Secret (The)

Secret (The)
Titre original:Secret (The)
Réalisateur:Pascal Laugier
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:05 septembre 2012
Note:
La petite ville isolée de Cold Rock a été sinistrée : d’abord par la fermeture de la mine locale, et puis par une étrange malédiction qui fait disparaître un enfant après l’autre à intervalles réguliers. Les habitants croient que ces enlèvements sont l’œuvre d’un grand homme habillé tout en noir, aperçu à plusieurs reprises dans la région. L’infirmière Julia Denning n’a aucune considération pour ces légendes urbaines, puisqu’elle passe son temps à préserver l’encadrement médical des villageois, assuré auparavant par feu son mari. Quand son propre fils David est enlevé en pleine nuit par cet individu mystérieux, elle fera tout son possible pour le retrouver.

Critique de Tootpadu

Plutôt lente au démarrage, l’intrigue du troisième film de Pascal Laugier gagne en intensité, une fois que le fils du personnage principal a été enlevé. Dès lors, un climat de peur et d’une paranoïa diffuse s’empare du film, jusqu’au moment du revirement majeur de l’histoire. Sans vouloir crier au miracle à la hauteur de la révélation dans Sixième sens de M. Night Shyamalan, ni au mensonge cinématographique dans la tradition de Alfred Hitchcock et son Grand alibi, nous devons tout de même admettre que la manipulation a eu son petit effet sur nous, comme pour mieux soulever le piège traditionnel du besoin profond du spectateur de s’identifier avec le protagoniste. Le problème est que ce coup de théâtre intervient quasiment à la moitié de la durée du film et que The Secret nous fait passer ensuite par tous les stades de compréhension du pourquoi d’une telle abomination.
Comme ce fut le cas des deux films précédents du réalisateur, celui-ci est essentiellement une affaire de femmes. Ce sont elles qui maintiennent la ville en vie, elles qui s’opposent à la superstition maléfique, voire elles qui content l’histoire en voix off, même si le dispositif du récit cadre ne nous paraît nullement indispensable dans le contexte d’un film sans ambition éducative particulière. Néanmoins, la facture du film ne se ressent guère de tant de participation féminine. Elle emprunte davantage le parcours d’un film d’horreur conventionnel, dans lequel la sensation d’oppression provient au moins autant du décor inhabité que d’une menace concrète, réellement à l’œuvre à deux ou trois reprises au fil du récit. Peut-être est-ce pour insister sur cette solitude en pleine nature que la mise en scène fait abondamment appel aux plans pris depuis le point de vue divin, qui montrent une voiture progresser vers une destination inconnue sur une route déserte, bordée d’une végétation épaisse ?
Après la réputation sulfureuse du choc Martyrs, nous nous attendions à quelque chose de plus original de la part de son réalisateur que ce thriller honorable, mais point exceptionnel. En tout cas, le déséquilibre de sa structure scénaristique ne contribue pas à la montée d’une tension palpable, qui nous ferait sursauter sur notre siège, au lieu de nous laisser attendre patiemment la prochaine explication du dessein machiavélique du personnage à double face.

Vu le 29 août 2012, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Il aura suffi d’un second film incontournable, Martyrs (2008), pour faire de Pascal Laugier un réalisateur incontournable du paysage fantastique français. Certes, son premier film Saint Ange annonçait que ce jeune réalisateur avait du talent à revendre, mais sa fin ratée gâchait un peu le plaisir pris à suivre cette histoire tout au long.

A travers ses trois films, le réalisateur en signant à chaque fois le scénario a su totalement maîtriser son sujet et lutter à sa façon contre les diktats des grands studios. Martyrs s’était imposé dès sa première vision comme un film très violent, un climat oppressant sans relâche et surtout une direction d’actrices sans faille (Mylène Jamponai, sublime). Le troisième film de ce réalisateur émérite était donc attendu avec une certaines impatience, surtout qu’il s’agissait de son premier film américain, tourné en anglais et reposant sur un casting des plus séduisants.

L’histoire ici contée se passe dans une petite ville minière isolée des Etats-Unis (Cold Rock) dans laquelle de nombreux enfants disparaissent au fil des ans sans laisser aucune trace et sans jamais être retrouvés. La population de ce village semble avoir des doutes sur l’un des leurs, mais l’héroïne supposée Julia (Jessica Biel) pense que les légendes urbaines relatives à un « grand homme » sont fausses. Pourtant, son fils de six ans est enlevé un soir dans sa maison. Sur ce postulat simple, le réalisateur va prendre un malin plaisir à jouer sur les apparences et faire de son film un film à part, dont la fin est non seulement imprévisible, mais également très originale. Dans ces conditions, difficile de qualifier ce film qui n’est pas un film fantastique, comme le fut Saint Ange, ni un film d’horreur viscéral comme Martyrs. Il s’agit ici beaucoup plus d’un thriller lugubre et saisissant.

Pascal Laugier a réussi là où beaucoup de réalisateur français expatriés le temps d’un film ont échoué, c'est-à-dire faire un film tenant autant à une conceptualisation américaine que française. Cette alchimie à part se ressent par certains plans originaux tout au long du film et une approche intelligente d’une vision cauchemardesque d’une Amérique profonde. Tout en gardant son intégrité et un contrôle total de son œuvre, il arrive tel un potier inspiré à retrouver les sources de l’horreur américaine pure et à tirer un maximum de son décor naturel. Loin de déverser des litres de sang devant nos yeux, il préfère revenir à une horreur dissimulée et profonde. Inspiré surement par l’univers de Stephen King (mon écrivain favori), il part donc d’une étude de caractère et de faits ordinaires pour précipiter ses principaux personnages dans une spirale des plus inquiétantes. De la même manière, son sujet aurait pu constituer une enquête de l’agent Mulder et Scully, comme en témoigne son intrigue sinueuse et la présence non hasardeuse de l’acteur William B Davis.

The Secret constitue donc une réussite exemplaire d’un réalisateur, certes trop entier dans ses propos, mais suffisamment instruit et perfectionniste pour satisfaire notre attente de passionné de cinéma fantastique, voire de thriller ambitieux dont ce film est l’exemple parfait.

Vu le 3 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: