
Titre original: | 30 degrés couleur |
Réalisateur: | Lucien Jean-Baptiste, Philippe Larue |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 92 minutes |
Date: | 14 mars 2012 |
Note: | |
L’historien éminent Patrick Rima a tout fait pour renier ses origines antillaises. Il n’est plus retourné voir sa famille depuis plus de trente ans et croit suffire à ses obligations envers elle en envoyant de l’argent, dont il ne manque pas grâce à sa notoriété auprès de l’intelligentsia française. Quand il apprend que sa mère est mourante, il se rend à contrecœur à son chevet en compagnie de sa fille Alice, qui n’avait jamais rencontré sa famille du côté paternel. Leur arrivée en pleine période de carnaval ne facilite pas les retrouvailles sereines entre Patrick et les siens, qui lui reprochent d’avoir coupé les ponts depuis trop longtemps.
Critique de Tootpadu
A défaut, Lucien Jean-Baptiste peut d’ores et déjà se targuer – au bout de seulement deux films en tant que réalisateur – d’être un des cinéastes majeurs de la niche des productions issues de la France d’outre-mer. Le cinéma français n’a en effet jamais réservé une place de choix aux films qui traitent de thèmes spécifiques aux territoires et domaines d’outre-mer. On peut voir dans ce dédain à peine voilé un indice supplémentaire pour les nombreuses imperfections du modèle de l’intégration à la française. Mais en même temps, la pauvreté en termes qualitatifs et quantitatifs du cinéma ethnique en France nous a préservés d’une filière parallèle à la Tyler Perry aux Etats-Unis, dont le fond de commerce est essentiellement une confirmation nauséabonde de tous les préjugés que l’on pourrait avoir à l’égard d’une minorité raciale.
Avec 30 ° couleur, Lucien Jean-Baptiste ne se met pas à l’abri de toute polémique en contant l’aventure exotique d’une veillée funèbre sur fond de carnaval. Il emprunte plutôt la voie du dépaysement – déjà si brillamment explorée dans son premier film qui emmenait une famille d’origine antillaise sur les pistes de ski –, qui consiste cette fois-ci en la confrontation d’un homme de lettres élevé à la française avec son milieu d’origine qu’il s’est efforcé pendant toute sa vie à occulter. Le phénomène du « bounty », qui n’attire hélas pas plus le cinéma que celui comparable du côté asiatique de la « banane », est gentiment exacerbé au fil d’une intrigue, qui force par contre rarement le trait. Un très fort sentiment de vécu émane de la narration des deux réalisateurs, Jean-Baptiste et son ancien premier assistant Philippe Larue, qui nous fait constamment rire d’un œil et pleurer de l’autre.
Peu importe les origines, il existe en effet toujours une volonté d’acceptation accrue chez l’étranger, que le film retranscrit avec une justesse de ton qui ne fait qu’exceptionnellement appel aux bons sentiments. Ce n’est ainsi point le prétexte de la disparition du corps de la défunte qui fait avancer le récit, pas plus que les traditions carnavalesques au coloris folklorique marqué, mais la réconciliation difficile, parce qu’involontaire, du personnage principal avec son passé familial, qui lui avait toujours inspiré un sentiment de honte dans les cercles intellectuels et hypocrites auxquels son ascension sociale lui avait donné accès.
Vu le 29 mars 2012, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 17
Note de Tootpadu: