficile entre un père (Dwight Henry) et sa fille unique (Quvenzhané Wallis) dans un milieu hostile naturel.

Après une ouverture plantant le décor et les personnages principaux, l’histoire oppose la nature hostile à une société industrielle qui l’est également. Entre ces deux sphères, des rejetés de la société se sont construits dans les immondices leur microcosme. Le réalisateur filme son premier ouvrage comme un mélange de documentaire et de conte philosophique sur l’apprentissage de la vie. De ses erreurs, l’héroïne, Hushpuppy, va apprendre et grandir. Pour elle, les bovins préhistoriques géants, les aurochs qu’elle sent se rapprocher d’elle peuvent être interprétés comme le progrès, le modernisme qui menace son village. Ce modernisme qui détruit peu à peu une terre déjà peu gâtée par la nature.

Coup de cœur du festival, ce film mérite d’être découvert, car il apporte une autre vision du cinéma américain. Cette errance initiatique d’une jeune fille nous rappelle à quel point la vie peut être difficile pour les démunis et à quel point notre société nous force à consommer et à acheter des choses inutiles. Quand le consumérisme américain de masse paralyse tout un peuple et le pousse à surconsommer, ce film qui prône le retour à la nature, aux choses simples est un plaisir qui ne se refuse pas.

Vu le 7 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: