Titre original: | Hunger games |
Réalisateur: | Gary Ross |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 143 minutes |
Date: | 21 mars 2012 |
Note: | |
Depuis 74 ans, la paix n’est maintenue que grâce aux Hunger games, un jeu jusqu’à la mort entre des filles et des garçons, dont chaque district doit envoyer deux à la capitale, année après année, en guise de tribut pour les insurrections du passé. Au district 12, une région pauvre, peuplée de mineurs, le tirage au sort désigne la petite sœur de Katniss Everdeen. Afin de lui éviter ce supplice et une mort certaine, la jeune femme se porte volontaire pour prendre sa place, aux côtés de Peeta Mellark, le candidat masculin destiné à ce spectacle de gladiateurs modernes. Ensemble, ils sont préparés par l’ancien champion Haymitch au jour fatidique, où ils seront lâchés dans la nature avec une vingtaine d’autres adolescents pour s’entre-tuer.
Critique de Tootpadu
Au début du millénaire, Battle royale de Kinji Fukasaku a déjà dit tout ce qu’il y avait à dire sur les perversions de la télé-réalité, sur le cynisme des médias et de la classe dirigeante, et sur la délectation du public envers la souffrance de l’autre, quitte à ce qu’elle aille jusqu’au voyeurisme de l’agonie. Et trois ans plus tôt, le pas moins remarquable Truman show de Peter Weir avait jeté un regard satirique sur cette obsession typiquement américaine du contrôle absolu d’un monde, dans lequel la distinction entre la fiction et la réalité s’estompe progressivement. Comparé à ces deux films essentiels sur le thème de la manipulation macabre des masses, Hunger games n’est qu’une resucée creuse et banale, tournée de surcroît sans la moindre imagination par un réalisateur, qui avait pourtant su nous charmer auparavant avec un autre conte sur des mondes parallèles et ses chimères audiovisuelles, grâce à Pleasantville.
La dichotomie temporelle assez scrupuleusement respectée, entre le procédé de sélection / préparation et le jeu à proprement parler, peut facilement être considérée comme l’unique accomplissement d’une narration, autrement dépassée de tous les côtés par son sujet. Car Gary Ross montre une fois de plus qu’il est un tâcheron assez lamentable, qui ne sait pas plus où mettre sa caméra pour créer un petit peu de tension diégétique, que comment rythmer un récit à l’ambition certes épique, mais en fin de compte horriblement rapiécé et superficiel. La question vitale qui nous préoccupe rapidement n’est ainsi pas celle de savoir lequel des participants sera le prochain à se faire éliminer sommairement, sans état d’âme, ni soin chorégraphique dans l’orchestration de la violence, mais plutôt celle sur l’espoir de plus en plus illusoire de voir cette histoire bancale nous surprendre par un infime écart de la voie toute tracée et interminable, qui mène vers une conclusion ennuyeusement consensuelle.
Faire du cinéma synthétique, cela paie visiblement, puisqu’il suffit de regarder le succès commercial de ce produit d’appel aux Etats-Unis pour appréhender une nouvelle saga au moins aussi inutile que celle de Twilight. Pareilles bagatelles cinématographiques nous laisseraient tout à fait indifférents, si ce n’était pour la participation d’acteurs aussi illustres que Donald Sutherland, Woody Harrelson, et Stanley Tucci, voire un nouveau venu au rôle hélas criminellement sous-développé en la personne de Lenny Kravitz. Tout ce beau monde ne réussit par contre pas à insuffler ne serait-ce qu’un semblant de vie à ce mastodonte aux pieds d’argile.
Vu le 1er mai 2012, au MK2 Bibliothèque, Salle 9, en VO
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Certains films réussissent à mélanger film d'auteur (pamphlet de notre société actuelle) et blockbuster enjoué avec succès. Même si la polémique enfle sur le fait que le livre de Suzanne Collins semble être un décalqué de Battle royale, le résultat obtenu impose le respect. Loin de la fadeur de la saga Twilight, le premier film de cette aventure est une pure réussite éclatante et la suite est donc attendue avec la plus grande impatience.
La société actuelle est caricaturée par ces fameux jeux donnant en pâture à son public vingt-quatre jeunes de douze à seize ans, dont il ne restera qu'un en fin de jeu. De la même manière que notre télévision met en relief des inconnus via des programmes musicaux ("The Voice", "Star academy"), voire des programmes de cuisine ("Top chef"), cette œuvre semble être la prochaine étape dans ce processus de starisation. Hunger games apparaît donc bien comme une critique de notre société actuelle, mais c'est surtout une réflexion sur une société qui se meurt et qui veut garder l'attention de ses éléments, en leur donnant ce que le public attend des martyrs. En prenant des enfants dans ses filets, c'est l'innocence bafouée qui en ressort gagnant. Entre les jeunes endoctrinés et surentraînés et ce personnage de Katniss (interprétée par la très talentueuse Jennifer Lawrence) l'affrontement est inévitable. Même si cette dernière n'a pas l'âme d'une guerrière, elle le deviendra au fur et à mesure de ce jeu de survie. C'est en maîtrisant son environnement que Katniss réussira à aider son compatriote blessé et à battre leurs adversaires.
Loin des effets trop souvent mis en avant pour cacher les nombreuses failles de ces blockbusters américains aseptisés, le scénario de ce film, sur lequel vient se calquer l'interprétation une fois de plus excellente de Jennifer Lawrence (la relève hollywoodienne, c'est bien elle), est d'une force lyrique telle cette chanson "Rue's Lullaby" que Katniss chante pour rassurer sa petite soeur et Peeta, son compagnon de fortune. La longueur de ce film permet la mise en place des différents éléments fondateurs de cette saga, sans ralentir le tempo contrairement au premier Harry Potter. La présentation des personnages dans leur milieu naturel se poursuit par leur intégration dans cette société décadente et par leur entraînement et affrontement sur ce terrain de jeu, contrôlable à volonté par les administrateurs (feu, abeilles mutantes, chiens tueurs, livraison de colis aériens). Même ceux qui ne connaissaient pas l'œuvre littéraire seront conquis par ce film d'aventure, de science-fiction et le dépassement de soi de Katniss.
Rajouter à cela la bande originale très forte (mention spéciale aux chansons "Eyes open" de Taylor Swift et "Rue's Lullaby" de Jennifer Lawrence). Rien dans ce film n'est laissé au hasard, le réalisateur de seconde équipe se révèle même être le brillant Steven Soderbergh. La somme de toutes ces qualités réunies (casting, scénario, réalisation) fait de ce film un incontournable de cette année.
Vu en mars 2012, au Gaumont Disney Village, en VF
Note de Mulder: