Aventure de Mme Muir (L')

Titre original: | Aventure de Mme Muir (L') |
Réalisateur: | Joseph L. Mankiewicz |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 104 minutes |
Date: | 26 mai 1948 |
Note: | |
Après avoir porté le deuil auprès de sa belle-famille pendant un an, la jeune veuve Lucy Muir décide de s’installer seule, avec sa fille et sa bonne, sur la côte anglaise. Contre l’avis de son agent immobilier, elle y loue une maison hantée par son ancien propriétaire, le capitaine Daniel Gregg qui se serait suicidé quelques années plus tôt. Lucy ne se laisse point décourager par cette malédiction, jusqu’à ce qu’elle rencontre le fantôme de Gregg le jour de son arrivée. Elle lui tient tête et s’arrange avec lui, afin de pouvoir continuer à habiter dans cette demeure qui lui a plu dès qu’elle y est entrée. Au fil du temps, il s’établit même une complicité entre Lucy et Gregg, que l’on pourrait qualifier d’amour, si les deux amants appartenaient au même monde.
Critique de Tootpadu
Considérée par de nombreux cinéphiles comme un chef-d’œuvre supplémentaire dans la longue et illustre carrière de Joseph L. Mankiewicz, cette épopée romantique a toujours eu du mal à nous enthousiasmer. Nous lui reconnaissons certes une intelligence et une lucidité hors pair, qui sont tout à l’honneur de son réalisateur. Mais en même temps, il lui manque cette pointe d’un cynisme cinglant, qui avait rendu certains de ses films ultérieurs si jouissifs, sans parler d’une approche visuelle un peu moins sage et sobre. En effet, si L’Aventure de Mme Muir ne réussit pas à susciter chez nous une adhésion inconditionnelle, c’est parce qu’il défend justement l’anti-thèse de la folie exubérante, afin de promouvoir quelque chose d’infiniment plus subtil dans sa subversion.
A la fois un faux film d’épouvante, puisque la menace se transforme très tôt en soutien moral et indirectement financier, et une fausse comédie fantastique, en raison du nombre réduit de moments loufoques qui rythmaient des films plus légers comme Le Couple invisible de Norman Z. McLeod, le récit emprunte sans trop d’hésitation la voie de l’amour impossible, d’ailleurs pas sans lien de parenté avec un univers aussi édulcoré que celui de Twilight. Ici, la romance s’étend sur trois actes inégaux : le bonheur d’une rencontre improbable, la concurrence d’un rival réel, et enfin en guise d’épilogue assez consensuel, l’attente exténuante de la mort qui signifiera la réunion des amants pour l’éternité. Seule la première partie du film nous paraît réellement à la hauteur de la complexité intellectuelle et sentimentale par laquelle les meilleures films de Joseph L. Mankiewicz se distinguent, tandis que la suite de cette histoire gentiment fantastique se conforme davantage à un modèle mélodramatique sensiblement moins ingénieux.
En dépit de la musique magistrale de Bernard Herrmann, du charme irrésistible du vieux loup des mers interprété par Rex Harrison, et de la beauté de Gene Tierney dans le rôle d’une femme au moins partiellement en avance sur son temps, nous ne sommes donc pas entièrement dupes de l’idéal romantique, désuet et soumis, que le film cherche à colporter à tout prix. C’est peut-être même son excès de sophistication qui nous empêche d’adhérer corps et âme à cette belle histoire, trop éthérée pour déchaîner les passions.
Revu le 24 mars 2012, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois, en VO
Note de Tootpadu: