Bullhead

Bullhead
Titre original:Bullhead
Réalisateur:Michaël R. Roskam
Sortie:Cinéma
Durée:129 minutes
Date:22 février 2012
Note:
Quand un agent fédéral belge, qui enquêtait sur la mafia des hormones, est assassiné, l’étau se resserre autour de ces agriculteurs des deux côtés de la frontière linguistique, dont le bétail est engraissé à coups d’injections de substances illicites. Jacky Vanmarsenille, le fils d’un des paysans qui ont fait fortune grâce à ce marché parallèle, n’est pas directement impliqué dans cette affaire. Son fournisseur en produits de dopage l’incite cependant à s’associer avec l’instigateur du meurtre, dont le bras droit est Diederik Maes, un ami d’enfance de Jacky. Vingt ans plus tôt, le destin des deux garçons avait en effet été marqué à jamais par un événement traumatisant.

Critique de Tootpadu

Il n’est guère étonnant que le comité de sélection belge ait envoyé ce film-ci pour concourir dans la catégorie du Meilleur Film étranger aux Oscars, plutôt que la première tentative des frères Dardenne de venir à la rencontre d’un public plus large que celui qui adhère à leur cinéma normalement plus austère d’un point de vue formel. Derrière son apparence d’une plongée sans concessions dans le monde mal famé du trafic d’hormones, Bullhead est en fait le genre de mélodrame manipulateur, qui a la cote auprès des membres de l’Académie américaine et dont l’intrigue part d’un point décisif dans l’enfance pour justifier pourquoi le personnage central a mal tourné. Car toute la partie de l’histoire, qui pourrait éventuellement avoir un intérêt dans le domaine de la santé publique – trop rarement évoqué par le cinéma de fiction – passe définitivement à l’arrière-plan, dès que la narration entame le premier retour en arrière, lourd de conséquences pour le protagoniste et pour la tenue globale d’un film, qui avait pourtant commencé d’une façon à peu près prometteuse.
La découverte du lien fatidique entre Jacky et Diederik prend l’ampleur d’un coup de théâtre, qui nous verra certes par la suite considérer cette bête d’un homme comme un colosse aux pieds d’argile, mais qui invite en même temps un ton tendancieux qui a l’air de plus viser la pitié larmoyante que le dépouillement des sentiments. L’assurance du ton ne fait d’ailleurs pas la force de la mise en scène de Michaël R. Roskam. Tandis que la barrière entre Flamands et Wallons sert de prétexte à quelques parenthèses comiques qui s’intègrent assez peu organiquement dans le reste du récit, le recours régulier aux symboles aussi peu fins qu’un ciel nuageux ou un crucifix qui saigne de l’entrejambe ne constitue qu’un des aspects les plus voyants d’une panoplie de dispositifs formels, plus agaçants les uns que les autres.
Enfin, l’interprétation de Matthias Schoenaerts, portée aux nues par nos confrères critiques, se définit surtout à travers l’opposition entre sa masse physique et l’atteinte à sa virilité. Il nous faudra cependant plus que quelques regards hagards et des séances de boxe dans le vide pour nous convaincre de la fêlure psychologique de son personnage. Au moins, son tempérament taciturne lui épargne des répliques aussi risibles que celles grâce auxquelles son pendant féminin cherche à se tirer d’affaire, lors de l’affrontement final, désagréablement grandiloquent.

Vu le 27 mars 2012, au MK2 Nation, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: